Christine Le Nabour (Ensemble pour la République) et Sébastien Peytavie (Ecologiste et Social) ont présenté, ce mercredi 9 juillet à l'Assemblée nationale, les conclusions de leur rapport d'évaluation de la loi du 11 février 2005 "pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées".
La loi du 11 février 2005 "pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées" est "une promesse non tenue". Vingt ans après sa promulgation, les députés Christine Le Nabour (Ensemble pour la République) et Sébastien Peytavie (Ecologiste et Social) ont présenté, ce mercredi 9 juillet, les conclusions de leur rapport d'évaluation de cette loi qui avait suscité, à l'époque, "de nombreux espoirs dans le monde associatif et chez les personnes handicapées".
Le constat dressé est sans appel : "Trop de personnes handicapées sont encore mises à l’écart de la vie sociale, associative, culturelle, sportive, et économique du pays et sont victimes de discriminations quotidiennes", écrivent les parlementaires dans leur texte. Présenté devant la commission des affaires sociales, puis lors d'une conférence de presse, le rapport contient 86 recommandations.
Les deux rapporteurs proposent en premier lieu de modifier la définition du handicap en la calquant sur celle de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées de 2006. Il s'agit, selon Sébastien Peytavie, d'un "point essentiel" : "L'ONU nous dit qu'un environnement qui n'a pas été rendu accessible génère un handicap."
Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles, ou sensorielles durables, dont l'interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l'égalité avec les autres. Extrait de la convention
"La loi de 2005 reste centrée sur une approche biomédicale selon laquelle le handicap est avant tout une déficience individuelle qu'il convient de compenser", déplore le député écologiste, qui précise que la philosophie de la Convention de 2006 amène plutôt "la société à s'adapter". L'élu espère que cette transposition pourra avoir lieu dans le cadre d'une semaine transpartisane de l'Assemblée nationale.
Dans leur rapport, les deux députés affirment, en outre, que "l'école ne tient toujours pas sa promesse d'inclusion". Christine Le Nabour a rappelé que "le nombre d'enfants handicapés scolarisés a plus que triplé en 20 ans pour atteindre près de 470.000 enfants à la rentrée 2023". Mais ces "progrès indéniables sur le plan quantitatif", ne masquent pas un "échec qualitatif".
"L'approche compensatoire a conduit les pouvoirs publics à se cantonner à une approche reposant exclusivement sur les droits individuels, éclipsant toute vision collective sur la question clé de l’accessibilité de l’école", écrivent Christine Le Nabour et Sébastien Peytavie.
"L'école de Jules Ferry est faite pour les gamins qui vont bien, qui vont être autonomes et réussir tout seuls", explique le député écologiste, qui propose par exemple de rendre accessibles les manuels scolaires, en modifiant leur police de caractères pour tous. Les auteurs du rapport déplorent aussi le manque de formation des enseignements et des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), ces derniers étant de plus "trop précaires".
"Les associations dénoncent la scolarisation souvent partielle des enfants handicapés sans que les statistiques publiques très lacunaires ne permettent d'en apprécier l'ampleur", a ajouté mercredi Christine Le Nabour. Avec son collègue de gauche, la députée du parti présidentiel propose donc dans le rapport la mise en œuvre d'un "suivi statistique exhaustif de la scolarité de l’ensemble des enfants handicapés".
Sur la question de l'emploi, Christine Le Nabour et Sébastien Peytavie constatent qu'"en vingt ans, les outils ont évolué et la situation a progressé sans que les objectifs ne soient atteints". Ainsi, "le taux de chômage des personnes handicapées a diminué mais reste deux fois plus élevé que celui de l'ensemble de la population active, 12% contre 7,3%", note la députée. Le rapport préconise notamment de pouvoir cumuler l'allocation adulte handicapé (AAH) et l'emploi au-delà du temps partiel.
Par ailleurs, les deux députés fustigent le "retard criant" s'agissant du logement et dénoncent le "coup d'arrêt" porté par la loi Elan de 2018, qui a modifié les normes de construction. Christine Le Nabour et Sébastien Peytavie rappellent qu'avec cette loi, "20% de logements neufs en rez-de-chaussée, ou desservis par ascenseur doivent être accessibles, les 80% restants devant être évolutifs, au lieu de 100% de logements neufs accessibles auparavant". Ils proposent donc de "revenir sur ce recul". Ils souhaitent aussi "mettre fin aux trop nombreuses dérogations injustifiées".
Les rapporteurs se sont également penchés sur la prestation de compensation du handicap (PCH), une autre "promesse non tenue" et une aide "d'une complexité inouïe". "La vie quotidienne est découpée en actes, minutée, et à chaque acte correspond un tarif et un plafond", déplore Sébastien Peytavie, qui estime que le dispositif est "loin du soutien à l'autodétermination des personnes handicapées qui avait été promis". D'où la proposition d'une "refonte globale de la PCH en une prestation unique visant à soutenir les aspirations et les projets de ces bénéficiaires". En outre, le rapport préconise de supprimer la limite d'âge de 60 ans qui conditionne l'accès à la PCH.
Christine Le Nabour et Sébastien Peytavie critiquent aussi le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), fustigeant des "délais de traitement des dossiers interminables", des "disparités territoriales majeures dans l'attribution des droits et des aides", ou encore la "complexité des démarches administratives pour les usagers". "C'est le parcours du combattant", dénonce Sébastien Peytavie, qui avance l'idée de "recentrer les missions des MDPH sur l'accueil et l'accompagnement des usagers et sur l'évaluation des situations les plus complexes".
Le député écologiste met enfin en cause la "prise en charge médico-sociale des personnes handicapées" : "Trop souvent contraintes de résider dans des établissements d'hébergement qui les coupent du monde extérieur", regrette-t-il, parlant d'une situation de "ségrégation". Sébastien Peytavie juge nécessaire de "réformer en profondeur la gouvernance des établissements", mais aussi de "désinstitutionnaliser" le handicap afin de permettre aux personnes handicapées d'être libres de choisir leur mode de vie et leur lieu de résidence.