Manifestation des policiers : des milliers de personnes devant l'Assemblée nationale

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AFP
par Ariel Guez, le Mercredi 19 mai 2021 à 11:27, mis à jour le Mercredi 19 mai 2021 à 17:29

De très nombreux responsables politiques et plus de 35.000 personnes selon les organisateurs ont manifesté cet après-midi devant l'Assemblée nationale, deux semaines après la mort du brigadier Eric Masson à Avignon. 

Deux semaines après le meurtre du brigadier Eric Masson et à un an de l'élection présidentielle, les syndicats de police, réunis en intersyndicale, ont appelé à manifester devant l'Assemblée nationale ce mercredi. Selon les organisateurs, plus de 35.000 personnes venues de toute la France, mais aussi le ministre de l'Intérieur et des élus de tous bords ou presque, étaient présentes. "Chacun est libre d'y participer", mais "aucun responsable politique ne pourra accéder à la tribune ni s'y exprimer", avaient fait savoir les organisateurs dans un communiqué commun.

L'essentiel à retenir

  • Selon les organisateurs, 35.000 personnes étaient présents devant l'Assemblée nationale cet après-midi, deux semaines jour pour jour après le meurtre d'Eric Masson.
  • Côté revendications, les syndicats ont notamment demandé "la mise en oeuvre de peines maximales" pour "les agresseurs des forces de l'ordre." Lors des prises de paroles, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a été de nombreuses fois ciblé.
  • Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a fait une apparition, mais n'est resté que quelques instants après avoir été sifflé, ont constaté des journalistes présents sur place.
  • Des représentants de tous les groupes parlementaires, à l'exception de celui de La France insoumise, étaient à la manifestation. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé le caractère "factieux" de la manifestation.

Vanhemelryck (Alliance) : "Le problème de la police, c'est la justice !"

Lors de la manifestation, le ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a été pris à partie par les manifestants et les responsables syndicaux, qui l'ont hué à de nombreuses reprises. Fabien Vanhemelryck, Secrétaire général d'Alliance-Police nationale, a énuméré des faits de violences contre des forces de l'ordre et les peines "insuffisantes" qui ont été prononcées par la justice, estimant que "le problème de la police, c'est la justice. Elle doit rendre des comptes !"

Le responsable syndical a demandé une "réponse pénale forte" avec la mise en place de peines minimales. Son collègue de l'Unsa-Police, Olivier Varlet, qui dans son intervention a cité l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua,  a appelé Eric Dupond-Moretti a "se reveiller." 

"La France doit s'engager dans des réformes ambitieuses et majeures. Il faut revoir à la hausse les peines d'infraction contre les policiers et les gendarmes", estime le secrétaire général de l'Unsa-Police, ajoutant qu'il "est temps de frapper les petites frappes." "Il y en a assez des réformes successives qui ne se font pas", a-t-il dit.

Quelques minutes avant les prises de paroles, sur un écran géant installé devant le Palais Bourbon, des vidéos de violences contre les forces de l'ordre ont également été diffusées. Sur la tribune, une immense banderole est déployée avec l'inscription : "Payés pour servir, pas pour mourir."

Dans l'hémicycle de l'Assemblée, Eric Dupond-Moretti répond

Présent à l'Assemblée nationale pour l'examen du projet de loi  pour la confiance dans l'institution judiciaire, Eric Dupond-Moretti a déclaré qu'il lui semblait "dangereux pour notre démocratie d'opposer en permanence la police et la justice". "Les policiers et les magistrats de ce pays sont dans la même barque républicaine", a-t-il assuré, déplorant "une totale désinformation sur les plateaux de télévision."

Jean-Luc Mélenchon dénonce le caractère "factieux" de la manifestation

"'L'hommage' devient une mise en cause de l'autorité judiciaire. Le Secrétaire général d’Alliance dit : 'Le problème de la police, c’est la justice. La justice doit rendre des comptes'. Menaces, intimidations : les factieux les font toutes. Je condamne leurs propos. Vite une police républicaine !" a écrit sur les réseaux sociaux le président du groupe parlementaire de La France insoumise. 

Jean-Luc Mélenchon a organisé une conférence de presse dans l'après-midi, voulant "marquer son désaccord" avec les évènements de la journée. "Ce n'est pas un hommage, c'est la mise en cause de la justice", a-t-il déclaré, dénonçant une manifestation "au caractère ostensiblement factieux." Le candidat à l'élection présidentielle a appelé ses troupes à "ne pas confondre les organisations policières qui prétendent représenter un corps dont nous avons tous besoin avec la police."

