Mineurs non accompagnés : les députés votent en faveur d'une loi instaurant une "présomption de minorité"

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par Maxence Kagni, le Jeudi 11 décembre 2025 à 18:00, mis à jour le Jeudi 11 décembre 2025 à 18:30

L'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, la proposition socialiste "visant à protéger les mineurs isolés et à lutter contre le sans-abrisme". Le Rassemblement national a reproché aux députés de la Droite républicaine de ne s'être pas suffisamment mobilisés pour contrer le texte. 

Les députés de gauche se sont levés pour applaudir et saluer l'issue du scrutin : l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, ce jeudi 11 novembre, la proposition de loi "visant à protéger les mineurs isolés et à lutter contre le sans-abrisme" (144 pour, 100 contre). Le texte, qui instaure notamment "une présomption de minorité", avait pourtant été rejetée la semaine dernière en commission. Dans sa version votée aujourd'hui, il prévoit aussi de supprimer les tests osseux pour déterminer l'âge des mineurs non accompagnés.

Une présomption de minorité

La proposition de loi était défendue par Emmanuel Grégoire, dans le cadre de la "niche parlementaire" du groupe Socialistes : "Il y a 350.000 personnes qui sont en situation de rue, plus de 2000 enfants passent leur nuit dehors", a expliqué le député, qui est aussi candidat à la mairie de Paris. 

Son texte propose de maintenir dans l'accueil provisoire d'urgence les jeunes personnes isolées, dont la demande de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) a été refusée car elles ont été considérées comme étant majeures lors de l'évaluation organisée par les services départementaux. Ce maintien dans l'accueil provisoire d'urgence serait maintenu jusqu'à l'intervention d'une décision de justice définitive.

"Une part importante des enfants qui demandent une prise en charge de l'ASE et qui se voient opposer un refus seront in fine reconnus mineurs et isolés par la justice, donc nous laissons dormir des enfants dormir sous les ponts", a argumenté Emmanuel Grégoire en présentant sa proposition de loi.

L'abandon des tests osseux

Les députés ont modifié le texte en y apportant deux dispositions supplémentaires : 

  • Une scolarisation du jeune non accompagné "dès son arrivée en France", "même s'il doit par ailleurs faire reconnaître cette minorité dans une longue procédure devant le juge des enfants",
  •  l'interdiction des tests osseux pour déterminer l'âge des mineurs non accompagnés.

Ces méthodes de tests osseux ou d'examens dentaires "sont scientifiquement contestées, elles ne sont pas fiables, elles sont intrusives, elles sont attentatoires à la dignité", a notamment déclaré Danielle Simonnet (Ecologiste et Social).

Le gouvernement s'est opposé au texte

Le gouvernement n'a pas apporté son soutien au texte, la ministre déléguée chargée de l'Autonomie et des personnes handicapées, Charlotte Parmentier-Lecocq, évoquant "des risques de rigidification du système et de saturation des dispositifs de mise à l'abri". La ministre estime que la proposition de loi socialiste constitue "une incitation forte" à effectuer un recours pour le jeune non accompagné puisqu'il pourra conserver par ce seul fait le bénéfice de son hébergement d'urgence.

Lors des débats, Charlotte Parmentier-Lecocq a indiqué que le gouvernement souhaitait plutôt augmenter le nombre de juges pour enfants et "continuer à améliorer la prise en charge par l'hébergement d'urgence généraliste à partir du moment où la personne a été reconnue majeure". La ministre a également rappelé que le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, et la ministre de la Santé et des Familles, Stéphanie Rist, allaient bientôt présenter un projet de loi de "refonte de la protection de l'enfance".

Très impliquée sur la question de la protection de l'enfance, Perrine Goulet (Les Démocrates) a, quant à elle, insisté sur la nécessité de réduire les délais juridictionnels, aujourd'hui "excessifs, indignes".

Le Rassemblement national critique la Droite républicaine

S'opposant vivement à la proposition de loi, Marine Hamelet (Rassemblement national) a fustigé un texte qui, selon elle, a pour objectif de "faire financer par le contribuable français l'hébergement d'étrangers clandestins qui se prétendent non accompagnés alors même qu'ils ont été déboutés". Tandis que Josiane Corneloup (Droite républicaine) a évoqué le risque de "créer un appel d'air encourageant l'immigration illégale de personnes cherchant à avoir accès aux aides sociales destinées aux mineurs".

Des propos dénoncés par Marie Mesmeur (La France insoumise) : "Vous préférez laisser des enfants à la rue plutôt que de prendre le risque d'héberger des jeunes majeurs étrangers.

Je ne crois pas qu'à 18 ans et un jour on mérite plus de dormir sous un pont qu'à 18 ans moins un jour. Emmanuel Grégoire

De son côté, Théo Bernhardt (Rassemblement national) a directement interpellé les députés du groupe Droite républicaine, qu'il a qualifiés d'"arnaque et d'escroquerie" en raison de leur faible mobilisation lors du débat : "Vous aviez un amendement de suppression de l'article, vous n'étiez même pas là pour le défendre", a dénoncé l'élu RN, qui a rappelé que le texte avait été rejeté en commission.

Constatant qu'ils étaient minorité, le Rassemblement national et l'Union des droites pour la République ont tenté de ralentir les débats par deux demandes de suspension de séance. En vain. Cette proposition de loi ne fait cependant que commencer son parcours législatif. Pour le poursuivre, elle devra maintenant être examinée au Sénat.