Les députés repoussent l'interdiction des nitrites en charcuterie

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par Ariel Guez, le Mercredi 26 janvier 2022 à 09:47, mis à jour le Mercredi 26 janvier 2022 à 13:28

À la demande du gouvernement, la proposition de loi relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans la charcuterie a été réecrite en commission. Il faudra attendre un avis de l'Anses à l'été 2022 avant d'envisager une interdiction de ces produits cancérigènes.

"Les additifs nitrés associés à de la charcuterie tuent des Français." C'est le constat alarmant qu'a dressé le député MoDem Richard Ramos ce mercredi 26 janvier en commission des affaires économiques. Depuis le début du quinquennat, cet élu du Loiret lutte contre la malbouffe et pour le bien-manger, et plaide donc pour l'interdiction des additifs nitrés dans la charcuterie. Si ces additifs sont utiles à la conservation des aliments et que certains pays interdisent l'importation de produits qui n'en contiennent pas, c'est le mélange avec la charcuterie (et donc l'association entre les nitrites et le fer contenu dans la viande) qui a des effets importants sur la santé, expliquait déjà Richard Ramos à l'Assemblée nationale en janvier 2021. A l'époque, le député parlait d'un "effet cocktail" aux conséquences dévastatrices. Car la consommation de viandes et de charcuteries en France pour l’année 2015 a contribué à près de 5 600 nouveaux cas de cancers colorectaux, selon un rapport du CRIC.

Ce mercredi matin, Richard Ramos a été tout aussi combatif, plaidant à nouveau pour l'interdiction progressive des additifs nitrés dans la charcuterie. Le député a assuré qu'une autre alimentation était possible, et que, d'ailleurs, les viandes sans-nitrites sont déjà commercialisées dans les grandes surfaces. Plus saines, elles sont aussi plus chères. "Nous ne pouvons nous résoudre à avoir deux alimentations : une pour les riches et une pour les pauvres", a notamment lancé Richard Ramos à ses collègues.

Le retard de l'avis de l'Anses repousse la prise de décision

Mais l'interdiction de ces nitrites, ce "poison", selon les mots du rapporteur, n'aura pas lieu tout de suite. Car si le consensus scientifique est de plus en plus large sur le sujet, il manque un avis majeur : celui de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation. Comme nous vous l'expliquions déjà en janvier dernier, ce rapport de l'Anses aurait dû être rendu en avril 2021. Il a été retardé plusieurs fois, et ne sera finalement publié au plus tard qu'à l'été 2022... soit après la fin du quinquennat. Une situation qui a provoqué la colère et l'exaspération sur de nombreux bancs, notamment chez Olivier Falorni (Libertés et Territoires) et Sébastien Jumel (PCF).

Cet absence d'avis fait que, pour de nombreux députés (dont ceux de La République en Marche et des Républicains, notamment) il manque une donnée pour légiférer. Même constat pour le gouvernement (la procédure de législation en commission, utilisée pour ce texte, permet d'avoir un ministre présent lors des débats). "Il ne s'agit en aucun cas de se défausser ou d'éluder le sujet", a expliqué le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie. "Mais il nous faut avoir un avis scientifique indépendant pour éclairer les choix."

"Je souhaite que l'avis de l'ANSES aille vite. (...) Et nous mobiliserons tous les outils qui sont à notre disposition pour prendre les mesures qui s'imposent", a-t-il aussi prévenu. 

La proposition de loi réécrite 

"C'est une question de méthode", a défendu Julien Denormandie. Les nombreuses prises de paroles lors de la discussion générale ont montré que cet avis était majoritaire : il faut attendre l'Anses avant de trancher sur l'interdiction des additifs nitrés dans la charcuterie. 

Ainsi, le gouvernement a fait passer plusieurs amendements afin de réécrire la proposition de loi. Initialement, l'article premier prévoyait l'interdiction à partir de 2023 de la production, l’importation ou la mise sur le marché de produits de charcuterie fabriqués en utilisant du nitrite de potassium (E249), du nitrite de sodium (E250), du nitrate de sodium (E251) ou du nitrate de potassium (E252). Désormais, "le Gouvernement présente au Parlement un rapport tirant les conclusions de l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail sur les risques associés à l’ingestion d’additifs nitrités en matière de santé publique et décrivant, si nécessaire, les dispositifs d’accompagnement mis en place pour préserver l’activité économique et la compétitivité de la filière de production et de transformation de viande et de charcuterie."

Même sort pour les autres articles : ils ont été réécrits pour attendre l'avis de l'Anses, ou simplement supprimés. La proposition de loi ainsi modifiée devrait être examinée dans l'hémicycle jeudi prochain dans le cadre de la niche parlementaire du groupe MoDem. Un bilan mitigé pour le rapporteur Richard Ramos, qui a par le passé émis des réserves quant à l'Anses. "Je n'ai pas confiance en elle", lançait-il devant nos caméras en janvier 2021. "Je pense que ces gens-là se sont installés dans un confort de la pensée qui fait qu'on ne veut pas juger (...) je regarderai avec attention les possibles conflits d'intérêts", prévenait-il à l'époque. "Je préfère faire confiance aux scientifiques qui sont venus devant le Parlement et au personnel de l'Assemblée nationale qui a travaillé sur le dossier", expliquait le député.