"Année blanche", agences, dépenses de santé... : Bercy consulte et François Bayrou prépare son grand oral budgétaire du 15 juillet

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François Bayrou, le 14 janvier 2025. LCP
François Bayrou, le 14 janvier 2025. LCP
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mardi 8 juillet 2025 à 08:15, mis à jour le Mardi 8 juillet 2025 à 08:15

Les ministres de Bercy, Eric Lombard (Finances) et Amélie de Montchalin (Comptes publics) continuent de consulter les responsables des groupes parlementaires et des formations politiques sur la préparation du budget 2026, tandis que le Premier ministre, François Bayrou, qui ne veut rien laisser filtrer, présentera son plan de redressement des finances publiques le 15 juillet. 

François Bayrou l'a annoncé : c'est le 15 juillet qu'il présentera son plan de redressement des finances publiques - le gouvernement cherche 40 milliards d'économies pour boucler le budget 2026. Mais le Premier ministre ne souhaite "déflorer aucune des mesures" avant cette date. Seulement, sait-on, que ce plan "va demander un effort à tous les Français". D'ici là, les ministres de Bercy, Eric Lombard (Economie et Finances) et Amélie de Montchalin (Comptes publics) poursuivent leur tour de table des formations politiques pour tenter de "bâtir un compromis"

Après le président du groupe Horizons à l'Assemblée nationale, Paul Christophe, celui du groupe Les Indépendants au Sénat, Claude Malhuret, et le député du Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy, ils ont reçu lundi 7 juillet le président du groupe Union centriste au Sénat, Hervé Marseille, puis les présidents des députés et des sénateurs socialistes, Boris Vallaud et Patrick Kanner, avant l'élu de La France insoumise Eric Coquerel, reçu en tant que président de la commission des finances de l'Assemblée. Et pour finir la journée, les représentants communistes Fabien Roussel, Stéphane Peu et Cécile Cukierman.

Suivront, dans la semaine, le président des députés Ensemble pour la République et chef de file de Renaissance, Gabriel Attal, le président du groupe Droite républicaine de l'Assemblée, Laurent Wauquiez - deux rendez-vous en cours de calage -, ainsi que ses homologues du groupe de La France insoumise, Mathilde Panot, mercredi ou jeudi, et du groupe Ecologiste et social, Cyrielle Chatelain, vendredi.

La piste de "l'année blanche"

Et après ? Quelles conclusions François Bayrou tirera-t-il de ces rencontres, alors que le projet de loi de finances pour l'année prochaine apparaît comme le sommet le plus haut, et par là même, le plus risqué, de "l'Himalaya" de difficultés qu'il avait décrit lors de sa nomination à Matignon ? "Laissons-nous un peu de marge de discussion. Je suggère que le Premier ministre présente des mesures qui prévoient par exemple 20-25 milliards d’euros d’effort incontournable, et laisse des options ouvertes au débat pour atteindre 40 milliards", expliquait Marc Fesneau dans Le Figaro vendredi 4 juillet. "Je sais que vont fleurir les 'lignes rouges' sur les recettes et sur les dépenses, si on arrive avec une liste de mesures définitives", expliquait le chef de file des députés Les Démocrates. Une stratégie risquée, selon un membre du gouvernement : "S'il part de 25 milliards, je ne vois pas comment il arrive à 40. Il vaut mieux faire l'inverse."

Déjà, chacun, dans les oppositions, affiche ses réticences, lorsque sont évoquées des mesures d'économies potentielles. Parmi elles : la fameuse "année blanche", qui consiste à reconduire à l'identique, sans tenir compte de l'inflation, certaines dépenses de l'Etat, comme les retraites, les prestations sociales ou encore le barème de l'impôt sur le revenu. C'est "une piste sur la table", a confirmé dimanche le ministre chargé du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, sur France inter, pour qui cela aurait le mérite de "freiner et de refroidir la dépense publique". La semaine dernière, sa collègue des Comptes publics, Amélie de Montchalin, s'est dite favorable à "une pause" sur certaines dépenses publiques.

 Le Premier ministre doit aller chercher les Français, faire de la pédagogie et démontrer que les impacts [de la situation actuelle] seraient pires que les remèdes [à venir]. Un membre du gouvernement

Juge-t-elle que "l'année blanche" est une bonne idée ? "Ça dépend sur quoi on l'applique", car "il y a plein de manières de le faire". "Est-ce que c'est sur les prestations sociales ? Est-ce que c'est sur les barèmes des impôts ? Est-ce que c'est sur les dotations aux collectivités ? Est-ce que c'est sur les versements et les aides aux entreprises ? Cette année de pause, elle doit être plus ou moins grande", avançait-elle.

