Aide médicale d'État : Le rapport Stefanini / Évin fait réagir à l'Assemblée

Actualité
Image
Assemblée nationale extérieur
par Raphaël Marchal, le Mercredi 6 décembre 2023 à 22:39

Claude Évin et Patrick Stefanini étaient auditionnés ce mercredi 6 décembre à l'Assemblée nationale, deux jours après avoir rendu leurs conclusions sur l'aide médicale d'État. L'occasion, pour les députés, de poursuivre le débat sur ce dispositif, alors que le projet de loi immigration atterrit dans l'hémicycle à compter de lundi.

Deux jours après avoir remis leurs conclusions au gouvernement, Claude Évin et Patrick Stefanini les ont présentées aux rapporteurs du projet de loi immigration, à l'Assemblée nationale, ce mercredi 6 décembre. Et comme dans leur rapport, l'ancien ministre socialiste de la Santé et l'ex-préfet et figure des LR ont conforté l'aide médicale d'État (AME), un dispositif "utile", "globalement maîtrisé", qui "répond à des préoccupations de santé publique", a redit Claude Évin.

Les deux hommes ont rappelé l'augmentation du nombre de bénéficiaires, et, nécessairement, du coût qu'elle engendre - il devrait approcher les 1,2 milliards d'euros en 2023, avec près de 466 000 bénéficiaires attendus. Les co-rapporteurs ont également rappelé les pistes d'évolution proposées : informatisation de la carte de bénéficiaire, clarification du statut des bénéficiaires - et particulièrement celui de "cohabitant" qui ouvre droit à l'AME -, émancipation des majeurs, renforcement du contrôle des ressources, suppression automatique de l'AME pour les sans-papiers visés par une procédure d'expulsion et "menaçant l'ordre public"...

Bénéficier de l'AME sans jamais se présenter devant l'autorité préfectorale me paraît anormal. Patrick Stefanini, ancien préfet, co-rapporteur du rapport sur l'AME

Devant les députés, ils ont toutefois marqué de manière beaucoup plus tangible leurs divergences sur certaines de leurs propositions. Patrick Stefanini a ainsi défendu l'idée qu'un étranger en situation irrégulière doive se présente à la préfecture pour justifier de son statut, à chaque renouvellement annuel de l'AME. Claude Évin s'oppose à cette proposition, jugeant qu'elle risque de conduire certains clandestins à préférer perdre leurs bénéfices, par crainte de se rendre devant l'autorité administrative. L'ex-ministre y voit une forme de "chantage".

Même chose concernant l'accès aux soins pour les affections de longue durée (ALD). Patrick Stefanini souhaite le conditionner au fait que ces mêmes soins soient inaccessibles dans le pays d'origine, constatant une "augmentation préoccupante" de la couverture des séances de dialyse, de chimiothérapie ou de radiothérapie effectuées dans ce cadre depuis quelques années. Ce qui pourrait laisser entendre que certains étrangers se rendent en France exclusivement dans ce but, alors même qu'ils pourraient être soignées dans leur pays d'origine. Une position intenable, pour Claude Évin : "On a un étranger en situation irrégulière depuis 3 ans sur notre territoire, on a été incapble de l'expulser, et maintenant qu'il a un cancer, on regarde si on ne peut tout de même pas le mettre à la porte."

Un débat a minima dans l'hémicycle

Au Sénat, l'AME avait été supprimée au bénéfice d'une aide médicale d'urgence (AMU) plus resserrée dans le cadre de l'examen du projet de loi immigration. L'AME a été rétablie au stade de la commission à l'Assemblée nationale. Les députés LR vont bien déposer un amendement pour tenter de revenir à la position sénatoriale, mais n'ont guère d'espoir de le voir franchir les fourches caudines de la recevabilité, a confié Philippe Gosselin (LR) à LCP. De fait, le débat sur l'AME ne sera pas examiné en profondeur, contrairement à ce qu'il s'était produit au stade de la commission. "Il y a tromperie sur la marchandise. Nos concitoyens attendaient un grand texte sur l'immigration", a regretté le député de la Manche.

"On peut se demander si votre rapport n'est pas purement conjoncturel, pour faire passer la navette entre le Sénat et l'Assemblée nationale", a pour sa part questionné Éric Pauget. "Est-ce qu'on a une tête à se faire manipuler ? je ne crois pas", lui a rétorqué Patrick Stefanini. Avant toutefois de rappeler que la date de remise du rapport avait été avancée pour coller à l'examen dans l'hémiycle, alors que la lettre de mission prévoyait initialement un rendu au 15 janvier. "Certaines analyses, notamment concernant la comparaison à l'échelle européenne, ne sont pas totalement approfondies."

L'élu socialiste Arthur Delaporte a critiqué certaines conclusions du rapport, les jugeant différentes des observations dressées par le tandem, et avant tout destinées à "davantage contrôler des fraudes marginales". "En prétextant des ruptures de parcours, vous préconisez d'aligner le régime des demandeurs d'asile sur celui de l'AME, et de réduire leur panier de soins", a-t-il également souligné. Enfin, Charles de Courson (Liot) a pointé la difficulté de Mayotte, où l'AME ne s'applique pas, ce qui conduit à un déport vers l'hôpital public et à une explosion de son déficit. Ce qui a fait dire à Patrick Stefanini que "Mayotte pourrait justement devenir le modèle si on allait vers une réduction drastique du panier de soins de l'AME".