Coup de théâtre à l'Assemblée : la motion de rejet adoptée, le projet de loi sur l'immigration rejeté

Actualité
par Soizic BONVARLETMaxence Kagni, Léonard DERMARKARIAN, le Lundi 11 décembre 2023 à 20:59, mis à jour le Mardi 12 décembre 2023 à 07:10

La motion de rejet préalable, présentée par le groupe Ecologiste, contre le projet de loi sur l'immigration a été adoptée par une addition de votes allant de La France insoumise au Rassemblement national. Conséquence : le texte a été rejeté avant même d'être examiné dans l'hémicycle. Comme le permet la procédure, les groupes de la majorité appellent cependant à la poursuite du processus législatif. 

C'est un véritable coup de théâtre qui a eu lieu, ce lundi 11 décembre, à l'Assemblée nationale - et un échec pour le gouvernement -, aux conséquences incertaines. L'examen du projet de loi "pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration" a en effet été stoppé net avant même d'avoir commencé, une motion de rejet préalable contre le texte ayant été adoptée dès le début des débats.

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, voyant ce scénario se profiler, avait pourtant tenté le tout pour le tout quelques minutes avant la tenue du vote dans l'hémicycle, dénonçant notamment une "compromission" du groupe Écologiste, qui portait la motion de rejet, avec le groupe du Rassemblement national. Un argument qui n'a pas suffi à déjouer une addition de voix allant de LFI au RN, faisant tomber le projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale.

"L'appel d'air n'existe pas !"

Sans surprise, c'est en vertu d'une opposition à un texte jugé "intolérable" sur le plan des droits humains, que Benjamin Lucas (Ecologiste) a défendu à la tribune la motion de rejet proposée par son groupe.

"Voter le rejet [du texte] dans un instant n'est en rien une adhésion à mon propos et ne sera pas instrumentalisé comme telle", a d'abord souhaité rappelé Benjamin Lucas, avant de dénoncer un "racisme d'atmosphère" et de nier l'existence d'un prétendu "appel d'air", souvent brandi par la droite de l'hémicycle, y compris pour fustiger le projet de loi et en particulier l'article instaurant une régularisation, sous conditions, pour les travailleurs sans papiers exerçant leur activité dans des secteurs en tension.

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"Laissons les familles se réunir, les gens s'aimer, les malades se soigner, et que cessent le harcèlement des humanitaires, la criminalisation de la solidarité !", a poursuivi Benjamin Lucas, avant de conclure sous une standing ovation de l'ensemble des bancs de la gauche de l'hémicycle.

Gérald Darmanin dénonce un geste irresponsable

"Il y a des millions de Français qui regardent les débats que nous avons. Des millions qui vont voir les députés du Rassemblement national et certains Les Républicains voter avec Monsieur Lucas qui veut la régularisation de tous les sans-papiers", a déploré le ministre de l'Intérieur, juste avant les explications de vote de chacun des groupes.

Si les voix des groupes de gauche semblaient acquises, les intentions des groupes LR et RN étaient particulièrement scrutées. Finalement, l'un comme l'autre ont décidé de voter la motion de rejet, soit la totalité des membres du Rassemblement national présents (87 sur 88), tandis qu'une large majorité des députés Les Républicains ayant pris part au scrutin ont fait de même (40 pour, 11 abstentions, 2 contre). "Le débat doit se poursuivre, mais sur la base du texte de fermeté proposé par le Sénat, c'est le sens de la motion de rejet que nous soutiendrons", avait ainsi fait valoir le président du groupe LR, Olivier Marleix.

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"Les mêmes qui attaquent la Première ministre et le gouvernement sur les 49.3 en veulent un eux-mêmes", a aussi regretté Gérald Darmanin, avant qu'Edwige Diaz (Rassemblement national) ne lui réponde que "quand on appartient à un gouvernement à ce point adepte des 49.3, on ne vient pas donner des leçons de démocratie".

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Après ces échanges parfois passionnés, dans une ambiance particulièrement houleuse, les députés ont adopté par 270 voix "pour", 265 voix "contre", la motion de rejet préalable, repoussant de ce fait le projet de loi sur l'immigration. A noter que 9 voix de la majorité ont manqué à l'appel, pour causse de députés absents (5 Renaissance, 3 Démocrate, 1 Horizons), pour la plupart au moins pour des raisons indépendantes de leur volonté, ceux-ci n'ayant pas pu envoyer de délégation de vote dans les délais impartis, selon nos informations (résultat complet du scrutin à consulter ici).

Dès lors plusieurs possibilités s'offrent au gouvernement. L'hypothèse d'un retrait du texte a d'ores-et-déjà été écartée. Restent deux solutions : une nouvelle lecture du projet de loi au Sénat, qui reviendrait ensuite à l'Assemblée nationale, ou la réunion d'une commission mixte paritaire pour tenter de trouver un accord entre députés et sénateurs. Dès lundi soir, les groupes de la majorité - Renaissance, Démocrate et Horizons -, ont en tout cas appelé à "poursuivre le plus rapidement possible" le processus législatif.