L'Assemblée nationale approuve l'adoption pour les couples non-mariés, la droite "s’inquiète"

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par Ariel GuezSoizic BONVARLET, le Mercredi 2 décembre 2020 à 21:24, mis à jour le Vendredi 4 décembre 2020 à 20:16

Vendredi, les députés ont voté l’article 2 de la proposition de loi visant à "favoriser et à sécuriser" l'adoption. Les élus de la majorité et des groupes de gauche ont soutenu l'extension du droit d'adopter aux couples pacsés ou en concubinage, tandis que les parlementaires de droite se sont inquiétés des conséquences de cette évolution au nom de "l'intérêt supérieur de l'enfant".

Une petite révolution. L'adoption simple (où le lien avec les parents biologiques n’est pas rompu) n'avait pas été réformée en France depuis 2005. Concernant l'adoption plénière (où la nouvelle filiation remplace celle d'origine), le code civil n'avait pas été modifié depuis 1966. En cinquante-quatre ans, "la société a changé", a plaidé la rapporteure de la proposition de loi, Monique Limon (La République en marche), mercredi et vendredi dans l'hémicycle, en indiquant que ce texte avait notamment pour objectif de "sécuriser l'adoption."

Le texte, soutenu par le secrétaire d'État en charge de l'Enfance Adrien Taquet, prévoit notamment de faciliter les procédures d'adoption. Vendredi, les députés ont adopté l’article 2, qui prévoit de permettre aux couples pacsés ou en concubinage depuis plus d'un an de demander une adoption. L'âge minimum des adoptants sera par ailleurs abaissé à 26 ans, contre 28 ans aujourd'hui.

"Il s’agit de moderniser le droit de l'adoption afin de l'adapter aux évolutions de la société. Cela n’entrave en rien l'intérêt de l’enfant !" a défendu Monique Limon, soutenue par ses collègues de la majorité et Adrien Taquet. Le secrétaire d'État a rappelé que cette disposition était une des promesses de la majorité parlementaire et de l'exécutif, exprimée lors des débats sur la loi de bioéthique. "Nous sommes au rendez-vous de la parole que nous avions prise à l'époque !"

Les élues de gauche Danièle Obono (LFI) et Marie-George Buffet (GDR) se sont également félicitées d'une telle mesure, saluant de leur côté "une avancée importante" et la fin d'une inégalité entre "couples homosexuels et hétérosexuels mariés et couples homosexuels et hétérosexuels non-mariés." 

POUR LES ÉLUS LR, MARIAGE, PACS ET CONCUBINAGE NE SE VALENT PAS DANS LE DROIT

Mais cet élargissement "inquiète" la droite. Plusieurs parlementaires Les Républicains sont ainsi revenus sur les liens juridiques noués dans le cadre d’un PACS ou d’une relation de concubinage, les estimant trop fragiles pour être en mesure de favoriser "l’intérêt supérieur de l’enfant." Notion que Xavier Breton (LR) a souhaité inscrire dans le Code civil par le biais d’un amendement, sans succès. "Dire que le mariage est plus protecteur, que par défaut le PACS est plus protecteur que le concubinage, c’est notre conception de la filiation. Vous avez une conception uniquement fondée sur l’amour, sur le désir des adultes, c’est bien ce qui nous différencie", a déclaré le député de l’Ain en s’adressant à la majorité.

Au-delà du lien strictement juridique, c’est plus généralement les critères définissant un "couple stable" qui ont fait l’objet de discussions nourries, plusieurs amendements identiques de la droite ayant proposé de maintenir à deux ans la communauté de vie préalable à une demande d’adoption, abaissée à un an dans le texte. Ces amendements ont tous été rejetés.

LES "DROITS DES ENFANTS" FACE AUX "DROITS DES ADULTES" ?

Surtout, les élus de droite se sont demandés si le gouvernement et la majorité veulent effacer une discrimination ou renforcer les droits de l'enfant. "Le problème a été pris avec l'argument de la discrimination, mais on a un raisonnement qui ne prend pas en compte l'intérêt supérieur de l'enfant", a déploré Xavier Breton. Jean Lassalle (Libertés et Territoires) s'est aussi ému du texte. 

