Législatives 2022 : ces députés qui ont choisi de ne pas se représenter

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Bancs de l'Hémicycle vides
par Soizic BONVARLET, le Lundi 21 février 2022 à 11:10, mis à jour le Lundi 21 février 2022 à 18:40

À l’approche des élections législatives, qui se tiendront les 12 et 19 juin prochains, certains députés ont déjà fait part publiquement de leur intention de ne pas se représenter. Volonté de ne pas faire de la fonction élective un métier, déception quant à la nature du mandat parlementaire, plusieurs raisons sont invoquées par ces élus qui s’apprêtent à tourner la page.

"Au-delà de l’orientation que je souhaite donner à ma vie, cette décision [de ne pas me représenter], prise il y a plusieurs semaines, est un acte politique mûrement réfléchi". Ces propos sont ceux du vice-président de l’Assemblée nationale, Hugues Renson. Publiés sur Internet le 16 février dernier, ils témoignent pour ce député siégeant au sein du groupe La République en marche d’une "cohérence" avec la conception de l’engagement défendue en 2017 par la majorité présidentielle. "Le mandat électif est une mission et non une profession", écrit ainsi Hugues Renson, "c’est le renouvellement régulier qui évite la reconstitution d’une classe politique éloignée des réalités".

Je fais le choix de la sincérité, de la liberté, mais aussi de la lucidité sur certains désaccords que la logique majoritaire et ma loyauté m’ont parfois contraint à minimiser ou à taire. Hugues Renson

Mais le député ne s’en cache pas, cette décision s’avère aussi "le fruit d’un doute". "Je fais le choix de la sincérité, de la liberté, mais aussi de la lucidité sur certains désaccords que la logique majoritaire et ma loyauté m’ont parfois contraint à minimiser ou à taire", écrit l’ancien disciple de Jacques Chirac, qui s’est ensuite revendiqué d’une aile sociale et "progressiste" de la majorité. Il déplore par ailleurs le fait que l’Assemblée nationale soit aujourd’hui, selon lui, considérée "comme une chambre d’enregistrement de décisions élaborées ailleurs".

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Hugues Renson

"En juin prochain, je quitterai donc le Parlement, mais pas la politique, pour cette simple raison qu’on ne cesse jamais d’être citoyen", conclut celui qui est encore député, avant de déclarer vouloir poursuivre son engagement "sous d’autres formes".

Même modus operandi pour Matthieu Orphelin, qui a pris la plume deux jours après son collègue pour expliquer son choix de ne pas se représenter en 2022. "Certains députés pensent ‘n’avoir servi à rien’, ce n’est pas mon cas", estime le député de Maine-et-Loire, élu en 2017 sous l’étiquette La République en marche avant de participer en mai 2020 à la formation du groupe dissident, qui avait rejoint l’opposition, Écologie Démocratie Solidarité (EDS), qui a disparu depuis. Aujourd’hui non inscrit, l’ancien porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot indique sa volonté de ne pas devenir "un professionnel de la politique". Il évoque également des raisons plus intimes dont "l’équilibre de la vie personnelle et familiale", et un "burn-out fin 2019", sur lequel il ne s’était jusqu’à présent jamais confié.

Des "turbulences" pour une portée limitée ?

Albane Gaillot a aussi fait le choix de quitter le groupe LaREM pour rejoindre EDS avant de siéger en tant que non inscrite. Tout comme son collègue, elle ne bénéficie plus aujourd’hui de l’étiquette partisane corrélée à une possibilité d’investiture, nécessaire pour représenter une formation politique, qui met à disposition du candidat les moyens de faire campagne. Albane Gaillot a cependant pris sa décision il y a déjà deux ans, à mi-parcours de son mandat, et ce pour des raisons avant tout personnelles. Primo-députée, elle évoque "beaucoup de turbulences dans la vie personnelle et familiale", ainsi que les menaces de mort qu’elle a reçues, liées à la proposition de loi qu’elle a portée visant à allonger de 12 à 14 semaines les délais de l’IVG.

