Budget 2021 : l'Assemblée vote les crédits de la mission immigration

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Marlène Schiappa, le 5 novembre 2020.
par Maxence Kagni, le Jeudi 5 novembre 2020 à 13:29, mis à jour le Jeudi 5 novembre 2020 à 19:07

Ce budget, en hausse de 2%, doit selon l'exécutif permettre de "faire preuve d'humanité dans l'accueil et l'intégration" mais aussi de "fermeté vis-à-vis de celles et ceux qui rentrent irrégulièrement sur le territoire national".

L'Assemblée nationale a adopté jeudi les crédits de la mission immigration, asile et intégration du projet de loi de finances pour 2021 (68 pour, 8 contre, 2 abstentions).

Le dispositif a été défendu dans l'hémicycle par la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, qui a évoqué une "politique migratoire que [le gouvernement veut] maitrisée et équilibrée". Le but ? "Faire preuve d'humanité dans l'accueil et l'intégration" mais aussi de "fermeté vis-à-vis de celles et ceux qui rentrent irrégulièrement sur le territoire national".

Le rapporteur spécial Jean-Noël Barrot (MoDem) a précisé que le budget de cette mission est de 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2% par rapport à l'année précédente.

Le député a ajouté que l'examen de ces dispositions se passait dans un contexte migratoire "modifié" par la "situation sanitaire". "En 2020, pour la première fois depuis 2015, le nombre de demandeurs d'asile en France baissera notamment en raison des restrictions de déplacement", a expliqué Jean-Noël Barrot. Ainsi, 100.000 demandes devraient être introduites auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) en 2020, contre 130.000 en 2019. 

"Délais inhumains"

Le projet de loi de finances se traduit par ailleurs par une "poursuite de la croissance des moyens" de la lutte contre l'immigration irrégulière, avec la création notamment de 1.500 places supplémentaires en centre de rétention administrative (CRA).

Des efforts jugés insuffisants par le député Les Républicains Pierre Henri-Dumont, qui estime que "jamais la France n'a accueilli autant d'étrangers".

Les trafiquants d'être humains deviennent les réels décideurs de notre politique migratoire. Pierre-Henri Dumont

Tandis que Jean-Noël Barrot a précisé que le budget de l'Ofpra sera supérieur à 90 millions d'euros, Pierre-Henri Dumont estime que "le système est embolisé" : "Alors que l'objectif était de traiter les demandes en deux mois, il en faut aujourd'hui neuf."

"Ces délais sont inhumains", a ajouté Bertrand Pancher (Libertés et Territoires), mettant en cause des "manques de moyens notamment dans les préfectures".

Eriger des murs sur la base de dispositifs plus contraignants que ceux qui existent aujourd'hui n'est pas la solution. Bertrand Pancher

"Entre le dépôt de leur demande et la décision définitive, les personnes réfugiées ne disposent d'aucun droit, notamment de travailler", a regretté le président de groupe. Evoquant le cas des personnes travaillant pour cette raison dans l'illégalité, Bertrand Pancher a dénoncé une "forme moderne de l'esclavage en France".

Alexis Corbière (La France insoumise) a également dénoncé "un scandale" qui se déroule dans son département de la Seine-Saint-Denis : "En raison de la saturation des conditions d'accueil à la préfecture, un marché noir s'est mis en place et l'on vend des places de rendez-vous entre 200 et 1000 euros." L'élu a déploré que la hausse de 2% des crédits de la mission immigration, asile et intégration n'était en réalité que d'1,2% "si on tient compte de l'inflation".

Moratoire sur l'immigration

"Pour bien intégrer les étrangers en situation régulière, nous devons mieux expulser ceux qui n'ont rien à y faire", a quant à lui déclaré Pierre-Henri Dumont.

Son collègue Fabien Di Filippo (Les Républicains) a pour sa part prôné la fixation d'un "plafond d'immigration légale chaque année adapté à nos capacités d'intégration et voté par le Parlement".

L'élu a aussi prôné un moratoire de cinq ans sur l'immigration ainsi qu'une "expulsion des clandestins étrangers condamnés à de la prison ferme".

"De trop nombreux terroristes qui ont perpétré des attentats chez nous en France sont des migrants ou des personnes issues de l'immigration, c'est un fait", a expliqué de son côté Emmanuelle Ménard (non inscrite).

"Sur les 30 derniers attentats [réalisés] sur le sol français, 22 ont été commis par des citoyens français", lui a répondu Marlène Schiappa, avant de rappeler que le débat sur l'immigration désormais prévu chaque année à l'Assemblée, comme voulu par Emmanuel Macron, aura lieu en décembre prochain.

De Marie Curie à Nicolas Sarkozy, de Zinédine Zidane à Gambetta, de Omar Sy à Yannick Noah, les immigrés ont enrichi la France. Marlène Schiappa

Alerte sur les CRA

La rapporteure Elodie Jacquier-Laforge (MoDem) a profité de son intervention pour pointer du doigt les problèmes sanitaires rencontrés dans les centres de rétention administrative (CRA). "Les griefs formulés envers les modalités de prises en charge des personnes malades en rétention sont nombreux et récurrents", a déploré l'élue.

Ainsi, les unités médicales de CRA sont organisées par une circulaire de 1999 "qui n'est plus du tout adaptée à la situation". Cette circulaire a d'ailleurs été abrogée en 2017, "mais elle sert toujours de référence puisque le texte amené à lui succéder n'a toujours pas été publié". Ce devrait être chose faite en début d'année prochaine, s'est félicitée Elodie Jacquier-Laforge, attirant par ailleurs l'attention sur "l'état de santé mentale des personnes retenues".

"Les conditions sanitaires dans les CRA sont alarmantes", a abondé Serge Letchimy ("Socialistes"). Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine) a quant à lui insisté sur son "incompréhension" face à "l'insistance" avec laquelle "le gouvernement et sa majorité persistent dans leur refus d'interdire le placement d'enfants étrangers en CRA".

Intégration

Le gouvernement souhaite également créer 4.500 places d'hébergement supplémentaires et continuer sa politique d'intégration avec une enveloppe de 433 millions d'euros. Des crédits "en légère hausse" jugés "bien faibles au regard de l'ambition exprimée par le président de la République" par Aina Kuric (Agir ensemble).

"Seulement 20% du budget correspond aux politiques d'intégration", a lui aussi déploré Jean-Christophe Lagarde (UDI et indépendants), qui a insisté sur la nécessité de favoriser "l'apprentissage de la langue" et "l'acquisition des notions et valeurs" françaises.

"L'Etat se donne les moyens de mener une politique ambitieuse", leur a répondu Marlène Schiappa, évoquant un "budget dédié qui se maintient à un haut niveau et qui progresse de deux millions sur l'année 2021". "J'ai souhaité accélérer la naturalisation des travailleurs étrangers qui étaient en première ligne pendant le confinement", a notamment souligné la ministre.