Au moins 14% du tabac consommé en France n’est pas vendu grâce au réseau de buralistes. C’est ce que montre le rapport de la mission d’information présenté hier par les députés Eric Woerth (LR) et Zivka Park (LaREM) intitulé "Évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés."
Qu’il soit acheté légalement dans les pays frontaliers ou sur le marché noir, 14 à 17% du tabac consommé par les Français proviendrait de réseaux parallèles d’approvisionnement. Cette observation a pu être faite à l’occasion de la fermeture des frontières engendrée par le premier confinement, ce qui a permis aux buralistes de capter l’intégralité de la demande de tabac.
"Un laboratoire grandeur nature" selon la formule utilisée par les députés, permettant d’estimer le manque à gagner en matière de recettes fiscales de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros par an. 18 milliards d’euros ont ainsi été collectés en 2020, c’est 2 milliards de plus qu’en 2019.
Les départements frontaliers sont ceux les plus touchés par le phénomène, avec une hausse moyenne de 22% de ventes de tabac sur la période du confinement. "Dans certains départements comme l’Ariège, les Pyrénées-Atlantiques ou le Bas-Rhin, la hausse des ventes de tabac est même comprise entre 40 et 70%" explique Zivka Park.
Par ailleurs le marché parallèle du tabac à rouler est d’une plus grande ampleur encore : il représenterait 40% des ventes réalisées en temps normal. D’après les députés, en plus d’une perte de recettes fiscales, le marché parallèle conduirait à affaiblir les politiques de santé publique ainsi que le réseau de buralistes, déjà pénalisé par l’augmentation des taxes sur le tabac.
"Le marché parallèle constitue une concurrence déloyale pour les débitants de tabac", Éric Woerth.
Les députés ont donc dégagé 11 propositions pour lutter contre le marché parallèle. Ainsi, ils soulignent la nécessité d’intégrer ces données aux décisions prises par l’État, mais aussi de développer des outils, en coordination avec la Direction générale des douanes et l’INSEE, pour permettre aux administrations de suivre de manière régulière l’évolution de ces marchés.
Mais c’est surtout au niveau européen que les députés veulent agir en proposant de réviser les directives de 2011 sur les seuils et les prix en matière de tabac. Ils plaident pour une négociation visant à harmoniser par le haut la fiscalité et le prix entre tous les État membres (indexé sur le niveau de vie des pays).
Les députés préconisent aussi d’abaisser le seuil légal d’importation, jusque-là établi à 800 cigarettes, alors que la France limite ce seuil à 200. "Le risque de contentieux pour la France est évidemment important, le pays en a bien conscience" explique Eric Woerth. Ces mesures permettraient de limiter la circulation intracommunautaire des cigarettes.
Par ailleurs, les moyens de contrôle des douanes doivent être renforcés "de manière proportionnelle aux recettes supplémentaires perçues sur la vente des produits du tabac suite à la hausse des prix" estime le président de la commission des finances qui voudrait également la mise en place d’une plateforme européenne de notification des achats réalisés par les particuliers dans un autre pays et dépassant les seuils d’importation autorisés, afin de permettre aux douanier de cibler leurs contrôles sur des zones plus précises.
Un régime de sanction plus dissuasif serait instauré en parallèle afin de dissuader davantage les faits de contrebande. Enfin, le rapport plaide pour que le fond d’aide aux buralistes qui dont la prolongation est déjà prévue au-delà de 2022 soit en plus majoré dans les départements transfrontaliers.