Extension du champ des dérives sectaires, gourous 2.0... Un projet de loi pour lutter contre les nouvelles formes de dérives

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Image d'illustration de l'Assemblée nationale. LCP
Image d'illustration de l'Assemblée nationale. LCP
par Soizic BONVARLET, le Mardi 6 février 2024 à 20:01, mis à jour le Vendredi 9 février 2024 à 13:53

La commission des lois de l'Assemblée nationale examinera demain, mercredi 7 février, le projet de loi visant à "renforcer la lutte contre les dérives sectaires". Le texte du gouvernement - qui a pour objectif de tenir compte des évolutions constatées ces dernières années en matière de dérives sectaires - a été largement modifié lors de son examen au Sénat en décembre dernier. 

Conçu comme une réponse à l’augmentation du nombre de signalements depuis la crise du Covid-19, le projet de loi visant à "renforcer la lutte contre les dérives sectaires" sera examiné par les députés de la commission des lois le 7 février, avant de l'être dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale la semaine prochaine. 

Selon le rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), les cas recensés ont augmenté de 33,6 % en 2021 par rapport à 2020 pour atteindre 4 020 signalements. Dans le viseur du texte notamment, l'essor des phénomènes liés aux dérives sectaires dans l'espace numérique et les nouveaux "gourous 2.0".

 

L'exposé des motifs du projet de loi indique que "depuis une dizaine d'années, les dérives sectaires ont évolué : aux groupes à prétention religieuse viennent désormais s'ajouter une multitude de groupes ou d'individus qui investissent, notamment, les champs de la santé, de l'alimentation et du bien-être, mais aussi le développement personnel, le coaching, la formation, etc."

la crise sanitaire a constitué un terreau idéal à ces nouvelles dérives sectaires. (Exposé des motifs du projet de loi)

Le texte souligne aussi que "la crise sanitaire a constitué un terreau idéal à ces nouvelles dérives sectaires. De nouvelles formes de 'gourous' ou maîtres à penser autoproclamés agissent en ligne, mettant à profit la vitalité des réseaux sociaux pour fédérer autour d'eux de véritables communautés".

Deux nouveaux délits retoqués par le Sénat

Le projet de loi, initialement divisé en sept articles, prévoyait la création de deux délits, afin de mieux lutter contre les dérives sectaires, mais qui ont été supprimés par le Sénat.

Il s'agissait en l'occurrence d'un délit de placement ou de maintien en état "de sujétion psychologique ou physique", initialement présent dans le texte au motif que le délit "d’abus de faiblesse" ne permet aujourd'hui pas de distinguer spécifiquement le phénomène sectaire d’autres formes de manipulation, notamment à des fins d’arnaque commerciale. La rapporteure du texte au Sénat, Lauriane Josende (Les Républicains) a cependant estimé que l'écriture de l'article concerné pourrait amener à "sanctionner tout type d’emprise de manière générique, quelle qu’en soit l’origine".

L'article prévoyant la création d’un délit de "provocation à l’abandon d’un traitement médical", a également été retoqué au Palais du Luxembourg, car jugé attentatoire aux libertés. A noter que dans son avis consultatif, le Conseil d’Etat avait alerté sur cet aspect du texte, estimant que les faits ciblés étaient déjà couverts par la répression de l’exercice illégal de la médecine et que la mesure risquerait de porter atteinte à la liberté d’expression, dans le cadre notamment d'"un discours général et impersonnel, par exemple tenu sur un blog ou un réseau social", et de remettre en cause, "par une incrimination de contestations de l’état actuel des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte".

Une répression renforcée pour les infractions commises en ligne

Si le projet de loi a donc été significativement raboté par les sénateurs, ces derniers ont cependant voté, voire renforcé, d'autres dispositions. Le fait d'utiliser des moyens de communication numériques pour exercer une emprise sectaire a ainsi été reconnu comme une circonstance aggravante. Le texte renforce, en outre, le rôle de la Miviludes, en lui conférant un statut législatif, ainsi que le rôle des associations de défense des victimes afin qu'elles puissent se constituer plus facilement partie civile.

La rapporteure du projet de loi à l'Assemblée, Brigitte Liso (Renaissance), compte par ailleurs réintégrer les délits liés à l'état de sujétion psychologique ou physique, et de provocation à l'abandon d'un traitement médical, estimant qu'ils constituent "le coeur de la loi", tout en admettant que "des ajustements" restent à trouver.

"Les dérives sectaires sont multiformes, il faut en trouver le plus petit dénominateur commun pour pouvoir définir le phénomène", répond la députée aux sénateurs qui ont estimé que sa caractérisation dans le texte s'avérait trop vague pour le distinguer dans le Code pénal. L'effort de définition devrait donc se poursuivre en commission des lois ce mercredi, avant l'examen du projet de loi, la semaine prochaine, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.