Les députés ont examiné ce jeudi, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Socialistes et apparentés", la proposition de loi "visant à créer un fonds d'indemnisation pour les victimes de l'épidémie de Covid-19". Si les parlementaires se sont accordés sur un diagnostic commun, touchant à la détresse de nombreux concitoyens touchés par l'épidémie, le remède proposé n'a pas convaincu la majorité.
Créer un processus de réparation financière pour les victimes, directes ou indirectes, de la Covid-19 : telle était l'ambition de la proposition de loi portée par le député "Socialistes et apparentés" Régis Juanico. Membre du mouvement "Génération.s", l'élu de la Loire s'est inspiré du fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante afin de proposer un dispositif couvrant les malades de la Covid-19. Il vise les personnes dont la vie a été bouleversée, notamment par des formes longues de l'affection, mais également les ayants droit des personnes décédées. Faute de soutien dans l'hémicycle, l'initiative a été rejetée.
La veille, les députés avaient pourtant adopté à l'unanimité une proposition de résolution de la majorité visant à reconnaître et à prendre en charge les complications à long terme de la covid-19. Si le consensus avait été au rendez-vous, plusieurs parlementaires avaient enjoint la majorité à ne pas se contenter d'une proposition de résolution, par définition non-contraignante, et à franchir un pas supplémentaire en soutenant la solution concrète portée par le texte de leur collègue Régis Juanico.
Premier constat dressé par le député : le dispositif de réparation mis en place par le gouvernement, officialisé par décret le 14 septembre dernier, ne serait que très partiel. D'abord il n'indemnise que les cas dont la maladie est d'origine professionnelle. Ensuite, il ne prend en compte que les séquelles respiratoires aiguës suite à des formes particulièrement sévères de la maladie – alors que la littérature médicale décrit d'ores-et-déjà d'autres effets invalidants. Régis Juanico a par ailleurs évoqué un "parcours du combattant" pour la reconnaissance de la Covid-19 en tant que maladie professionnelle, qui ne concerne dans les faits que les personnels soignants ou apparentés, et non les travailleurs particulièrement exposés durant la première vague, tels que les caissières, les livreurs, les éboueurs, les agents de sécurité et d'entretien.
Le rapporteur de la proposition de loi a dit ainsi souhaiter s'adresser aux "laissés pour compte du dispositif existant", "que la maladie soit d'origine professionnelle ou non". Le fonds qu'il souhaite créer, pourrait bénéficier aussi bien aux personnes souffrant de "Covid long" qu'à celles dont les séquelles psychiatriques constituent une entrave dans leur vie professionnelle, et, enfin, aux proches des personnes décédées. Un effort nécessaire de "solidarité nationale" que le député propose de financer par une contribution de l'État et de la branche "Accidents du travail, maladies professionnelles" de la Sécurité sociale. "Ne restons pas dans les incantations, agissons vite pour ces victimes", a-t-il conclu lors de son intervention à la tribune.
Réponse du gouvernement : le secrétaire d'État en charge de l'enfance et des familles, Adrien Taquet, a considéré que ces préconisations ne constituaient pas "une réponse réaliste". Il a évoqué une proposition de loi qui "néglige les enjeux financiers", et "revient à inférer une responsabilité de l'État". Il a aussi argué de la pluralité de cas pris en compte par le dispositif déjà existant, avant d'assurer que le "Covid long" était un sujet de préoccupation gouvernementale. Il a rappelé qu'un groupe de travail avait été constitué par la Haute autorité de santé.
De fait, la question de la responsabilité de l'État s'est invitée en filigrane des débats de la soirée. Alain Ramadier (Les Républicains), tout en évoquant "un manque de préparation, des problèmes logistiques, une distribution de matériel chaotique, une gestion mal pilotée, des couacs à répétition dans la communication", a ainsi invité ses collègues à ne pas "confondre la responsabilité politique d'un gouvernement et la responsabilité juridique d'un État", considérant que "pour que ce fonds ait véritablement du sens, il faudrait que les éventuelles fautes commises soient reconnues dans le cadre d'une procédure judiciaire".
"En maintenant cette proposition de loi, vous confondez fonds d'indemnisation et fonds de commerce politique. a déclaré Julien Borowczyk pour la République en marche. "L'objectif principal de cette proposition de loi est la réparation, et non la mise en cause", a répondu Régis Juanico. Une déclaration qui n'aura pas suffi à convaincre la majorité. Les neufs articles de la proposition de loi étant tombés suite à l'adoption d'amendements de suppression du groupe "La République en marche", et en dépit du soutien des autres composantes de la gauche de l'hémicycle, la proposition de loi a été rejetée.