La participation à cette manifestation a divisé la gauche parlementaire : l'ensemble des députés de la France insoumise ont décidé de ne pas venir, expliquant dans un communiqué ne pas partager les revendications des organisateurs. À gauche, Olivier Faure (PS), Fabien Roussel (PCF) et Yannick Jadot (EELV) ont été vus dans le cortège, tout comme des parlementaires communistes et socialistes. Dans une tribune adressée à L'Humanité, le secrétaire national du PCF et candidat à la présidentielle a justifié sa présence. "J’ai défendu l’idée que la gauche devait prendre à bras-le-corps les questions d’insécurité qui gangrènent l’existence de tant de villes et quartiers populaires. C’est la raison pour laquelle j’ai participé, avec d’autres parlementaires et élus du PCF au rassemblement des syndicats de policiers, le 19 mai, devant l’Assemblée nationale", a écrit Fabien Roussel. 

La droite réclame des peines planchers, le PS ne veut pas lui laisser le terrain

De très nombreuses figures de la droite et des Républicains (François Baroin, Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand notamment) étaient également présentes devant l'Assemblée nationale. "C'est essentiel de montrer que la nation est réunie autour des forces de l'ordre", a notamment déclaré au micro de LCP le président du groupe Les Républicains Damien Abad. "La sécurité est un thème majeur de préoccupation des Français", a abondé le président du parti, Christian Jacob.

Du côté de l'extrême-droite, Sébastien Chenu a lui aussi ciblé le Garde des Sceaux. Le candidat aux élections régionales pour le Rassemblement national dans les Hauts-de-France a estimé au micro de LCP que "les peines planchers étaient efficaces" et qu'elles "devaient exister avec beaucoup plus de force pour les agresseurs de ceux qui nous protègent."

Interrogé sur sa présence à la manifestation, Olivier Faure assure que "la question de la sécurité est une question pour tout le monde" et "qu'elle n'est pas réservée à la droite." "Ne croyez pas que dans les collectivités locales que nous dirigeons, la question de la sécurité soit mal traitée, au contraire", poursuit le premier secrétaire du PS, qui se dit prêt à "discuter" avec les syndicats de policiers. "Oui nous sommes prêts à vous écouter, nous sommes prêts à veiller avec vous à ce que la sécurité des Français soit assurée."

Gérald Darmanin aux policiers : "Je pense à vous"

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a lui aussi justifié sa présence à la manifestation devant l'Assemblée nationale. "Je suis venu pour soutenir tous les policiers comme tous les Français", a-t-il déclaré, alors qu'il était interpellé par la foule. "Monsieur le ministre, il faut nous aider", lui a notamment dit un policier. "Tous les matins quand je me lève, tous les soirs quand je me couche, je pense à vous. (...) N'ayez aucun doute sur le soutien que je vous porte", lui a répondu le ministre, ont constaté les journalistes présents sur place. 

Gérald Darmanin a également été sifflé par des manifestants, comme l'ont constaté nos confrères de Loopsider.

Une minute de silence en hommage "aux collègues blessés ou tués"

La manifestation s'est achevée un peu après 14 heures avec une minute de silence suivie de quelques applaudissements en hommage aux policiers et gendarmes "blessés ou tués". Selon les chiffres officiels du ministère de l'Intérieur, 18 policiers étaient blessés chaque jour en 2018. 


Pourquoi les policiers ont manifesté ?

Les syndicats ont décidé d’organiser ce rassemblement après le meurtre d’Eric Masson, tué sur un point de deal à Avignon le 5 mai. Un drame qui a ébranlé la police, déjà marquée par l’assassinat le 23 avril de Stéphanie Monfermé, agente administrative au commissariat de Rambouillet (Yvelines),

Le gouvernement a rapidement donné des gages aux syndicats, reçus le 10 mai à Matignon. Le Premier ministre Jean Castex s’est notamment engagé à étendre à trente ans la période de sûreté pour les personnes condamnées à perpétuité pour un crime contre un policier ou un gendarme. Et à limiter strictement les possibilités de réduction des peines pour ceux qui s’attaquent aux forces de l’ordre. Mais les syndicats déplorent que leur "revendication la plus importante", "la mise en œuvre de peines minimales pour les agresseurs des forces de l’ordre", n’ait pas été "prise en compte.