Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ont dévoilé jeudi les priorités du projet de loi de finances pour l'année prochaine. Le gouvernement promet une baisse d'impôts de 9,3 milliards d'euros pour les ménages, ciblée sur l'impôt sur le revenu et la disparition de la taxe d'habitation pour 80% des contribuables. Malgré la baisse inédite des taux d'intérêt, le dette ne fait que se stabiliser.
Le mot d'ordre officiel du prochain budget ? "Baisser les impôts, préparer l'avenir". Et, surtout, éviter de rallumer la mèche face aux Gilets jaunes. Bruno Le Maire l'a reconnu lui-même jeudi devant la presse : "On ne fait pas un budget au milieu de nulle part et nous avons vécu une crise sociale majeure il y a quelques mois : ce budget tient compte des attentes des Français."
Les ambitions de "sérieux budgétaire" du début du quinquennat, censées faire de la France un des bons élèves de l'Europe, paraissent lointaines. Le projet de loi de finances 2020 prévoit un déficit public structurel stable, autour de 2,2%. De même, la dette va faire du surplace baissant de 0,1 point, à 98,7% du PIB. Et ce, malgré un environnement monétaire porté par des taux qui n'ont jamais été aussi bas. Entre 2019 et 2020, l'État économisera 4 milliards d'euros de plus que prévus sur la charge de sa dette.
Pour autant, la dépense publique ne dérapera pas l'année prochaine et devrait se tasser autour de 53,4% du PIB (contre 53,8% en 2019). Les efforts porteront avant tout sur la réforme de l'assurance-chômage, l'audiovisuel public et la ponction des acteurs du logement social.
Si le coup de rabot sur les niches fiscales sera limité (650 millions d'euros), la bonne surprise du taux de recouvrement de l'impôt à la source (un milliard d'euros de plus que prévu en 2019) et l'accord fiscal d'un milliard d'euros passé avec Google apportent un peu d'air aux finances publiques. "D'autres contentieux seront réglés l'année prochaine, ce qui promet d'autres bonnes nouvelles", a annoncé Gérald Darmanin sans dévoiler le nom des entreprises dans son viseur.
Les marges de manœuvre dégagées seront quasi exclusivement consacrées aux baisses d'impôt promises à l'issue du Grand débat. Les ménages devraient profiter de l'essentiel de ces baisses : 5 milliards d'euros en moins d'impôt sur le revenu pour 16,9 millions de foyers fiscaux (300 euros économisés en moyenne) et suppression totale de la taxe d'habitation pour 80% des contribuables les moins aisés (3,7 milliards d'euros).
En tout, les cadeaux fiscaux pour les ménages pèsent pour 9,3 milliards d'euros si l'on y ajoute notamment la montée en puissance de l'exonération des heures supplémentaires et l'annulation de la hausse de la CSG pour les petites retraites.
Les entreprises devront se contenter d'une baisse de la pression fiscale d'un petit milliard d'euros en 2020. Quand on regarde dans le rétroviseur, les entreprises auront toutefois bénéficié du double effet de la dernière année du Crédit impôt compétitivité emploi (CICE) et de la baisse des charges, pour un montant de 40 milliards d'euros en 2019.
De plus, Bruno Le Maire a promis que le taux d'impôt sur les sociétés atteindra bien les 25% en 2022 (contre 28 à 31% actuellement selon le chiffre d'affaires).
Les embauches dans la fonction publique d'État compenseront quasiment les suppressions de postes l'année prochaine (47 suppressions net). Un jeu à somme nulle, duquel les ministères de l'Action et des Comptes publics (- 1653 postes), la Transition écologique (- 797 postes) et les Solidarités et la Santé (- 203 postes) sortent perdants. "Ce sont des postes dans l'administration, aucun poste d'infirmière ne sera supprimée", assure Gérald Darmanin.
En revanche, les ministère régaliens seront particulièrement renforcés, que ce soient les Armées (+ 300 postes), l'Intérieur (+ 1 347 postes) ou la Justice (+ 1 520). Dès lors, l'objectif de supprimer 50 000 postes dans la fonction publique d'État pendant le quinquennat, ramené à 15 000 postes l'été dernier, s'éloigne un peu plus. Entre 2017 et 2020, 5 243 postes auront été supprimés, soit seulement un tiers du nouvel objectif.
Le gouvernement a aussi voulu rassurer sur les ambitions écologiques de son budget. Celui-ci sera un peu plus vert, avec 800 millions d'euros de crédits supplémentaires pour le ministère de la Transition écologique, qui seront principalement consacrés au verdissement des transports. Néanmoins, il n'est toujours pas question de dégeler la taxe carbone, dont la hausse fin 2018 avait jeté les Gilets jaunes sur les ronds-points.
Poussé par sa majorité parlementaire, l'exécutif compte tailler dans les niches fiscales mais très modérément. Alors qu'elles devraient tutoyer les 80 milliards d'euros en 2020, le gouvernement va éteindre en trois ans la niche du gazole non routier (qui bénéficie autant à l'agriculture qu'au ferroviaire) et réduire en 2020 le taux de déduction fiscale de 60 à 40% pour les dons des entreprises supérieurs à deux millions d'euros.
De quoi rapporter 650 millions d'euros au total l'année prochaine, alors que certains élus La République en marche visent plutôt un coup de rabots d'un milliard d'euros. Le point d'équilibre sera peut-être atteint par la chasse aux "petites taxes", aux rendements très faibles voire nuls, sur laquelle les ministres se disent prêts à accepter des amendements.
Après 1,4% en 2019, le gouvernement table sur une augmentation du PIB de 1,3% l'année prochaine. "Une croissance robuste" selon Bruno Le Maire, qui pointe toutefois un climat macro-économique instable, entre les oscillations du baril de pétrole, la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et la possibilité d'un Brexit sans accord.
Autant de dangers qui ne remettent pas en cause la détermination du ministre de l'Économie, qui affirme que "l'augmentation des impôts n'est pas une option" même en cas de mauvaise conjoncture. L'année dernière, le même Bruno Le Maire promettait aussi de tenir le cap du redressement des comptes publics, avant de se heurter deux mois plus tard à la contestation populaire.