En proposant la diminution de trois impôts touchant les entreprises à hauteur de 10 milliards d'euros l'année prochaine, le gouvernement espère améliorer les conditions de la reprise. Si Les Républicains approuvent cette mesure attendue de longue date par le patronat, la gauche estime que ce n'est pas la priorité.
Pour planter le décor, le rapporteur général du budget Laurent Saint-Martin (LaREM) estime que le niveau des impôts de production est un "sac à dos de pierres" pour la relocalisation des emplois :
Impôts de production : "On parle d'une spécificité française qui grève la capacité de nos entreprises, quelles que soient leur taille ou leur secteur, à poursuivre la création d'emploi et à relocaliser", argumente @LauStmartin chiffres à l'appui#PLF2021 #DirectAN pic.twitter.com/ElMtBvFk4U
— LCP (@LCP) October 15, 2020
La philosophie de la réduction des impôts pour les entreprises est saluée d'emblée par Les Républicains, qui y voient "une impérative nécessité". "Mais vous vous arrêtez au milieu du gué", nuance Véronique Louwagie (LR) qui aurait préféré une suppression pure et simple de la CVAE.
À gauche en revanche, on s'insurge : "C'est avec ça que vous prétendez relocaliser ? C'est vraiment nous prendre pour des crétins", fustige François Ruffin. Pour créer de l'emploi industriel, le député La France insoumise préfèrerait parler de "taxes aux frontières" et de "barrières douanières". Autre angle d'attaque retenu par la socialiste Christine Pirès-Beaunes : la baisse des recettes pour l'État. "La crise a bon dos ! Cela fait déjà deux ans que vous plaidez pour la baisse de ces impôts. (...) C'est 10 milliards en moins dans les caisses de l'État, 10 milliards en moins pour les services publics", critique-t-elle.
Pour le ministre de l'Économie, cet allègement fiscal va servir l'emploi, notamment industriel :
"M. Ruffin, quand vous nous dites 'vous servez les grandes entreprises, pas la France', c'est faux ! Nous servons avec la baisse des impôts de production les ouvriers, les industries, les entreprises", réplique @BrunoLeMaire #PLF2021 #DirectAN pic.twitter.com/dQNGekKxgi
— LCP (@LCP) October 15, 2020
Bruno Le Maire juge également qu'"avoir des entreprises compétitives et profitables, c'est avoir des impôts sur les sociétés (...) pour financer des services publics". "Pardon de rappeler ces évidences", estime-t-il.
Comment vont se repartir l'allégement de 10 milliards d'euros sur le secteur privé ? Dans l'hémicycle, tout est visiblement une question d'interprétation quant au ciblage de la mesure. Pour Émilie Cariou (Écologie démocratie solidarité), les gains de la baisse de la CVAE vont se concentrer sur l'essentiel sur un tout petit nombre d'entreprises, à savoir les plus grandes :
Impôts de production : "Quand on regarde les chiffres, on se rend compte que 1,66% des entreprises vont capter 66% des gains de baisse de CVAE ! Vous voyez combien ce 'chèque cadeau' est concentré sur les grandes entreprises", proteste @EmilieCariou. #PLF2021 #DirectAN pic.twitter.com/OaAyBqyYz2
— LCP (@LCP) October 15, 2020
Laurent Saint-Martin présente autrement la ristourne pour les entreprises, en calculant que l'allégement fiscal total (CVAE, TFPB et CVE) s'élèvera à 6,6 milliards d'euros pour les TPE et les PME, un chiffre issu de son rapport.
Impôts de production : "Les trois quarts des 10 milliards d'euros sont pour les petites et moyennes entreprises. Il est faux de dire que leur baisse bénéficie uniquement aux grandes entreprises", assure @LauStmartin #PLF2021 #DirectAN pic.twitter.com/ScZSbVlaST
— LCP (@LCP) October 15, 2020
"En valeur, les grandes entreprises vont en bénéficier davantage parce qu'elles paient plus d'impôts, c'est aussi bête que cela", précise également le rapporteur général.
En réponse, Émilie Cariou lui donne lecture du code général des impôts sur la CVAE pour rappeler que les toutes petites entreprises ne toucheront rien : "'Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 000 euros, le taux est nul'. Je vous traduis : nul, ça veut dire zéro !"
"Les gros toucheront gros, les petites toucheront très petit", résume à son tour Fabien Roussel (PCF), qui propose une suppression de l'article 3. Il est rejeté par 74 voix contre 19.
Le débat s'est aussi focalisé sur les "contreparties" ou "conditions" à imposer aux entreprises, notamment celles qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 1,5 milliards d'euros. Laurent Saint-Martin estime que la baisse de fiscalité porte en elle sa contrepartie, puisqu'il faut produire en France (et donc y rester) pour en bénéficier.
Pas de condition à l'allègement de la fiscalité des entreprises ? "La conditionnalité est intrinsèque à la baisse de fiscalité : une entreprise qui délocalise ne bénéficie pas de la baisse des impôts de production", juge @LauStmartin #PLF2021 #DirectAN pic.twitter.com/ayrnD8qZ0x
— LCP (@LCP) October 15, 2020
A contrario de Bruno Le Maire, qui disait clairement lundi ne "pas demander de conditions à cette baisse", Olivier Dussopt, ministre des Comptes publics, a promis des amendements du gouvernement sur ce thème plus tard lors des discussions :
.@olivierdussopt renvoie le débat sur les "contreparties" à la deuxième partie du #PLF2021. "Il y aura des amendements du gouvernement pour donner corps aux attentes sur l'égalité femme-homme, la transition énergétique et l'amélioration du dialogue social", assure-t-il #DirectAN pic.twitter.com/LpuZrrk2Uo
— LCP (@LCP) October 15, 2020
Après l'examen des "recettes", rendez-vous donc lors de l'examen de la partie "dépenses" du budget, examinée à partir de mardi 20 octobre en commission des finances.