Mais, d'après le ministre précité, le 15 juillet, François Bayrou devrait bel et bien annoncer "le gel des pensions de retraite, des prestations sociales et de l'impôt sur le revenu", ainsi que "de toute initiative" et "création de postes", soit un budget limité aux seuls "coups partis", à savoir les investissements déjà engagés. Viendrait notamment s'ajouter : des économies sur les agences de l'Etat et sur les dépenses de santé. "Le Premier ministre doit aller chercher les Français, faire de la pédagogie et démontrer que les impacts [de la situation actuelleseraient pires que les remèdes [à venir]", poursuit-il, précisant que quelques ministères pourraient être, un peu, épargnés. 

Sauf que "l'année blanche" a des détracteurs. Le député insoumis Eric Coquerel a déploré dimanche sur LCI "une très mauvaise solution" qui pourrait engendrer "des effets récessifs (...) surtout pour les plus défavorisés". "L'année blanche, selon l'OFCE, c'est un effort trois fois plus dur pour les plus démunis que pour les plus aisés", a aussi dénoncé le socialiste Philippe Brun sur X. Au Rassemblement national non plus la mesure ne convainc pas. Le député Jean-Philippe Tanguy a assimilé l'idée au "néant de la politique", quand son collègue Sébastien Chenu y voyait "rien d'autre qu'un impôt déguisé". "Faire une année blanche, c'est prendre zéro décision, ce n'est pas du tout au niveau", critiquait aussi Marine Le Pen sur RTL, opposée à toute hausse d'impôts. Pourtant, au sortir de son rendez-vous à Bercy mercredi dernier, Jean-Philippe Tanguy avait salué une visite "utile" qui n'a pas soulevé "d'alerte rouge" sur la hausse des taxes ou des impôts.

Les Républicains vont-ils soutenir le budget Bayrou ?

Les divergences existent aussi au sein même du "socle commun", puisque Les Républicains, qui participent au gouvernement de François Bayrou, refusent toute hausse d'impôts et dénoncent le principe de "l'année blanche". Invité d'Europe 1, le vice-président délégué de LR, François-Xavier Bellamy a estimé dimanche qu'opter pour "l'année blanche" serait "l'inverse de la bonne stratégie", et plaidé pour "s'attaquer de très près à la dépense sociale dans notre pays, qui est devenu (...) un problème majeur", citant le RSA et les allocations chômage. 

Il "s'agit d'un terme pudique pour dire (...) année rouge fiscale", avait fustigé le président du groupe Droite républicaine, Laurent Wauquiez, mercredi dernier, lors d'une conférence de presse. Il s'oppose au gel du barème de l'impôt sur le revenu ou de la CSG qui équivaudrait, selon lui, à une augmentation des impôts. "Sinon, on ne vote pas le budget", a menacé le député de Haute-Loire. Une épine de plus dans le pied de l'exécutif qui repose sur une coalition à l'équilibre précaire. Le même jour, dans Les Echos, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République), estimait pour sa part qu'il n'était pas possible d'"exclure d'emblée toute hausse d'impôts", allant à rebours des discours du gouvernement. Elle défendait, en outre, la suppression de "l'abattement fiscal de 10% sur les pensions, qui ne pénalise pas les petites retraites" et jugeait "nécessaire" de "se pencher sur la taxation des 'super héritages'".

Entre les positions des uns et des autres, François Bayrou "doit résoudre une équation insoluble", résume un membre du gouvernement. Le 15 juillet, au moment de ses annonces budgétaires, la session extraordinaire du Parlement sera terminée et l'Assemblée nationale sera en pause législative. Interdisant toute possibilité de censure jusqu'à la reprise des travaux, envisagée à ce stade autour du 22 septembre. Ce qui n'empêchera pas les députés de la commission des finances d'auditionner Amélie de Montchalin le mercredi 16 juillet à 16 heures. Charge à elle de faire le service après-vente ? Le dossier du budget ne devrait pas se clore du sitôt. Nul doute qu'il sera le sujet numéro un de la rentrée parlementaire.