Essais nucléaires en Polynésie : la commission d'enquête estime que la Nation doit demander "pardon"

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par Maxence Kagni, le Mercredi 18 juin 2025 à 14:15, mis à jour le Mercredi 18 juin 2025 à 16:10

Le rapport de la commission d'enquête relative aux conséquences des essais nucléaires en Polynésie française a été présenté, ce mercredi 18 juin, lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale.  La députée Mereana Reid Arbelot (Gauche démocrate et républicaine), qui a rédigé ce rapport, invite le Parlement à demander "pardon" aux Polynésiens, "au nom de la Nation", pour les essais nucléaires réalisés sur leur territoire entre 1966 et 1996. Elle propose aussi de revoir les règles d'indemnisation.

Mereana Reid Arbelot "considère que le temps des remerciements est révolu". Ce mercredi 18 juin, la députée de Polynésie française a rendu publiques les conclusions de la commission d'enquête relative aux conséquences des 193 essais nucléaires réalisés sur les attols du Pacifique entre 1966 et 1996. Cette commission, créée à la demande du groupe "Gauche démocrate et républicaine", au sein duquel siège Mereana Reid Arbelot, a auditionné près de 130 personnes depuis janvier dernier.

A l'issue des travaux d'enquête, l'élue polynésienne formule 45 recommandations, parmi lesquelles une demande d'évolution de la loi Morin de 2010 qui a créé une indemnisation pour les victimes des essais nucléaires. Mereana Reid Arbelot propose aussi d'inscrire dans la loi organique "portant statut d'autonomie de la Polynésie française", datant de 2004, une "demande de pardon sincère et sans repentance de la Nation à l'égard de la Polynésie française".

"Une période longtemps marquée par le silence"

"La France est éternellement redevable aux Polynésiens", a déclaré mercredi le président de la commission d'enquête, Didier Le Gac (Ensemble pour la République), en ouverture de la conférence de presse de présentation du rapport, organisée à l'Assemblée nationale. Le député du Finistère, qui a souligné la "contribution du peuple polynésien à l'édification de notre défense nationale", estime nécessaire "d'être enfin totalement transparent sur le bilan des essais" nucléaires. 

Mereana Reid Arbelot s'est quant à elle félicitée d'avoir "contribué à lever une partie du voile sur une période longtemps marquée par le silence et l'opacité". L'élue écrit dans son rapport que "la France a plus que jamais le devoir d'assumer son passé, le cas échéant en reconnaissant ses fautes à l'égard de la Polynésie française". En 2021, Emmanuel Macron avait reconnu une "dette" de la France envers le territoire, sans pour autant prononcer le mot "pardon", réclamé par des leaders indépendantistes et des associations de victimes.

Sans la Polynésie française et sans les Polynésiens, la France ne disposerait pas aujourd’hui d’une arme atomique. Avant-propos de Didier Le Gac (Ensemble pour la république)

Lors des travaux de la commission, les députés ont notamment interrogé le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, sur l'opportunité pour l’Etat de "présenter des excuses" à la Polynésie : "A titre personnel, je n'y vois aucun problème [mais] seul le Président de la République pourrait, au nom de la continuité de l’Etat et compte tenu des choix effectués par ses prédécesseurs, décider d’accomplir un tel geste", a-t-il considéré.

"On ne souhaite pas attacher cette demande de pardon à une personne", a répondu Mereana Reid Arbelot lors de la présentation du rapport, souhaitant que "le pardon vienne de la représentation nationale, du peuple français". Refusant toute "victimisation", elle propose donc d'inscrire ce geste de la Nation dans la loi organique de 2004.

Modifier le régime d'indemnisation

Par ailleurs, la rapporteure appelle à faire "évoluer" le régime d'indemnisation actuel, "qui révèle toutes ses limites"Mereana Reid Arbelot propose de supprimer le seuil d'un millisievert, afin de "fonder la décision d'indemnisation sur le strict respect de critères cumulatifs de temps, de lieu et de pathologie permettant de déterminer une présomption d'exposition" aux essais nucléaires. Selon elle, ce seuil, loin d'être scientifique, permet surtout au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) de "faire le tri" : "Beaucoup de dossiers ont été refusés pour non-atteinte de ce seuil", a déploré la députée.

Mereana Reid Arbelot (Gauche démocrate et républicaine) souhaite aussi que la liste des pathologies indemnisables, aujourd'hui au nombre de 23, puisse être complétée "via un organisme associant experts, décideurs politiques et représentants des victimes" et non plus par décret. En outre, elle estime nécessaire de faciliter l'accès à l'indemnisation pour les ayants droit des victimes et les "victimes par ricochet" : l'objectif est de rapprocher le dispositif de celui relatif à l'amiante, qui "reconnaît les victimes indirectes et considère le délai de prescription à dix ans".

Soucieux de "battre le fer pendant qu'il est encore chaud", Didier Le Gac (Ensemble pour la République) préconise le dépôt d'une proposition de loi reprenant les principales recommandations du rapport à la prochaine rentrée parlementaire. Selon lui, le gouvernement est "plutôt favorable" à une évolution des critères d'indemnisation des victimes des essais nucléaires.