"Deuxième vague" du Covid-19 : le gouvernement contraint d'amender le budget de la sécurité sociale

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Olivier Véran, à la tribune de l'Assemblée nationale, le 20 octobre 2020
par Maxence Kagni, le Mardi 20 octobre 2020 à 18:31, mis à jour le Mercredi 21 octobre 2020 à 10:05

Le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a annoncé mardi, lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, que le gouvernement allait débloquer 2 milliards d'euros supplémentaires pour "couvrir les surcoûts" que pourrait subir l'hôpital dans les prochaines semaines en raison de la résurgence de l'épidémie de coronavirus. 

"Il y a encore quelques mois, les chiffres que nous présentons ici seraient passés pour de la science-fiction." Le ministre des Solidarités et de la Sant Olivier Véran a défendu mardi un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2021 fortement marqué par la crise sanitaire qui frappe la France et le monde.

Face à cette "épreuve de vérité", l'Assemblée nationale examine cette semaine en séance publique un texte dont les déficits sont creusés par les effets de l'épidémie de coronavirus.

"Provision prudentielle"

Aux amendements adoptés en commission vont ainsi s'ajouter plusieurs amendements du gouvernement, contraint d'amender son propre texte pour faire face à la deuxième vague de l'épidémie.

Olivier Véran a annoncé mardi que le gouvernement souhaitait ajouter au PLFSS "une provision prudentielle" de deux milliards d'euros afin de "couvrir les surcoûts et les pertes de recettes subis dans les prochaines semaines" par les établissements de santé.

Cette enveloppe, gérée par les agences régionales de santé (ARS), s'ajoute à la "hausse de dix milliards d'euros prévue par le texte initial".

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Le PLFSS pour 2021 prévoyait un déficit des comptes de la sécurité sociale de 44,4 milliards d'euros pour l'année 2020 et de 27,1 milliards d'euros en 2021. Ces déficits seront finalement de 46,6 milliards d'euros en 2020 et de 28 milliards en 2021, selon Olivier Véran, qui a donné ces chiffres dans une interview aux Echos.

Couvre-feu

Après la mise en oeuvre d'un couvre-feu dans neuf métropoles, le gouvernement viendra aussi en aide aux entreprises dont l'activité est "empêchée ou restreinte", a affirmé Olivier Dussopt, le ministre délégué chargé des Comptes publics.

L'exécutif proposera aux députés un amendement créant un "dispositif complémentaire d’exonérations au bénéfice des entreprises des secteurs relevant du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture et de l’événementiel".

Pour en bénéficier, les entreprises devront être fermées totalement ou être dans une zone où le couvre-feu est en vigueur et justifier d'une baisse d'activité d'au moins 50% "appréciée au mois le mois".

Primes pour les soignants

Dans sa première version, le texte prévoyait une hausse de salaire de 183 euros nets par mois en moyenne pour les personnels hospitaliers et des Ehpad. Cette mesure, prévue par le Ségur de la santé, devait être mise en oeuvre en mars 2021. 

Là encore, la deuxième vague contraint le gouvernement à accélérer : l'entrée en vigueur des hausses de salaires aura lieu en décembre 2020, a indiqué Olivier Véran.

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Par ailleurs, les soignants qui devront, "pour faire front", renoncer à des jours de congé ou faire des heures supplémentaires, "bénéficieront aussi d'une compensation financière", a expliqué le ministre. 

"Plus de 300 millions seront ainsi débloqués dans cette optique en 2020 et ils seront complétés par 840 millions d'euros au titre de l'Ondam 2021", a-t-il ajouté. 

"Métiers du domicile"

Le gouvernement a également annoncé débloquer 650 millions d'euros pour les "investissements du quotidien" dans les hôpitaux. Une somme qui s'ajoute aux 6 milliards d'euros prévus pour le plan d'investissement à l'hôpital et aux 13 milliards d'euros prévus pour la reprise de la dette hospitalière.

Alors que les députés avaient mis en avant, lors de l'examen du texte en commission, un manque de mesures relatives au secteur de l'aide à domicile, le gouvernement a décidé de débloquer 150 millions d'euros dès avril 2021 pour "soutenir l'attractivité des métiers du domicile".

La ministre déléguée chargée de l'Autonomie Brigitte Bourguignon présentera un amendement instaurant ce dispositif dont l'enveloppe sera portée à 200 millions d'euros en année pleine.

