L'Assemblée nationale a rejeté, jeudi 20 janvier, la proposition de loi "d’urgence contre la désertification médicale." Le texte prévoyait notamment de réguler l’installation des médecins dans les zones où l’offre de soins "est déjà suffisante."
"Le 20 janvier la majorité LaREM sera au pied du mur et nous verrons alors si elle est prête à faire de l’accès aux soins pour tous une priorité." Sur Twitter à la mi-janvier, le Premier secrétaire du Parti socialiste et député de Seine-et-Marne, Olivier Faure, a tenté de faire monter la pression sur la question des déserts médicaux. Le sujet n'est pas nouveau et a fait l'objet de débats récurrents tout au long de législature. "Aujourd’hui, ce sont plus de 8 millions de Français qui, faute d’un praticien suffisamment proche de chez eux, ne peuvent consulter plus de deux fois par an", indique la proposition de loi présentée dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Socialistes et apparentés. Principal objectif du texte : instaurer une obligation d'installation "exceptionnelle et transitoire" afin d'assurer la présence de médecins dans les territoires les moins bien dotés en la matière. Mais l'Assemblée nationale, en supprimant les deux seuls articles de la proposition de loi, a rejeté cette mesure.
Au cours des débats dans l'Hémicycle, Guillaume Garot, député socialiste de la Mayenne et rapporteur du texte, a souligné l'urgence : "Pour des millions de Français, la situation n'est plus supportable ! (...) Les solutions qui ont été mises en œuvre jusqu'à présent n'ont pas produit les effets attendus. C'est un terrible échec collectif. Il aurait fallu une action préventive il y a des décennies de cela." Pour le député socialiste, il faut désormais "refonder le contrat entre nos médecins et la nation." Appelant les médecins à "se mettre autour d'une table" [avec les pouvoirs publics], Guillaume Garot appelle à réguler la répartition du personnel médical à l'échelle du pays. "C'est ce qui vaut déjà pour les pharmaciens, donc donnons-nous les moyens aujourd'hui pour faire en sorte que chaque Français ait accès à un médecin près de chez lui."
Il faut refonder le contrat entre nos médecins et la nation.
L'obligation d'installation, maintes fois débattue à l'Assemblée nationale ces dernières années, n'a une nouvelle fois pas convaincu le gouvernement. La ministre déléguée chargée de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, a estimé que, face à la gravité de la situation, les "solutions immédiates n'existent pas." La ministre a défendu la politique gouvernementale depuis 2017, rappelant notamment la suppression du numerus clausus, qui "permettra de former davantage de professionnels de santé et d'apporter une réponse structurelle à la pénurie de médecins que nous subissons après des décennies d'immobilisme." Brigitte Bourguignon a également mis en avant les hôpitaux de proximité, "un élément important de notre stratégie pour assurer une offre de soins primaires dans tous les territoires."
Du côté de la majorité, Stéphanie Rist (Loiret, LaREM) a abondé dans le sens de la ministre, estimant que "faire croire aux solutions magiques, c'est tromper nos concitoyens." Tandis qu'à gauche le communiste Pierre Dharréville a soutenu la proposition de loi et a dénoncé la logique de la majorité présidentielle. "Vous refusez qu'on touche à la liberté d'installation des médecins par conviction idéologique. Une conviction idéologique qui lie la liberté d'installation à la liberté d'entreprendre. Mais face à cela, il y a le droit à la Santé !" a-t-il lancé dans l'hémicycle, estimant qu'après "les mesures incitatives, il faut désormais une stratégie plus volontaire. Il y a besoin de régulation !" Guillaume Garot a lui aussi vivement critiqué le gouvernement et la majorité présidentielle :
Vous êtes dans le déni de la réalité
Dans le détail, l'article 1er de la proposition de loi socialiste visait à mettre en place un "conventionnement sélectif." "On n'autorise plus l'installation d'un médecin dans une zone suffisamment dotée en médecins. Ce qui permettra de stopper l’aggravation des inégalités", résume le rapporteur du texte. Une solution ni efficace, ni pertinente, selon la majorité présidentielle. "Seulement 8% des jeunes médecins s'installent en libéral. Est-ce que vous voulez décourager ces 8% ? Est-ce que vous voulez aggraver le problème ?" a notamment interrogé Cyrille Isaac-Sibille (LaREM). "Il faut lever les contraintes avant d'en imposer plus. Vos propositions sont contre-productives !" "C'est une solution inefficace", a abondé Stéphanie Rist. "Il n'y a pas suffisamment de médecins en France pour le faire ! Nous préférons poursuivre des mesures incitatives qui peuvent être efficaces rapidement", a-t-elle avancé.
Reprenant les arguments du rapporteur, Cécile Untermaier (PS) a une nouvelle fois expliqué l'urgence de la situation, citant des étudiants qui ne peuvent plus aller se soigner. "La politique incitative, ça fait dix ans qu'on la mène. Mais l'aggravation de la situation nous oblige à la régulation !"
Mais les amendements de suppression de l'article du groupe LaREM et de plusieurs députés Les Républicains ont été votés par 72 députés (LaREM, LR, MoDem). L'opposition de gauche (PS et GDR) ainsi que les députés UDI ont voté contre, mais leur nombre (37) était insuffisant pour faire basculer le rapport de force dans l'Hémicycle : l'article a donc été supprimé.
Même dénouement pour l'article 2 de la proposition de loi, qui crée une obligation exceptionnelle et transitoire de présence en zone sous‑dense pour les internes de médecine au cours de leur dernière année d’internat, puis dans les deux années qui suivent l’obtention de leur diplôme. Là aussi, des amendements venus de la majorité présidentielle et de plusieurs députés LR l'ont supprimé.
Les deux seuls articles de la proposition de loi ayant été supprimés par l'Assemblée nationale, le texte a donc été rejeté. Toutefois, le débat pourrait se prolonger en dehors de l'Hémicycle. Car la candidate Les Républicains à l'élection présidentielle a mis sur la table mardi une mesure qui va dans le sens de la proposition socialiste. Valérie Pécresse souhaite en effet que les étudiants en médecine générale "en quatrième année fassent une année de plus et qu'ils aillent la faire dans une zone où l'on manque de médecins dans des centres de santé."