Gaz à effet de serre : la présidente du Haut conseil pour le climat demande au gouvernement d'accélérer

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Arnaud Chochon / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
par Maxence Kagni, le Mercredi 7 juillet 2021 à 09:26, mis à jour le Mercredi 7 juillet 2021 à 15:43

Auditionnée par les députés, Corinne Le Quéré estime que "le rythme annuel de baisse des émissions doit pratiquement doubler". La présidente du HCC propose notamment d'avancer à 2030 la fin des véhicules thermiques et évoque l'hypothèse d'un retour de la taxe carbone.

La gouvernement doit accélérer la cadence dans sa lutte contre le réchauffement climatique. Selon Corinne Le Quéré, la présidente du Haut conseil pour le climat (HCC), la France doit encore "faire beaucoup de choses pour arriver au bon niveau" de baisse d'émission de gaz à effets de serre.

La scientifique a présenté mercredi 7 juillet, devant la commission du développement durable de l'Assemblée réunie en visioconférence, les conclusions du rapport annuel du Haut conseil. Le constat est sans appel : "On a noté cette année une amélioration du rythme de baisse des émissions mais pas encore suffisamment pour garantir l'atteinte des objectifs.

La France s'est pour l'instant engagée à réduire ses émissions de CO2 de 40% d'ici à 2030 par rapport à 1990. Et elle doit atteindre la neutralité carbone en 2050. Mais pour réaliser de tels objectifs, "le rythme annuel de baisse des émissions doit pratiquement doubler pour atteindre 3% dès 2021 et 3,3% sur la période 2024-2028", a indiqué aux députés Corinne Le Quéré.

Le Haut conseil pour le climat n'est pas la seule institution à pointer les carences françaises : dans une décision du 1er juillet 2021, le Conseil d'Etat a "enjoint" le gouvernement de "prendre des mesures supplémentaires avant le 31 mars 2022" en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. "L'objectif de réduction [pour la période 2024-2028] ne pourra être atteint si de nouvelles mesures ne sont pas adoptées à court terme", note le Conseil d'Etat qui cite le rapport du HCC pour appuyer son argumentaire.

"Ajustement immédiat des efforts"

Les émissions françaises ont certes baissées de 9% en 2020 (contre 6% au niveau mondial), mais cette chute "est attribuable aux mesures de confinement dues à la Covid-19" : "Elle ne reflète pas les changements dont on a besoin pour répondre au réchauffement climatique", précise Corinne Le Quéré.

Les secteurs du bâtiment, de l'industrie et de la transformation d'énergie "commencent à bouger", a concédé la scientifique, mais "ils ne sont pas au niveau du rythme de baisse attendu". En revanche, "deux secteurs avancent beaucoup moins vite", a déclaré la présidente du Haut conseil, pointant du doigt les transports et l'agriculture.

Ces deux secteurs devront être prioritairement mobilisés pour réagir aux nouveaux objectifs de l'Union européenne vis-à-vis de la baisse des émissions (passant de 40 à 55% d'ici à 2030). Ce réhaussement, qui doit être acté le 14 juillet, devra être suivi en France "d'un ajustement immédiat des efforts et des calendriers", a prévenu Corinne Le Quéré.

"Rupture radicale"

"Jamais tant n'a été fait en matière d'écologie que sous ce quinquennat", lui a répondu Jimmy Pahun (MoDem). Selon le député, les décisions et avis du Conseil d'Etat et du Haut conseil pour le climat démontrent avant tout "à quel point la transition écologique n'est pas évidente à mettre en oeuvre dans les délais que nous impose le bouleversement rapide du climat".

Une position que n'a pas partagé le président du groupe "Libertés et Territoires" Bertrand Pancher, qui demande à ses collègues de la majorité "d'arrêter de se tresser des couronnes de lauriers" : "Il faut doubler nos réductions de gaz à effet de serre dès 2021, cela va nécessiter des efforts considérables." Le député Loïc Prud'homme (LFI) a pour sa part demandé une "rupture radicale", tandis que Guy Bricout (UDI et indépendants) a dénoncé la "frilosité" de l'exécutif : "Il est exaspérant en tant que parlementaire de répéter depuis des années que le compte n'y est décidément pas et qu'aucun texte de loi ne permettre de prendre un vrai virage climatique."

Lors de son audition, Corinne Le Quéré a critiqué la loi "portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets", actuellement en discussion au Parlement. Selon la présidente du Haut conseil pour le climat, les objectifs fixés sont globalement trop lointains en terme de calendrier : "Ça n'oriente souvent pas les acteurs". C'est ainsi que Corinne Le Quéré propose d'avancer à 2030 la fin des véhicules thermiques en France (contre 2040 aujourd'hui) ou d'annoncer le "retrait des énergies fossiles pour le chauffage des bâtiments".

Un retour de la taxe carbone ?

Face aux critiques, Jimmy Pahun a souligné que la majorité était prête à faire "beaucoup plus", tout en évoquant la nécessité de mettre en oeuvre des mesures "acceptées socialement" : "Nous n'oublions pas l'origine du mouvement des gilets jaunes, qui est celle de la hausse de la fiscalité sur les énergies fossiles", a commenté l'élu du MoDem.

Une remarque formulée par le député du Morbihan alors que la présidente du HCC pose à nouveau la question de la taxe carbone, une mesure qui avait été à l'origine du mouvement des gilets jaunes et que le gouvernement a gelée. Dans son rapport, le HCC évoque un "instrument de la politique climatique qui fait l'objet d'un faible soutien de la société" tout en jugeant "légitime de s'interroger sur les options possibles pour pallier le vide" en la matière.

Corinne Le Quéré propose ainsi de remettre en place "la taxe actuelle[ment gelée]" en l'"améliorant" au "niveau de la redistribution, de la clarté de l'utilisation des revenus". Dans son rapport, le HCC propose également d'"élargir le périmètre des acteurs visés en retirant progressivement les exemptions et d'investir massivement dans les infrastructures". 

D'autres options sont sur la table, a toutefois expliqué Corinne Le Quéré, comme celle de multiplier les réglementations (normes, subventions, investissements publics) ou d'élargir le marché du carbone européen. En tout état de cause, la présidente du HCC a souligné la nécessité "d'agir le plus vite possible puisque plus on attend, plus le niveau de réchauffement sera élevé", ajoutant : "On ne peut pas juste baisser les bras et dire qu'il est trop tard".