Travaux simples privilégiés, copropriétés peu impliquées... Lors d'une audition à l'Assemblée nationale, jeudi 26 octobre, la présidente de la 5e chambre de la Cour des comptes a souligné les limites actuelles de la rénovation des logements pour faire face aux évolutions climatiques. Elle a également pointé l'insuffisance des mesures prévues pour adapter les logements au vieillissement de la population.
Le dispositif "MaPrimerénov'" permettra-t-il de répondre au défi de la rénovation thermique des bâtiments ? Auditionnée par les députés du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, jeudi 26 octobre, une délégation de la Cour des comptes a fait le point sur les réussites et limites de cette aide de l'Etat, mise en place en 2020.
"MaPrimeRénov' a montré sa pertinence et son efficacité à inciter les particuliers à réaliser des travaux", a assuré Catherine Démier, présidente de la 5e chambre de la Cour des comptes. Passé ce constat, la magistrate a pointé plusieurs limites du dispositif visant à favoriser la rénovation des bâtiments d'habitation pour répondre au défi climatique et réaliser des économies d'énergies. La principale d'entre elles réside dans les travaux qui ont été réalisés, souvent de nature simple. Ainsi, les trois-quarts des dossiers portant sur la période 2020-2022 ont consisté en un changement de mode de chauffage. "Or, si ces travaux participent à la décarbonation, ils ne sont en revanche pas forcément pertinents pour permettre l'adaptation des logements au réchauffement climatique", a observé Catherine Démier. L'isolation des logements représente le deuxième plus gros volume de dossiers sur la période.
Dans le même temps, "les rénovations globales ne représentent que 3 % des surfaces rénovées et 9,3 % des dossiers de MaPrimeRénov', alors qu'elles permettent une baisse de 10 % des émissions de gaz à effet de serre et de 26 % de consommation énergétique", a souligné la présidente de la 5e chambre de la Cour des comptes. En cause, le reste à charge très important pour les ménages, qui ne peuvent pas forcément supporter le coût de travaux complets.
Autre phénomène observé par la Cour des comptes : l'implication limitée des copropriétés privées envers le dispositif. La juridiction plaide pour mieux adapter l'outil à ce public. Parmi ses autres préconisations, elle juge nécessaire d'inciter les banques à davantage distribuer les produits financiers existants - comme l'éco-prêt à taux zéro - pour faciliter la réalisation des travaux. Elle préconise aussi de rendre prioritaires les chantiers allant au-delà d'un label RGE ("reconnu garant de l'environnement") à la portée limitée. Enfin, la Cour des comptes souligne le "sous-dimensionnement" de la filière de la rénovation pour répondre au défi.
Alors que l'exécutif compte porter l'enveloppe totale consacrée à MaPrimeRénov' à 5 milliards d'euros en 2024, ces différents points soulevés par la juridiction financière font que l'"objectif qualitatif fixé restera difficile à atteindre". À ce titre, les différentes mesures de renforcement de MaPrimeRénov' contenues dans le projet de loi de finances pour 2024 risquent de s'avérer trop limitées a, en substance, expliqué Clarisse Mazoyer, conseillère maître à la Cour.
Le changement climatique n'est pas le seul défi auquel devra répondre le secteur du logement. Alors que les plus de 65 ans représenteront près de 30 % de la population en 2050, le parc adapté aux personnes âgés ne représente que 6 à 7 % des logements à l'heure actuelle, a souligné Catherine Démier. L'enjeu n'est "pas anecdotique", puisque les chutes des personnes âgées pèsent pour 3,1 milliards d'euros dans le budget de la santé.
L'exécutif ambitionne d’adapter 680 000 logements en dix ans. Un objectif "atteignable, mais qui pourrait se révéler insuffisant", a estimé la présidente de la 5e chambre. Pour ce faire, un nouveau dispositif doit voir le jour au 1er janvier 2024, dénommé MaPrimeAdapt'. Réservé avant tout aux propriétaires de plus de 70 ans, cette nouvelle aide résulte de la fusion de trois mécanismes qui coexistaient pour adapter le logement et l'aménager face à la perte d'autonomie : une aide de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), un dispositif de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et le crédit d’impôt autonomie.
Des interrogations demeurent cependant encore sur son financement. Les travaux préparatoires font état d'un besoin de 4,1 milliards d'euros sur 10 ans. Mais il n'existe pas de programmation budgétaire à ce jour, souligne Catherine Démier, qui déplore l'absence de crédits dédiés dans le projet de loi de finances 2024. Par ailleurs, le besoin d'accompagnement du public ciblé est "essentiel". Or, à ce stade, le dispositif prévu ne conserve qu'une assistance à maîtrise d'ouvrage sur la dimension technique des travaux. "Ce n'est pas satisfaisant", selon la magistrate. Enfin, un tel dispositif ne saurait remplacer une politique publique globale en la matière, a-t-elle conclu.