L'Assemblée vote une meilleure protection des indépendants

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Illustration AFP
par Jason Wiels, le Lundi 10 janvier 2022 à 19:27, mis à jour le Mardi 11 janvier 2022 à 10:36

Le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante a été voté, lundi 11 janvier, à l'Assemblée nationale. Le texte, dernier grand chantier économique de la législature, acte la mise en place d'un régime unique pour les entrepreneurs individuels, plus protecteur de leur patrimoine personnel, ainsi qu'un élargissement des conditions d'accès à l'allocation pour les travailleurs indépendants en cas de coup dur. 

Ils sont plus de trois millions en France à travailler sous le statut d'indépendant. Un terme sans définition juridique, qui regroupe aussi bien les entrepreneurs agricoles que les artisans, les commerçants, les professions libérales, les travailleurs des plateformes... Malgré la crise sanitaire, leur nombre ne fait que croître : il y a eu 840 000 création d'entreprises en 2020 (+4,7% par rapport à 2019). Pour 2021, le cru s'annonce encore meilleur avec 900 000 créations de janvier à novembre.

Une hausse certes tirée par le nombre croissant de micro-entrepreneurs (900 000 micro-entreprise pour 2,4 millions d'entreprises de moins de dix salariés dirigées par des indépendants), mais qui reflète "le niveau de confiance en l'avenir", estime Jean-Baptiste Lemoyne. Le ministre délégué avait la charge de défendre le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante dans l'Hémicycle. Déjà chargé du Tourisme et de la Francophonie, il a vu s'ajouter à ses fonctions celles d'Alain Griset qui était chargé des PME et qui a quitté le gouvernement après une condamnation. 

Cette dernière fenêtre de tir pour réformer avant la fin de la législature permet à l'Exécutif de multiplier les gestes envers les indépendants. Car, presque cinq ans après la fin du régime social des indépendants (RSI) et de quelques suppressions de charges, l'Élysée avait rangé dans le tiroir ses autres promesses, notamment sur l'accès inconditionnel des indépendants au chômage.

Vote de "l'insaisissabilité" du patrimoine personnel

La première pierre du projet de loi instaure un statut unique de l'entrepreneur individuel, permettant à la fois une simplification et une meilleure protection. L'article 1er, voté à l'unanimité, permet ainsi aux entrepreneurs individuels de scinder leur patrimoine en deux, l'un professionnel, l'autre personnel. Ce dernier sera désormais insaisissable en cas de défaillance, alors qu'aujourd'hui seule la résidence principale est protégée.

"Demain, il ne sera plus possible de saisir n'importe quel bien de l'entrepreneur", s'est félicité Jean-Baptiste Lemoyne. Le régime de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), qui permettait déjà ce genre de distinction, est supprimée car peu utilisé et jugé trop complexe. Le gouvernement a préféré étendre ses protections à toutes les entreprises individuelles (EI), en leur épargnant des démarches fastidieuses. De plus, l'EI nouvelle formule sera plus facilement transmissible et pourra se transformer plus aisément en société. La future loi ne s'appliquera en revanche qu'aux nouvelles créances pour les entreprises créées avant la réforme.

Si le texte propose une distinction par défaut du patrimoine, l'entrepreneur pourra toujours renoncer à ce droit, notamment pour apporter les garanties suffisantes à ses créanciers.

"Vous prévoyez des exceptions qui, faute de prendre en compte la réalité des rapports économiques, vide de contenu votre pétition de principe", a critiqué André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine). Le chef de file des communistes à l'Assemblée a proposé sans succès de sanctuariser l'insaisissabilité des biens personnels. "La production de crédits s'arrêterait tout net", a répliqué le ministre. Avec la rapporteure Marie-Christine Verdier-Jouclas (LaREM), il a préféré mettre en avant "l'encadrement" de la possibilité de renoncer à cette distinction, avec un délai de réflexion et une définition "spécifique" des biens engagés par l'entrepreneur.

"Cette discussion est très théorique, on ne peut pas empêcher quelqu'un de faire ce qu'il veut de son patrimoine", a objecté Charles de Courson (Libertés et Territoires), qui voit même un obstacle constitutionnel à une protection totale du patrimoine personnel.

Une allocation pour "25 000 à 30 000" indépendants

L'autre mesure phare du texte est une réforme de l'allocation des travailleurs indépendants (ATI). Créée en 2019, cette aide de 800 euros par mois pendant 6 mois destinée aux indépendants qui ont cessé leur activité, a été utilisée par moins de 1000 personnes. Un échec pour ce qui devait être "une petite révolution", selon le corapporteur Jean-Noël Barrot (MoDem), à cause notamment de "conditions trop restrictives".

Le gouvernement a donc souhaité élargir les conditions d'éligibilité, qui seront redéfinies par décret. L'ex-entrepreneur n'aura plus à attendre une procédure de liquidation ou de redressement pour la demander. En revanche, l'Exécutif souhaite rendre l'aide modulable pour que son montant ne dépasse pas les revenus générés par l'ancienne activité. Le versement pourra être inférieur à 800 euros et ne pourra pas être resollicité dans les cinq années suivantes. Jean-Baptiste Lemoyne espère cette fois toucher "25 000 à 30 000 personnes".

Un vote consensuel malgré "un goût d'inachevé"

La gauche (GDR, PS et LFI), qui s'est abstenue sur le vote final, a regretté "un goût d'inachevé", comme l'a exprimé Jean-Louis Bricout (PS). Danièle Obono (LFI) aurait souhaité "davantage de protection sociale" pour les collaborateurs des plateformes. Côté Les Républicains, Stéphane Viry a souligné "une tentative de rattrapage [envers les indépendants], mais il faudrait en faire bien plus".

Le texte, déjà adopté par le Sénat en première lecture, a finalement été voté par 72 voix, plus 9 abstentions (aucun vote contre). Il devrait donc pouvoir être adopté définitivement par le Parlement avant la fin du quinquennat, comme le prévoit le gouvernement.