Déconjugalisation de l'AAH : majorité et oppositions veulent s'accorder sur un amendement commun

Actualité
Image
Charlotte Parmentier-Lecocq, à l'Assemblée nationale le 13 juillet 2022.
par Maxence Kagni, le Mercredi 13 juillet 2022 à 09:02, mis à jour le Jeudi 28 juillet 2022 à 16:10

La commission des affaires sociales a achevé l'examen du projet de loi "portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat". A la demande de la rapporteure, Charlotte Parmentier-Lecocq, les députés ont décidé de préparer un amendement commun sur la déconjugalisation de l'AAH, qui sera défendu en séance publique.

Accord en vue sur l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Mercredi 13 juillet, lors de l'examen du projet de loi "portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat", les députés de la commission des affaires sociales sont parvenus à un consensus : ils proposeront ensemble un amendement visant à déconjugaliser cette aide financière dont bénéficient 270.000 personnes.

Celui-ci, en cours de préparation, sera étudié lors de l'examen du texte qui doit débutter dans l'hémicycle lundi 18 juillet. "On a, à portée de main, la possibilité d'aller vers le changement de mode de fonctionnement que nous appelons tous de nos vœux", a expliqué la rapporteure Charlotte Parmentier-Lecocq (Renaissance).

L'allocation aux adultes handicapés est aujourd'hui modulée en fonction des revenus du conjoint. Une situation jugée "humiliante" par plusieurs députés, comme la socialiste Christine Pires Beaune. Lors de la précédente législature, plusieurs groupes d'opposition avaient tenté d'obtenir cette déconjugalisation, mais la majorité présidentielle l'avait toujours refusé, préférant augmenter le montant de l'allocation. Jusqu'à ce qu'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, puis la première ministre, Elisabeth Borne, lors de son discours de politique générale, se prononcent finalement en faveur de la déconjugalisation.   

"Nous avons été un peu surpris par l'épiphanie de madame Borne", a ironisé mercredi la députée La France insoumise Clémence Guetté. "La répétition des débats dans une démocratie parlementaire ça sert" a, quant à lui, jugé Aurélien Pradié (Les Républicains), qui avait porté une proposition de loi sur le sujet en octobre 2021.

Selon la rapporteur Charlotte Parmentier-Lecocq, la déconjugalisation bénéficiera à "160.000 ménages en couple" qui verront leur AAH augmenter de 300 euros en moyenne. Dans leur amendement commun, les députés devront trouver un moyen de ne pas faire de "perdants" : en effet, selon certains calculs, une "déconjugalisation sèche" pourrait entraîner une perte de ressources pour 45.000 personnes. A l'initiative de Philippe Vigier (Démocrate), les parlementaires devraient proposer une mise en oeuvre de la déconjugalisation "au plus tard le 1er janvier 2023". 

Triplement de la "prime Macron"

La commission des affaires sociales a, par ailleurs, adopté l'ensemble du projet de loi "portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat". Les députés ont validé l'article 1 du texte, qui contient un possible triplement de la "prime Macron" : "Les entreprises pourront verser une prime de 3.000 euros, en pouvant aller jusqu'à 6.000 euros par an et par salarié, exonérée de cotisations sociales, en une fois ou de manière fractionnée", avait expliqué Olivier Dussopt, lors de son audition par la commission des affaires sociales, lundi 11 juillet. 

La "philosophie de ces versements de primes successifs" a été dénoncée par les députés de la Nupes, François Ruffin (La France insoumise) mettant en cause un remplacement "du salaire qui ouvre des droits à la retraite, au chômage, à la sécurité" et un "déshabillage du système social". Un positionnement que partagé par les députés du Rassemblement national qui avaient dénoncé lundi, par l'intermédiaire de Laure Lavalette, une "régression sociale sans précédent".

"Dans certains cas, permettre une prime, c'est apporter une rémunération que le salarié n'aurait pas pu percevoir", leur a répondu la rapporteure Charlotte Parmentier-Lecocq (Renaissance). Les députés ont adopté deux amendements qui modifient légèrement le dispositif. Le premier prévoit que si la prime pourra bien être versée de façon fractionnée, elle ne pourra pas l'être sur une "base mensuelle". Une façon de "prendre en compte les contraintes de trésorerie, en particulier celle des PME" tout en évitant d'"assimiler la prime à un salaire", a expliqué Marc Ferracci (Renaissance).

En adoptant un amendement de Natalia Pouzyreff et Huguette Tiegna (Renaissance), les députés ont aussi inscrit la possibilité de moduler la prime en fonction d'un critère d'anciennenté au sein de l'entreprise. Une disposition critiquée par Adrien Quatennens (La France insoumise) : l'élu estime que cela va "rendre encore plus inégalitaire l'accès aux primes".

Revalorisation des retraites

Les députés ont également validé les modifications rédactionnelles apportées par la commission des affaires économiques sur la revalorisation des APL (+3.5%) et le blocage de la hausse des loyers à +3,5% maximum d'ici à juin 2023. Le projet de loi prévoit également une revalorisation anticipée des prestations sociales et des retraites de 4%. "C'est bien, mais le problème c'est que l'inflation est à 5,5%, 6%, peut-être 7% d'ici la fin de l'année", a néanmoins regretté le député socialiste Jérôme Guedj.

Selon la rapporteure Charlotte Lecocq-Parmentier, l'Insee prévoit une inflation d'environ 5% sur l'année 2022 : avec les précédentes revalorisations, les pensions de retraites seraient au total relevées de 5,1%, les autres prestations augmentant de 5,8%. L'élue Renaissance a donc salué un "effort sur les finances publiques qui est majeur". "A toutes ces augmentations, s'ajoutent le bouclier tarifaire, les remises sur le carburant, la suppression d'impôt sur la redevance audiovisuelle", a encore expliqué Charlotte Lecocq-Parmentier.

Le texte prévoit, par ailleurs, qu'un contrat souscrit en ligne (internet, vidéo à la demande, gaz...) doit pouvoir être résilié de la même façon. Les députés ont repris un amendement de Julien Dive (Les Républicains), adopté en commission des affaires économiques, visant à réduire certains frais de résiliation à un abonnement téléphonique ou internet. De plus, les personnes faisant face à une procédure de surendettement pourront résilier sans frais leur abonnement. La commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales ont, en revanche, supprimé la possibilité pour le gouvernement de "légiférer par ordonnances afin d'alléger les procédures d'enquête et les procédures administratives de la DGCCRF".

Concernant les mesures sur l'énergie, les députés ont validé les changements opérés par la commission des affaires économiques. Le texte prévoit en effet un "renforcement des obligations de stockage" du gaz, "la réquisition des centrales à gaz" et la "création d'un terminal méthanier flottant au Havre pour diversifier nos capacités d'approvisionnement". Ce dernier aura une durée de vie limitée à cinq ans, sauf si une nouvelle loi décide du contraire. Ces dispositions doivent permettre de répondre aux "incertitudes pour les mois et les années à venir notamment du fait du contexte international", a précisé Maud Bregeon (Renaissance).

Les députés ont enfin adopté des amendements déposés par Paul-André Colombani, Olivier Serva (Libertés, Indépendants, Outre-met et Territoires), et Stéphane Viry (Les Républicains), modifiant l'article 4 du texte. Celui-ci a pour but d'obliger les 120 à 150 branches professionnelles qui ont des minimas salariaux inférieurs au Smic à ouvrir une négociation salariale. Les amendements adoptés réduisent le délai d'ouverture de ces négociations, le faisant passer de trois mois à 45 jours.