Bioéthique : le projet de loi de retour à l'Assemblée

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Aurore Bergé, le 29 juin à l'Assemblée nationale
par Maxence Kagni, le Lundi 29 juin 2020 à 20:11, mis à jour le Vendredi 2 octobre 2020 à 15:42

Les députés ont commencé, lundi en commission, l'examen en deuxième lecture du projet de loi de bioéthique, qui ouvre l'accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. La majorité souhaite revenir sur les principales modifications effectuées par le Sénat.

Les députés ont débuté lundi soir, en commission spéciale, la deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique. Ce texte, adopté en octobre 2019 par l'Assemblée nationale, ouvre notamment l'accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. 

"Droit à l'enfant" ou égalité des droits ?

Lors de cette première soirée d'examen, les députés ont supprimé l'article 1er A du texte, qui avait été ajouté par les sénateurs. Celui-ci inscrivait dans la loi que "nul n'a de droit à l'enfant".

"[Le projet de loi relatif à la bioéthique] n'a jamais évoqué ou sous-entendu un tel droit", a expliqué lundi soir la rapporteure, Coralie Dubost (LaREM), pour justifier la suppression de l'article. Selon elle, l'ajout des sénateurs revient à "stigmatiser de façon abstraite le recours à la PMA".

L'élue de la majorité a été soutenue sur ce point par le député La France insoumise Bastien Lachaud, qui a estimé que les sénateurs faisaient "bavarder la loi" avec une "négation de choses qui n'existent pas".

La suppression de l'article 1er A a, en revanche, été critiqué par le député Les Républicains Patrick Hetzel : selon lui, la majorité "avance masquée" pour imposer ce "droit à l'enfant". "Ipso facto, vous êtes dans une logique où vous voulez accepter [ce droit], a déploré l'élu.

Les députés ont également rétabli les dispositions sur l'accès à la PMA en supprimant le critère d'infertilité, réintroduit par le Sénat. Cet accès à la PMA doit se faire, selon l'amendement adopté, "sans l'assortir corrélativement d'aucune différence de traitement, notamment au regard de l’orientation sexuelle ou du statut matrimonial des demandeurs". 

Nous ouvrons un seul et même droit pour les couples hétérosexuels, les couples de femmes et les femmes non mariées, sans en restreindre les conditions d'accès par un mécanisme de filtrage asymétrique et infondé. Amendement 1312

La commission spéciale n'a, en revanche, pas suivi le rapporteur Jean-Louis Touraine, qui proposait de permettre aux hommes transgenres d'accéder à la PMA.

Filiation 

Lors des débats, qui doivent se poursuivre en commission jusqu'à jeudi, les députés devraient également revenir sur les modifications apportées aux articles portant sur la filiation. Le Sénat a en effet inscrit dans le projet de loi qu'"il ne peut être légalement établi deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles à l’égard d’un même enfant". 

Selon le texte des sénateurs, en cas de PMA réalisée par un couple de femmes, la femme qui accouche est désignée comme étant la mère de l'enfant, tandis que l'autre femme doit adopter celui-ci. 

"Bien sûr, ce n'est pas acceptable", a commenté la rapporteure Coralie Dubost, qui souhaite supprimer ce dispositif afin de le remplacer par une simple déclaration conjointe et préalable des deux femmes. Ces dernières seraient alors toutes les deux désignées comme étant les mères de l'enfant à naître.

Assurance maladie

Les sénateurs ont également supprimé la prise en charge de la PMA par l'Assurance maladie pour toutes les femmes, en ne la réservant qu'aux seules demandes fondées sur des indications médicales comme l'infertilité. "Une honte", selon Bastien Lachaud (LFI), qui a mis en cause lundi soir "l'oeuvre réactionnaire du Sénat".

Aurore Bergé (La République en Marche) a, pour sa part, dénoncé un dispositif qui crée des "droits nouveaux [mais seulement] pour les plus riches".

La majorité devrait donc revenir à la version votée par l'Assemblée nationale en première lecture : "C'est une question d'égalité, de non-discrimination", a commenté Jean-Louis Touraine.

Lors de l'examen du texte en commission, les députés devraient également rétablir l'autorisation de l'autoconservation des gamètes sans raison médicale ainsi que le dispositif relatif à l'accès aux origines. Ce dispositif prévoit qu'à leur majorité les enfants issus d'une PMA pourront demander à connaître l'identité de leur géniteur.

Don du sang

Lors des débats, la question de la PMA post mortem (ou PMA de "volonté survivante" selon Jean-Louis Touraine) sera à nouveau abordée. Ce dispositif permettrait à une femme qui vient de perdre son conjoint d'utiliser pour elle-même les gamètes de son mari décédé en vue d'une insémination. Le rapporteur, Jean-Louis Touraine, y est favorable, mais sa collègue et porte-parole de LaREM, Aurore Bergé, s'y est opposée.

Les députés examineront également un amendement transpartisan déposé par le rapporteur socialiste du texte, Hervé Saulignac, qui supprime la condition d'abstinence sexuelle de quatre mois pour les hommes homosexuels souhaitant donner leur sang. "Je souhaite que la pratique rejoigne enfin le droit", a commenté le député PS, qui souhaite mettre fin à une "discrimination injustifiée".

La majorité souhaite sous-amender la proposition d'Hervé Saulignac. Selon la version rédigée par le groupe La République en Marche, "les critères de sélection des donneurs de sang" seraient "définis par arrêté du ministre chargé de la Santé pris après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé". Ces critères ne pourraient être fondés sur "aucune différence de traitement non justifiée par la nécessité de protéger le donneur ou le receveur".

"Pas prioritaire"

Plusieurs élus de droite ont profité des débats pour mettre en cause le choix d'inscrire à l'ordre du jour le projet de loi bioéthique en pleine crise sanitaire. Thibault Bazin (Les Républicains) a évoqué sa "sidération", tandis que Pascal Brindeau (UDI et indépendants) a critiqué un choix qui a "quelque chose de choquant et d'indécent".

Xavier Breton (Les Républicains) a pour sa part dénoncé la "lâcheté" de l'exécutif, qui a "cédé" selon lui "aux caprices d'un lobby".

L'examen du projet de loi en séance publique aura lieu à partir du lundi 6 juillet.