Des députés boycottent l'audition d'une responsable étudiante voilée

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par Jason WielsAriel Guez, Maxence Kagni, le Jeudi 17 septembre 2020 à 14:39, mis à jour le Jeudi 17 septembre 2020 à 17:18

Des élus LR et une élue LaREM ont quitté jeudi matin une commission d'enquête parlementaire consacrée aux effets de la crise sanitaire sur la jeunesse. Motif : le port du voile par l'une des personnes auditionnées, la vice-présidente de l'UNEF Maryam Pougetoux.

Porter le voile à l'Assemblée nationale est-il un "acte politique communautariste délibéré" ? C'est en tout cas ce que pense Pierre-Henri Dumont (LR), qui a décidé au nom de son groupe, avec ses collègues Frédéric Reiss et Marianne Dubois, de quitter jeudi l'audition de responsables étudiants, parmi lesquels la vice-présidente de l'UNEF Maryam Pougetoux, qui portait un hijab.

Après l'intervention de la représentante, l'audition, initialement consacrée à la crise du Covid-19 et ses effets sur la jeunesse, change subitement d'objet avec la charge du député du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont :

Nous faisons le constat avec regret qu’un syndicat étudiant auditionné a fait le choix d’enfreindre le principe même de laïcité auquel doit s’astreindre notre Assemblée Pierre-Henri Dumont, le 17 septembre 2020

Pour le député de droite, le port du voile est une "attaque préméditée". Il ne peut "cautionner cette image de la représentation nationale restée silencieuse et masquée face à cet acte politique communautariste délibéré".

"Aucune règle n'interdit le port de signes religieux pendant nos travaux pour les personnes auditionnées", réplique aussitôt la présidente de séance Sandrine Mörch (LaREM), qui déplore un "faux débat"

Un rappel du règlement qui n'empêche pas une quatrième élue de suivre le mouvement et de boycotter à son tour la réunion. Anne-Christine Lang, députée La République en marche de Paris, explique "qu'au sein de l'Assemblée nationale (...) où règne  les valeurs fondatrices de la République dont la laïcité, nous [ne pouvons accepter] qu'une personne se présente en hijab devant une commission d'enquête".

Que dit le règlement de l'Assemblée nationale ?

Comme l’indique Sandrine Mörch, seuls les députés sont concernés par l'interdiction de tout port de signe religieux ostensible et cette interdiction ne concerne que la tenue vestimentaire à l’intérieur de l'hémicycle.

L’article 9 de l’instruction générale du bureau de l'Assemblée nationale est très clair sur ce point :

La tenue vestimentaire adoptée par les députés dans l’hémicycle doit rester neutre et s'apparenter à une tenue de ville. (...) Est ainsi notamment prohibé le port de tout signe religieux ostensible, d'un uniforme, de logos ou messages commerciaux ou de slogans de nature politique Bureau de l'Assemblée nationale

Les personnes auditionnées ne sont donc pas concernées par cette disposition. En revanche, le public qui vient à l'Assemblée pour assister aux séances doit respecter certaines règles : "Pour être admis dans les tribunes, le public doit porter une tenue correcte. Il se tient assis, découvert et en silence ; il peut consulter les documents parlementaires et prendre des notes", indique ce règlement.

Si le mot "découvert" peut laisser entendre que le port du voile pourrait être interdit, il n'en est rien. Lors de la réforme du règlement de l'Assemblée nationale en 2019, "nous avons tranché la question en interdisant les signes religieux dans l'hémicycle, qui est le lieu du débat républicain, rappelle Sylvain Waserman (MoDem), qui était son rapporteur. Mais il n'était pas question d'interdire la présence de personnes voilées en tribune ou en commission."

Par ailleurs, des dignitaires religieux sont régulièrement auditionnées ès qualités au Parlement pour donner leur point de vue lors des débats de société. En 2019, à l'occasion des discussions sur la PMA pour toutes, Monseigneur Pierre D’Ornellas, responsable éthique de la Conférence des évêques de France, était venu au Palais Bourbon en tenue ecclésiastique et Haïm Korsia, grand-rabbin de France, portait la kippa.