La mission d'évaluation de l'Assemblée nationale sur la loi "Claeys-Leonetti", poursuit ses travaux. Ses membres ont auditionné, lundi 30 janvier, des associations aux antipodes l'une de l'autre : l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, qui milite depuis 1980 pour une aide active à mourir, et l'Alliance Vita, qui y est farouchement opposée.
"La loi française maintient la question de la fin de vie sous la seule autorité du médecin". C'est par ce constat sans appel que le président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) a introduit son propos devant la mission d’évaluation de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Jonathan Denis a particulièrement dénoncé la permanence de l'acharnement thérapeutique, alors même qu'il a été proscrit par la loi "Claeys-Leonetti".
Egalement entendu par la mission d'évaluation présidée par Olivier Falorni (MoDem), le docteur Denis Labayle, co-président de l’association "Le Choix - Citoyens pour une mort choisie", a attribué ce phénomène à la loi "de non-assistance à personne en danger" de 1954 qui, faute d'avoir été retravaillée, entre en contradiction avec le principe d’obstination déraisonnable, inscrit dans la loi de 2016. Lui-même médecin hospitalier, Denis Labayle a parlé d'une "épée de Damoclès" pesant sur le personnel soignant, avant d'en conclure que "l’obstination déraisonnable existe toujours, parce qu’il y a cette peur".
"L’ADMD que je représente, forte de ses 76 000 adhérents et de ses plus de 40 années de militantisme et d’accompagnement, revendique le droit pour chaque citoyen français de choisir le moment et la manière de finir sa vie", a pour sa part martelé Jonathan Denis, avant d'ajouter : "C’est une loi de liberté, d’égalité et de fraternité que nous demandons".
Appelant de ses voeux un arsenal législatif s'inspirant de la loi belge, le président de l'ADMD a jugé la mise en place d'une clause de conscience "indispensable" en cas d'euthanasie, et également souhaité que "l’accès à des soins palliatifs de qualité soit enfin une réalité".
À ce sujet, Denis Labayle a fait valoir le fait qu'en Belgique, il n'existait "pas de frontière entre les soins palliatifs et l’aide médicale à mourir". "En France, il y a un barrage idéologique de la part de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs", a-t-il aussi poursuivi, structure dont il a dénoncé "l’influence religieuse (...) reconnue par tout le monde, et qui pose un problème dans une république laïque".
Auditionné juste après les associations en faveur d'une aide active à mourir, Jean-Marie Le Méné, l'un de ses plus fervents opposants, a quant à lui posé un regard particulièrement critique sur la loi de 2016. Le président de la Fondation Jérôme Lejeune, qui accompagne notamment des patients porteurs de trisomie 21, tout en militant contre l'euthanasie ou contre l'IVG, a déploré que cette loi crée une forme d'aspiration à la "programmation de la mort". Il a, en outre, regretté qu'"orpheline de soins palliatifs, la loi penche du côté de la sédation terminale", pour qualifier la sédation profonde et continue.
Auditionné aux côtés de Jean-Marie Le Méné, le porte-parole d'Alliance Vita, dont les préocuppations sont similaires à celles de la Fondation Jérôme Lejeune, a également appelé à la "vigilance" en matière de sédation profonde et continue. Tugdual Derville a notamment évoqué "des risques d'abus", menant à "des sédations qui deviendraient euthanasiques".
Revenant sur l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui envisage une aide active à mourir strictement encadrée, Tugdual Derville a évoqué un "revirement" de l'institution constituant une "remise en cause de l’interdit de tuer".
Je ne déshydraterai jamais mes malades ! Denis Labayle, sur la sédation profonde et continue.
Si les positions sont diamétralement opposées, le docteur Denis Labayle, auditionné un peu plus tôt, a également émis des réserves quant à la pratique de la sédation profonde et continue. Evoquant un protocole "plus que bancal", il l'a qualifié de "traitement d’agonie, qui doit être brève". "Je ne déshydraterai jamais mes malades !", s'est-il aussi exclamé, considérant que le décès généré par l'arrêt de l'hydratation était "source de souffrances".
Répondant, par ailleurs, à la préocuppation liée à d'éventuelles "dérives" générées par l'instauration d'une aide active à mourir, le médecin a indiqué que de tels cas étaient peu observés dans les pays qui l'ont d'ores et-déjà légalisée, avant de conclure : "Les dérives elles sont chez nous, parce que tout est clandestin".