Budget 2025 : les débats sur la partie "recettes" ont repris, le bras de fer sur la fiscalité se poursuit

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Hémicycle de l'Assemblée nationale le 6 novembre 2024
Hémicycle de l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, le 6 novembre 2024 - 06/11/2024
par Soizic BONVARLET, le Jeudi 7 novembre 2024 à 07:38, mis à jour le Jeudi 7 novembre 2024 à 10:33

L'examen du budget de l'Etat a repris dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, mercredi 6 novembre, douze jours après avoir été suspendu pour permettre l'examen du budget de la Sécu. Les députés ont notamment adopté, malgré l'opposition du gouvernement et des groupes politiques qui le soutiennent, des amendements visant à remédier à l'évasion fiscale et à taxer durablement les surprofits.

À la reprise des débats sur la partie "recettes" du budget pour 2025, douze jours après leur interruption pour faire place à celui de la Sécurité sociale, le rapporteur général de la commission des finances a commencé par dresser un premier bilan. Charles de Courson (LIOT) a ainsi indiqué que sur 1178 amendements d'ores et déjà examinés, 201 ont été adoptés, représentant 30 milliards d'euros de recettes supplémentaires.

"Toutefois, sur ces 30 milliards, 23 milliards résulteraient de dispositions qui sont susceptibles d'être contraires soit au droit européen, soit à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ou dans certains cas, ne peuvent s'appliquer en l'état compte tenu de la rédaction retenue. On aboutirait donc à un gain net de l'ordre de 7 milliards", a cependant précisé Charles de Courson. Et de chiffrer la perte de recettes générée par les mesures jusqu'à présent retenues à hauteur de "20 milliards d'euros", dont "2,85 milliards" qui pourraient également ne pas s'appliquer pour les raisons citées plus tôt, soit en fin de compte, "10 milliards de pertes de recettes nettes". Le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise), n'a pas remis en cause le chiffrage global correspondant aux mesures adoptées jusqu'à présent en première lecture, tout en contestant l'argument de l'inconstitutionnalité.

NFP et RN votent de concert pour limiter l'évasion fiscale

Dans la foulée, le président de la commission des finances s'est remis en selle sur un cheval de bataille cher à la gauche de l'hémicycle, celui de la lutte contre l'évasion fiscale. Comme en commission, l'amendement visant à instaurer un "impôt Zucman", du nom de l'économiste Gabriel Zucman, a été adopté. Une mesure permettant de remédier en partie à l’évasion fiscale en taxant les multinationales à hauteur des gains réellement réalisés en France, en récupérant une part d’impôt sur les bénéfices qui auraient été artificiellement localisés dans des paradis fiscaux. Concrètement, l'amendement dispose que "l'administration fiscale calculerait la différence entre l'impôt que devrait une entreprise si tous ses bénéfices mondiaux avaient été taxés à 25%, et l'impôt effectivement payé par l'entreprise à la France".

Si le Rassemblement national a soutenu cet amendement, permettant ainsi son adoption par l'addition de ses voix à celles du Nouveau Front populaire, l’amendement suivant, cette fois issu des bancs du groupe présidé par Marine Le Pen, a été adopté grâce à l'apport des suffrages du NFP. Il prévoit d’appliquer, comme c’était le cas avant 2005, le dispositif de rapatriement des bénéfices des groupes français pour les filiales établies dans un Etat membre de la Communauté Européenne.

Haro sur les "profiteurs de crise"

Autre sujet sur lequel le gouvernement et le socle commun ont accusé un revers, celui des superprofits. Un amendement de La France insoumise a ainsi été adopté, visant explicitement Total Energie, ainsi que l'armateur CMA GCM, et pointant qu'en 2022 et 2023 ces entreprises aient pu réaliser des "bénéfices records" et jouir d'une imposition en France relevant d'un "privilège fiscal", auquel l'amendement vise à remédier.

Le ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, sans remettre en cause "la philosophie" de la mesure, a justifié sa préférence de soumettre certains secteurs à une contribution exceptionnelle prévue dans le projet de loi de finances, afin d'éviter d'"ancrer dans le dur des taux de fiscalité qui vont complètement couper l’investissement".

"Nous avons la confirmation ce soir que, pour dérouler le tapis rouge du matraquage fiscal des entreprises, la gauche pourra toujours compter sur le Rassemblement national", a dénoncé Charles Sitzenstuhl (Ensemble pour la République) suite à l'adoption de l'amendement par l'addition des voix des deux blocs d'opposition au gouvernement.

Le crédit impôt recherche pointé du doigt

"La plus grosse niche fiscale du budget". C'est ainsi qu'Eva Sas (Ecologiste et social) a qualifié le crédit impôt recherche (CIR), que la gauche de l'hémicycle souhaite plus que jamais réformer. "Aujourd’hui on sait que Michelin va licencier 1200 personnes, et ils ont touché 55 millions de crédit impôt recherche en 2024. À un moment, il faut quand même qu’il y ait des critères (…) notamment d’emploi", a notamment argué Nicolas Sansu (Gauche démocrate et républicaine).

Si l'amendement d'Eva Sas visant à "recentrer" le CIR sur les TPE-PME n'a pas été adopté, les deux amendements identiques portés par les groupes Socialistes et Les Démocrates ont, en revanche, été votés. Objectif : supprimer le taux de 5 % de crédit pour les dépenses de recherche et développement au-delà de cent millions d’euros.

Les débats sur la partie "recettes" du budget 2025 se poursuivront ce jeudi 7 novembre, avec l'objectif d'en terminer l'examen vendredi soir, pour une mise au vote prévue, à ce stade, mardi 12 novembre. Si ce volet du projet de loi de finances est adopté, les députés examineront ensuite la partie "dépenses". En cas de rejet, le texte sera directement transmis au Sénat.