Auditionné par les députés, le ministre de l'Intérieur a tiré les enseignements des trois attentats islamistes qui ont frappé la France depuis fin septembre et a rappelé que "le risque zéro n'existe pas". Face à la menace, il souhaite augmenter rapidement le nombre d'expulsions d'étrangers radicalisés et poursuivre la fermeture de structures considérées comme anti-républicaines.
La contre-attaque est lancée. Dans les mots comme dans les actes, l'impression que le ministre de l'Intérieur a voulu laisser lundi aux membres de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Après les attaques mortelles de Conflans-Saint-Honorine et de Nice les 16 et 30 octobre (4 morts au total), mais aussi l'attentat au couteau devant les anciens locaux de Charlie Hebdo le 25 septembre (deux blessés), la France est de nouveau frappée par une vague d'attentats islamistes.
"Trois attentats terroristes (...) ont eu lieu, ça n'était pas arrivé depuis 2015", a souligné Gérald Darmanin. Des attentats qui "peuvent recommencer" car le "risque zéro n'existe pas", a-t-il prévenu. Pas question pour autant de réactiver l'état d'urgence (à ne pas confondre avec l'état d'urgence sanitaire, de nouveau actif depuis le 17 octobre), car les "menaces que nous connaissons sont diffuses" et, selon les services de renseignement de la Place Beauvau, il n'y aurait pas "d'attentats d'ampleur" en préparation sur le sol français.
Le gouvernement ne reste pas pour autant les bras croisés. Depuis l'assassinat terroriste de Samuel Paty, de nombreuses perquisitions ("visites domiciliaires") ont été diligentées. Un coup de filet qui a donné lieu, pour le moment, à un nombre limité d'enquêtes judicaires :
Bilan des 146 visites domiciliaires en réponse aux attentats : "Elles ont donné lieu à 11 judiciarisations et d'autres ont pu permettre un certain nombre d'informations qui nous serviront dans le travail des services de renseignement", résume @GDarmanin#DirectAN #Terrorisme pic.twitter.com/Wv3X3roXem
— LCP (@LCP) November 2, 2020
Deuxièmement, avant même l'attentant de Conflans, Gérald Darmanin avait annoncé le 13 octobre l'expulsion de 231 étrangers répertoriés pour radicalisation au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Trois semaines plus tard, il chiffre à 16 le nombre d'expulsions effectives, à 36 le nombre de personnes mises en Centre de rétention administrative aujourd'hui – donc en attente d'expulsion – et à "une centaine à la fin du mois", affirme-t-il.
Que faire des étrangers radicalisés ? @GDarmanin rappelle que parmi les personnes fichées "on en apprend beaucoup quand on les suit, les services peuvent vous demander de ne pas expulser tout de suite". Le ministre espère en expulser "une centaine" avant la fin novembre #DirectAN pic.twitter.com/NWBDq9Eykp
— LCP (@LCP) November 2, 2020
Gérald Darmanin a justifié l'écart entre ces annonces et la réalité en plaidant l'utilité de surveiller certaines personnes au nom du renseignement et de la difficulté d'expulser les ressortissants originaires de pays comme la Syrie ou la Libye. De plus, parmi ces 231 suspects pour radicalisation, environ 180 purgent une peine de prison et devraient être reconduits à la frontière à l'issue.
Au cours de son audition, le ministre a reconnu à demi-mot un angle mort dans la détection des auteurs des derniers attentats, puisqu'aucun d'entre eux n'étaient dans les radars de la police : "Aucun des trois [terroristes] n'était fiché au FSPRT. (...) Les profils sont différents : un faux mineur isolé, quelqu'un qui a été élevé au sein de la République et un qui était depuis quelques heures sur le sol national", a-t-il résumé, appelant les préfets à "ne pas avoir la main molle" pour alimenter davantage, à l'avenir, cet outil de surveillance.
Enfin, Gérald Darmanin a allongé la liste des associations ou groupes qui seront dissous dans les prochains jours pour leurs liens avec l'islamisme radical. Après l'ONG Baraka City et le collectif Cheik Yassine, ce sera le cas du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) "dans 15 jours".
Rappelant que chaque décision de dissolution est prononcée suite à "une longue enquête" et peut être contestée devant les tribunaux, le ministre a aussi annoncé que la dissolution du mouvement ultranationaliste turc des Loups Gris sera présentée mercredi en Conseil des ministres.
Les Loups gris, "un groupement de fait", selon le ministre, "mérite d'être dissout", déclare @GDarmanin. #DirectAN pic.twitter.com/Sxaxemfgv4
— LCP (@LCP) November 2, 2020
Gérald Darmanin a esquissé ce qui devrait être selon lui la prochaine étape contre l'islamisme radical :
Nous devons combattre culturellement l'islamisme politique, Gérald Darmanin, le 2 novembre 2020
Face à cet "ennemi culturel" (voir vidéo en "une") et avouant "manquer de moyens" sur le sujet, le gouvernement va de nouveau recourir à la loi. Le texte sur le séparatisme, annoncé par le chef de l'État avant les récents attentats, doit être présenté le 9 décembre en Conseil des ministres.
Gérald Darmanin a défendu les mesures déjà dévoilées comme l'obligation de scolarisation des enfants ("L'école de la République n'est jamais une punition"), et la création d'un délit pour "pression communautaire sur un service public".