Plusieurs députés, dont Benoit Simian (Libertés et Territoires) et Erwan Balanant (MoDem) ont proposé des amendements visant à abaisser l’âge minimal requis pour adopter, fixé à 26 ans dans la proposition de loi, voire à éliminer tout critère d’âge au-delà de la majorité. Ces amendements ont fait l’objet d’avis défavorables de la rapporteure et du gouvernement et n’ont pas été retenus. Enfin, un amendement de Pascal Brindeau (UDI et Indépendants), visant à retirer du texte l’obligation de consentement du partenaire pour une demande d’adoption dans le cadre d’une relation de concubinage, a recueilli l’assentiment de la rapporteure et du gouvernement, avant d’être adopté.

Pas d’écart d’âge de cinquante ans maximum entre adoptés et adoptants.

La question de la différence d’âge entre adoptants et adoptés a ensuite été abordée dans les débats vendredi après-midi. L’article 3, qui avait déjà fait l’objet d’échanges prolongés en commission, instaurait un écart d’âge maximum de cinquante ans entre l’adoptant et l’adopté, alors que la législation en cours ne prévoit pas de restriction en la matière. La rapporteure a donné un avis favorable aux amendements de suppression de cet article 3, avec une clause de revoyure à l’article 10, relatif aux agréments, et ce afin de permettre d’inscrire cette notion d’écart d’âge non pas au Code civil, mais au Code de l’action sociale et des familles, afin "de guider les professionnels dans leur travail."Malgré les réserves du secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles Adrien Taquet, qui s’est prononcé pour l’introduction de cet écart d’âge, afin d’éviter "un élément de fracture supplémentaire" dans la vie de l’enfant, l’article 3 a donc été supprimé.

L’article 6, visant à prohiber l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs, a été adopté, après qu’un amendement de La République en marche étende cet interdit à "toute adoption conduisant à une confusion des générations", lui-même sous-amendé par la précision que cet élargissement s’appliquerait uniquement dans le cadre des adoptions plénières, et non des processus d’adoption simple.

La droite n'arrive pas à faire préciser le dispositif de l'adoption simple

48 heures plut tôt, les députés de droite n'ont pas réussi à supprimer l'article premier, qui vise à valoriser l'adoption simple en la définissant comme une adoption "[conférant] à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine. L’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine.Les Républicains ont déploré que cette rédaction "[introduise] des complications et confusions de nature à faire obstacle à l’exercice de l’autorité parentale par les adoptants." Les élus ont défendu plusieurs amendements (tous rejetés) visant à préciser les droits conservés dans la famille d'origine par l'adopté.

Une procédure législative contestée 

En revanche, l'ensemble des groupes d'opposition et certains groupes minoritaires se sont émus que les dispositions du texte ne fassent pas l'objet d'un projet de loi. Un texte gouvernemental aurait permis la mise en place d'une étude d'impact et la réalisation d'un avis du Conseil d'État.

L'examen de la proposition de loi en procédure accélérée a également été critiquée. Tout comme le dépôt d'un amendement du gouvernement prévoyant la possibilité de légiférer par ordonnance pour prendre "toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du code civil (...) en matière d’adoption, de déclaration judiciaire de délaissement   parental." Une disposition qui inquiète Pascal Brindeau, chef de file des députés UDI sur ce texte. Le député ne veut pas qu'une "ligne rouge" soit franchie : 

Cet amendement ne doit pas être un cheval de Troie sur le sujet de la filiation automatique des enfants nés de PMA et de GPA à l’étranger

Le secrétaire d'État Adrien Taquet devrait lui répondre vendredi dans la soirée, lorsque l'examen de la proposition de loi reprendra dans l'hémicycle. A noter, parmi les articles qui restent à débattre : l'article 11, qui donne un rôle central au conseil de famille lors de l'adoption des pupilles de l'État, ainsi que l’article 13, qui vise à supprimer la possibilité pour une femme de confier son enfant à un Organisme autorisé pour l'adoption et à donner un monopole à l'Aide sociale à l'enfance. L’ensemble du texte sera voté mardi 8 décembre après les Questions au gouvernement.