Les députés de la commission des lois ont autorisé, ce mercredi 28 mai, la publication du rapport de la mission d'information sur l'avenir institutionnel de la Corse. Le document, rédigé par Florent Boudié (Ensemble pour la République), recommande l'octroi à la Corse d'un "statut d'autonomie au sein de la République".
La commission des lois de l'Assemblée nationale donne son feu vert à la publication du rapport de la mission d'information sur l'avenir institutionnel de la Corse. Présenté ce mercredi 28 mai par le président-rapporteur de la mission, Florent Boudié (Ensemble pour la République), le rapport formule plusieurs recommandations qui ont vocation "à éclairer la représentation nationale dans ses futures délibérations".
Parmi ces recommandations figure la reconnaissance d'un "statut d'autonomie au sein de la République", conformément à "l'écriture constitutionnelle" adoptée le 27 mars 2024 par l'Assemblée de Corse et à la promesse faite par Emmanuel Macron devant celle-ci en septembre 2023.
Ce point devrait être l'un des plus discutés de la réforme constitutionnelle que le gouvernement s'est engagé à faire aboutir avant la fin de l'année 2025. Signe de la sensibilité du sujet, la commission des lois du Sénat avait - fait inédit - rejeté en mars dernier la publication du rapport de sa propre mission d'information consacrée à l'avenir institutionnel de la Corse, sur fond de désaccords à propos de la nécessité, ou non, d'accorder davantage d'"autonomie" à l'île.
Ce mercredi, le président de la commission des lois, Florent Boudié, a expliqué que l'octroi d'une "autonomie" à la Corse n'aurait pas, selon lui, pour conséquence de "rompre l'indivisibilité de la République". Actant l'échec des différentes "évolutions statutaires" mises en œuvre "depuis 40 ans", le député de la Gironde a expliqué devant ses collègues que la mise en œuvre d'"adaptations des normes nationales au contexte insulaire apparaît comme une nécessité et une évidence".
"Le principe d'indivisibilité de la République ne doit pas nous condamner à l'uniformité", a abondé la députée des Hautes-Alpes, Valérie Rossi (Socialistes), qui s'est elle-même définie comme une "Corse de la diaspora". Gabrielle Cathala (La France insoumise) et Sandra Regol (Ecologiste et Social) ont aussi soutenu la démarche, tout comme Paul Molac (LIOT), qui a estimé que celle-ci relevait du "bon sens". "Nous sommes persuadés que la France ne serait en rien affaiblie dans la reconnaissance plus concrète de la diversité qui fait la richesse de la Corse", a ajouté le député de Haute-Corse Michel Castellani (LIOT).
Avant la rédaction de son rapport, Florent Boudié a fait voter les membres de la mission d'information sur les principales recommandations du texte. Sur les 16 députés votants, 13 ont voté en faveur de "l'attribution à la Collectivité de Corse d'un pouvoir normatif délégué de nature législative ou réglementaire". Celui-ci permettrait à la Corse de fixer ses propres normes "dans les matières où s'exercent ses compétences", mais aussi "d'adapter les lois ou les règlements" dans certains domaines, qui seront définis dans une loi organique.
Ce pouvoir normatif dérogatoire ne s'appliquerait pas aux domaines régaliens (nationalité, droit pénal, monnaie, défense, etc.). Une procédure ad hoc, fixée dans une loi organique, permettrait, par ailleurs, d'instaurer un contrôle du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel sur les actes pris en vertu de ce nouveau pouvoir qui serait dévolu à la Corse.
Cette éventuelle évolution institutionnelle a été vivement critiquée par le député de Haute-Corse François-Xavier Ceccoli (Droite républicaine) : "Transférer un pouvoir normatif, voire pire, législatif à la collectivité de Corse sans le contrôle d'une émanation, même simplifiée, du Parlement serait tout simplement irresponsable", a-t-il jugé. Selon lui, "les dérives mafieuses, ainsi que la violence débridée à l’œuvre sur l'îlen entraîneraient mécaniquement des pressions terribles sur les élus ayant à exercer cette responsabilité".
Dans la même veine, Brigitte Barèges (Union des droites pour la République) a critiqué ce qui constituerait un "basculement" et un "transfert de compétences d'une ampleur inédite", tandis que Stéphane Rambaud (Rassemblement national) a évoqué une "rupture" et une "brèche dans le fondement même de notre République, qui est une et indivisible". "Nous refusons catégoriquement de franchir le seuil symbolique et politique qui ferait de la Corse une collectivité autonome", a-t-il insisté.
La députée communiste Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a, pour sa part, évoqué les quelques "réserves" de son groupe sur la question de l'autonomie et plaidé pour l'instauration d'un "principe de non-régression sociale".
Autant de positions qui devrait s'exprimer lors des débats sur la future loi constitutionnelle que l'exécutif entend soumettre aux députés et aux sénateurs avant la fin de l'année 2025. Dans le rapport, les membres de la mission d'information jugent "prioritaire que ce texte soit examiné selon le calendrier rapide sur lequel s'est engagé le gouvernement". "Nous souhaitons que le projet de loi constitutionnelle puisse être déposé devant le Parlement à très court terme (...), avant la fin de la session ordinaire", c'est-à-dire le 30 juin, a souligné Florent Boudié.
Les autres principales recommandations
Dans son rapport, la mission d'information préconise aussi d'inscrire dans la Constitution que la Corse est une "collectivité à statut particulier au motif de ses intérêts propres, liés à sa condition insulaire ainsi qu’à ses spécificités géographiques, historiques, linguistiques et culturelles". Cette inscription devra aussi faire mention de l'existence d'une "communauté historique, linguistique et culturelle en Corse", et reconnaître "le lien singulier" de la Corse "à la terre".
Par ailleurs, le rapport recommande une "consultation préalable des électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse sur le projet de statut organique, après avis de l'assemblée délibérante et dans les conditions prévues par un décret en Conseil des ministres". Le rapport suggère aussi de faire évoluer le mode d'élection des membres de l'Assemblée de Corse et de "mettre en débat" la question d'un "statut de la langue corse", ainsi que celle de la création d'un "statut de résidence" pour "lutter contre la spéculation immobilière".