L'Assemblée a terminé l'examen de la proposition de loi sur la sécurité globale

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Alice Thourot, le 20 novembre 2020.
par Maxence Kagni, le Vendredi 20 novembre 2020 à 21:18, mis à jour le Samedi 21 novembre 2020 à 06:54

Au cours d'une longue séance dans la nuit de vendredi à samedi, les députés ont voté des articles portant sur des sujets très différents relatifs à la sécurité comme l'utilisation des drones ou encore le port d'arme hors service par les forces de l'ordre.

L'Assemblée nationale a achevé dans la nuit de vendredi à samedi l'examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale. Le vote solennel sur l'ensemble du texte aura lieu mardi 24 novembre.

Après avoir adopté dans la journée le controversé article 24 sur la diffusion du visage des policiers, les députés ont examiné d'autres dispositions sur les caméras-piétons des forces de l'ordre, l'usage des drones et la limitation des réductions de peine pour les détenus ayant agressé des policiers.

Caméras-piétons

L'Assemblée nationale a adopté l'article 21 encadrant l'usage par les policiers des caméras-piétons. Celles-ci doivent être généralisées en juillet 2021. Le texte prévoit que leurs images pourront être "transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention".

Cette diffusion en direct ne sera admise que si la "sécurité des agents" présents sur le terrain ou "la sécurité des biens et des personnes" est "menacée".

Le député La France Insoumise Ugo Bernalicis a critiqué le contenu du texte au sujet des caméras-piétons en revenant sur un "cas de figure où il y a eu, une fois de plus, une défaillance dans l'activation de la caméra-piéton" : "Je pense précisément à Cédric Chouviat", a affirmé l'élu.

Sacha Houlié (La République en marche) a tenté de supprimer l'alinéa 7 de l'article, qui prévoit que les policiers et gendarmes de terrain pourront avoir accès directement aux images qu'ils captent. L'élu craint qu'un agent puisse altérer ou supprimer des images qui l'accusent. 

"Les policiers et les gendarmes ne pourront pas modifier l'enregistrement ni le supprimer", a répondu la rapporteure Alice Thourot (La République en marche). L'amendement a été rejeté.

Les drones encadrés

Les députés ont également adopté l'article 22 qui précise les modalités d'usage des drones par les forces de l'ordre. Aujourd'hui, explique l'exposé des motifs du texte, la police utilise déjà ces système de "captation d'images par des moyens aéroportés" mais elle le fait "en l'absence de cadre juridique clair".

Le texte précise les moments où l'utilisation des drones est admise, comme la sécurisation de rassemblements "lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l'ordre public" ou la prévention des actes de terrorisme. Les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers pourront également en faire usage.

Le public devra être informé "par tout moyen approprié" qu'il est filmé et les images pourront être transmises en direct "au poste de commandement du service concerné". Les enregistrements seront supprimés au bout de 30 jours, sauf s'ils sont utilisés dans le cadre de procédures judiciaire, administrative ou disciplinaire.

"Le conseil d'Etat comme la Cnil appelaient de leurs voeux ce cadre juridique", a expliqué Alice Thourot.

"Gadgétisation"

Mais l'usage des drones a été critiqué par Alexis Corbière (La France Insoumise), qui a dénoncé une "gadgétisation des techniques de la police" risquant de porter atteinte à la vie privée. Et la socialiste Marietta Karamanli a estimé que "cette surveillance conforte un modèle d'encadrement des manifestations, qui vise à lutter contre elles".

Selon Paula Fortezza (non inscrite), le dispositif est "beaucoup trop intrusif", avec une liste des usages "beaucoup trop large".

Le texte précise pourtant que "les opérations sont réalisées de telles sortes qu'elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées". Un garde-fou insuffisant selon Pierre-Alain Raphan (La République en marche), qui a tenté en vain d'imposer "un traitement des images" avant leur diffusion en direct au poste de commandement.

La grande nouveauté de ce texte c'est que la police pourra rentrer, avec des images, sans autorisation, chez les gens. François Pupponi

"Ce texte n'est absolument pas bordé juridiquement", a estimé Emilie Cariou (non inscrite), qui a pointé un risque de censure par le Conseil constitutionnel.

Réduction de peines 

Autre disposition adoptée vendredi soir : la limitation du bénéfice des mesures de réduction de peine pour les personnes qui se sont rendues coupables d’infractions sur les forces de sécurité intérieure.

L'article adopté protège toute personne ayant "un mandat électif public", les "agents de l’administration pénitentiaire, de la gendarmerie nationale, des douanes ou de la police nationale", les "agents de police municipale" ainsi que les "sapeurs‑pompiers professionnels ou volontaires." 

Le dispositif a été défendu par le député Les Républicains Eric Diard.

Ugo Bernalicis (La France insoumise) a demandé la suppression de l'article : les réductions de peine sont un "outil de gestion de la détention [des prisonniers] pour le chef d'établissement et personnels pénitentiaires". 

"On ne va pas s'attaquer aux peines qui vise à la réinsertion, quand il y a une bonne conduite", a répondu le rapporteur Jean-Michel Fauvergue (La République en marche).

Port d'arme hors service 

La proposition de loi prévoit aussi de permettre aux policiers nationaux et aux gendarmes de conserver leur arme hors service lorsqu’ils accèdent à un établissement recevant du public.

Une disposition à laquelle s'est opposé Alexis Corbière (La France insoumise), qui redoute que certains policiers, déjà fragilisés, n'usent de leur arme de service à leur domicile pour se suicider. "Il peut y avoir dérapage", a pour sa part estimé le député communiste Stéphane Peu, qui a critiqué l'article, tout comme la socialiste Marietta Karamanli.

Le rapporteur du texte Jean-Michel Fauvergue a précisé que depuis 2015 les forces de l'ordre ont déjà le droit de porter leur arme hors service. Mais certains établissements recevant du public refusent cette possibilité aux policiers et gendarmes. "Au Bataclan, il y avait au minimum trois policiers [et] pendant les massacres, ils n'ont pas pu intervenir", a regretté l'ancien patron du RAID devenu député.

Evoquant le droit de propriété, et donc le droit des propriétaires de refuser l'accès à leur établissement, Sacha Houlié (La République en marche) a émis des doutes quant à la constitutionnalité de l'article.

Les députés ont adopté un amendement gouvernemental qui précise qu'un décret en conseil d'Etat fixera précisément les règles qui encadreront ce port d'arme.

Mortiers d'artifices

Les députés ont également adopté à l'unanimité la limitation de la vente des mortiers d'artifices, dont l'usage est parfois détourné afin de viser les forces de l'ordres. 

L'article punit de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros le fait de vendre "des articles pyrotechniques à des personnes physiques ne possédant pas les connaissances techniques particulières ou ne répondant pas aux conditions d’âge exigées par la réglementation pour les acquérir, les détenir, les manipuler ou les utiliser". 

Le fait, pour un acheteur, d'"acquérir, détenir, manipuler ou utiliser des articles pyrotechniques sans posséder les connaissances techniques particulières exigées par la réglementation à cet effet" est puni de la même peine. Si les infractions sont commises via Internet, la peine encourue est d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.