Congé adoption

Le projet de loi contient d'autres mesures, comme l'allongement du congé paternité, qui doit passer de 14 à 28 jours, dont 7 obligatoires. Le gouvernement défendra par ailleurs un amendement visant à porter de 10 à 16 semaines le congé pour adoption.

Le texte crée également une cinquième branche de la Sécurité sociale dédiée à l'autonomie. Mais celle-ci est, en l'état, une "coquille vide" selon Valérie Six (UDI), car la plus grande partie de sa mise en oeuvre est renvoyée à l'examen du projet de loi dédié prévu au premier semestre 2021. "Son financement sera donc [inscrit] dans le PLFSS pour l'année 2022", a déploré l'élue.

Par amendement, le gouvernement proposera enfin de décaler l'entrée en vigueur de la participation forfaitaire de 18 euros qui sera demandée aux personnes qui passent aux urgences sans hospitalisation. Si l'amendement est adopté, la mesure ne s'appliquera pas au 1er janvier 2021 mais au 1er septembre de la même année.

Cette mesure de "forfait" pour le passage aux urgences a été critiquée par Jean-Luc Mélenchon, qui y voit une "punition pour les pauvres gens et les périphéries les plus touchées par le manque de médecin", mais aussi par le communiste Alain Bruneel

En commission, le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale Thomas Mesnier (LaREM) avait expliqué qu'il s'agissait seulement d'une mesure de simplification dont le coût sera pris en charge par les complémentaires et qui n'aura donc selon lui pas de conséquences financières réelles pour les patients.

"Dérive historique"

Le député Les Républicains Jean-Pierre Door a défendu, mardi soir, une motion de rejet préalable du texte, dénonçant une "dérive historique" des finances sociales. "Qui peut aujourd'hui prévoir en toute conscience le devenir de l'épidémie et la reprise économique ? Ni vous, ni nous", a toutefois reconnu l'élu LR.

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La députée socialiste Valérie Rabault a également critiqué un texte "sans projections financières claires", qui n'est "pas présenté de manière intelligible". "Nous sommes invités à nous prononcer à l'aveugle sur la situation des comptes sociaux", a ajouté Joël Aviragnet (PS), qui souligne les incertitudes économiques liées à la décision d'instaurer un couvre-feu dans certaines métropoles.

Un PLFSS rectificatif sera nécessaire une fois le couvre-feu terminé. Joël Aviragnet

Jean-Pierre Door a par ailleurs mis en cause "la faute politique" du gouvernement, qui consiste selon lui à "ne pas aider, soutenir, valoriser, la médecine de ville". Les députés LR ont ainsi critiqué l'article 33 du projet de loi, qui repousse au 31 mars 2023 l'échéance de la convention nationale qui régit les rapports entre les médecins libéraux et l'Assurance maladie. Un point de vue identique à celui de Perrine Goulet (apparentée MoDem), qui estime "nécessaire de faire aboutir ces négociations plus rapidement".

"Manque de moyens"

Comme en commission, la députée Agnès Firmin Le Bodo (Agir ensemble) a dénoncé l'absence ou l'insuffisance de prise en compte de certaines structures des secteurs du médico-social et de l'aide à domicile.

Jeanine Dubié (Libertés et Territoires) a quant à elle évoqué une "déception bien grande" face à des "moyens matériels et humains [qui] ne suffiront pas" face à la résurgence de l'épidémie. "Le Haut conseil des finances publiques a estimé que l'enveloppe des 4,3 milliards d'euros (pour 2021) destinée à l'achat de masques, tests et vaccins sera insuffisante", a affirmé la députée.

"Tout le personnel soignant dit aujourd'hui 'on manque de moyens'", a ajouté le communiste Alain Bruneel, qui estime que l'on aura "moins de personnel dans la deuxième vague que dans la première".

"Comment ne pas avoir du dégoût et de la colère face à ce projet de loi ?", a demandé la députée La France insoumise Caroline Fiat, qui dénonce pour sa part des "coupes supplémentaires dans notre système social par des exonérations en pagaille".

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La députée La République en marche Annie Vidal a répondu à ces critiques, évoquant un PLFSS "tourné vers l'avenir", qui prévoit un Ondam inédit en progression de 6%. "Il est évident que nous ne pourrons pas pallier 30 ans de carence de notre système de santé", a ajouté Perrine Goulet (apparentée MoDem).