Alors que les administrations sont en pleine préparation du budget 2025 et que le gouvernement démissionnaire continue de gérer les affaires courantes, le président de la commission des finances Eric Coquerel (LFI) pointe plusieurs "sujets d'inquiétudes" et indique être prêt à aller au ministère de l’Économie "chercher [les documents budgétaires] s'il le faut".
Bercy vous a-t-il transmis les documents budgétaires nécessaires à la préparation du projet de loi de finances pour 2025 ? Êtes-vous inquiets pour le vote du budget ?
Avec le rapporteur général du budget Charles de Courson, nous avons demandé au gouvernement de nous communiquer ces documents d’ici le 2 septembre. S’il ne nous les transmet pas à temps, nous irons les chercher à Bercy.
L’inquiétude vient de cette situation de retard mais aussi du fait qu’on risque fort d’avoir un budget d’esprit "macroniste" pur sucre, alors même que la majorité présidentielle a été battue aux élections : c’est cela notre plus forte inquiétude. C’est-à-dire qu’on va avoir un document proposé au parlement par un gouvernement qui n’a pas de légitimité électorale. C’est problématique, alors qu’on devrait avoir un budget découlant du Nouveau front populaire.
Les discussions budgétaires en commission des finances et en séance publique promettent d’être âpres. Le Parlement est-il en position de force ? Comptez-vous, avec le rapporteur général Charles de Courson, imposer votre voix dans le débat ?
C’est ce que l’on va faire. Nous l’avions déjà fait lors de l’examen budgétaire précédent, lorsque l’on avait profondément changé le budget [initial du gouvernement, ndlr] avec des amendements, et des majorités, allant du Modem à la Nupes, à l’époque, même si le gouvernement était repassé derrière avec un 49.3 qui avait tout rétabli. Pour ce budget 2025, ce sera la même chose mais en pire avec, je pense, d’un côté, un gouvernement qui aura encore moins de légitimité car il ne pourra s’appuyer sur aucune majorité relative, et, de l’autre, une commission des Finances qui va être à l’avant-garde d’une représentation parlementaire qui va s’opposer et transformer profondément ce budget. Ce sera ça, le cœur du débat politique.
le président et le rapporteur général de la commission des Finances ne seront pas du côté du gouvernement, mais du côté de l’Assemblée. Eric Coquerel
On aura donc un budget profondément modifié et toute la question est de savoir ce que va faire le gouvernement si le budget est profondément modifié dans une situation où il n’a aucune majorité.
Le Parlement dispose de 70 jours pour se prononcer sur le budget. Craignez-vous que les délais constitutionnels ne soient pas respectés ?
C’est en effet un sujet d’inquiétude. Mais, dans ce cas, le gouvernement pourra faire passer le budget par ordonnances, même si cela a été utilisé très rarement, et principalement en situation de crise. Mais cela nous mettrait dans une position difficile vis-à-vis de nos partenaires européens et des marchés, et cela provoquerait une crise terrible. Je pense que le gouvernement n’a pas envie d’en arriver là mais il est lui-même responsable de la situation.
Pensez-vous que le gouvernement utilisera le 49.3 pour faire passer son budget ?
Oui, je ne vois pas bien comment le gouvernement peut faire autrement, puisqu’il n’y a pas de majorité à l’Assemblée pour faire voter le budget.
Donc pour vous le recours aux ordonnances, pour faire passer le budget, est moins probable que celui du 49.3 ?
Aujourd’hui, très franchement, je ne peux pas vous dire ce qui est probable ou pas. Il y a quelques mois, qui aurait parié sur la dissolution ? C’est très compliqué de faire des scénarios. Je pense que le gouvernement va essayer de faire en sorte qu’aucune motion de censure ne passe en s’assurant d’avoir la neutralité du Rassemblement national.
Peut-il y a voir un risque de "shutdown" à la française ?
Tout est possible, mais il existe plusieurs mesures constitutionnelles qui permettent d’éviter cette situation en permettant d’adopter ne serait-ce qu’un budget technique, a minima, pour éviter le shutdown. Mais ce scénario n’est pas souhaitable pour les intérêts de la France vis-à-vis de ses partenaires européens et internationaux.
Avec Kathia Gilder et Marco Paumier.