J’ai compris que la logique majoritaire consistait plus à voter qu’à faire bouger les lignes. Albane Gaillot

"Faire de la politique c’est beaucoup de compromis, c’est très long et très compliqué de faire bouger les choses", confie à LCP celle qui n’avait jamais été encartée, et qui estime pouvoir être davantage efficace "de l’extérieur", en continuant à militer pour les droits des femmes.

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Albane Gaillot

Albane Gaillot évoque notamment les années de travail, les examens successifs, les périodes de découragement, pour finalement voir aboutir sa mesure d’allongement des délais de l’IVG de deux semaines. "C’est pas la révolution non plus !", s’exclame-t-elle. "En ayant d’abord siégé à La République en marche, j’ai compris que la logique majoritaire consistait plus à voter qu’à faire bouger les lignes", déclare-t-elle aussi, tout en évoquant cinq années "très enrichissantes". Elle montera pour la dernière fois à la tribune mercredi 23 février, à l’occasion de la lecture définitive, et de l’adoption annoncée de sa proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement. Albane Gaillot qui, autre point commun avec Matthieu Orphelin, a annoncé soutenir Yannick Jadot dans la course à la présidentielle, quittera donc l’Assemblée emplie d’"un sentiment de fierté".

Dans les rangs de La République en marche, outre Hugues Renson, Jean-Louis Touraine, Florence Granjus, ou encore Nicolas Démoulin, ont d'ores-et-déjà fait part qu'ils ne brigueraient pas d'autre mandat. C'est aussi le cas de Bruno Bonnell qui a déjà tourné la page pour devenir secrétaire général pour l’investissement, chargé de France 2030. Selon le chef de file des députés de la majorité, Christophe Castaner, qui a animé un point presse consacré au bilan de la législature, lundi 21 février, environ 10% de la totalité des députés de son groupe ne se représenteraient pas, "ce qui est beaucoup moins que ce que j'ai connu dans d'autres mandatures", a-t-il indiqué. Les autres seraient "plutôt impatients". Évoquant les échéances pour les investitures, le président du groupe La République en marche a déclaré : "J'ai plutôt des demandes de rendez-vous, et je sais que Richard Ferrand [le président de l'Assemblée nationale, ndlr] en a pas mal aussi, de députés impatients (...) Le parti a arrêté un calendrier qui est post-élection présidentielle pour les investitures". Lui-même a indiqué qu'il se représenterait "sûrement", même s'il a assuré considérer que la question de sa candidature était pour l'instant "accessoire".

S'il ne semble pas y avoir de doute concernant Christophe Castaner, il y a les députés qui souhaiteraient se représenter, mais dont l’investiture du parti n’est pas encore complètement acquise. Selon un autre cadre de la majorité, "la règle est simple : sauf cas de haute trahison, comme un non vote du Budget, ou cas très spécifiques, si tu veux rester, tu restes". Il ajoute que les prises de position des députés qui souhaitent se représenter sont également susceptibles d'être scrutées d'ici au 24 avril, date du second tour de l'élection présidentielle.

"Place aux jeunes !"

 "Je pense avoir fait le tour de la mission", déclare pour sa part Marianne Dubois (Les Républicains), arrivée à l'Assemblée en 2009, suite au décès de Jean-Paul Charié, dont elle était la suppléante. "J'ai beau en être à mon troisième mandat, je n'ai jamais été comme les hommes, à me dire tous les matins devant la glace, 'je veux être députée, je veux être députée'". À 64 ans, cette élue du Loiret ne raccrochera pas tout à fait son écharpe en juin prochain, puisqu'elle souhaite devenir la suppléante de son suppléant, un jeune agriculteur de 29 ans. "Place au jeunes !", clame-t-elle, "pour moi ce ne sont pas des paroles en l'air". 

Elle compte par ailleurs rester conseillère départementale, évoquant "un mandat de proximité" qui lui convient tout particulièrement. Bien qu'elle considère que la vie parlementaire soit "riche", elle la décrit également comme étant "contraignante". Cinq fois grand-mère, elle évoque le besoin de "se concentrer sur l’essentiel". Quitte à "pourquoi pas" revenir à l'Assemblée, si son suppléant, une fois élu député, était ensuite appelé à d'autres fonctions.