"Moment politique inédit", "grand flou", "coup de force"... à l'Assemblée, commentaires et réactions en attendant la nomination d'un Premier ministre

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L'hémicycle de l'Assemblée nationale en octobre 2012
L'hémicycle de l'Assemblée nationale en octobre 2012 (© Flickr / PS)
par Léonard DERMARKARIAN, le Mercredi 28 août 2024 à 17:28

Alors que le président de la République doit nommer un Premier ministre dans les prochains jours, LCP donne la parole à des députés de tous bords pour connaître leur analyse de la situation politique.

Après un premier tour de consultations infructueux et le rejet de l'"option" du Nouveau Front populaire à Matignon par Emmanuel Macron, le président de la République a entrepris de nouvelles consultations pour former un gouvernement. Dans l'attente d'une nomination d'un Premier ministre, LCP est allé à la rencontre de députés de tous bords, partageant leur analyse de la situation politique.

Benjamin Haddad (EPR) : "Il va falloir se mettre autour de la table, négocier"

Benjamin Haddad est député "Ensemble pour la République" de Paris.

Comment décrire le moment politique ?

C’est un moment politique inédit. Il exige de faire ce que font nos voisins ; des compromis, des coalitions, de voir un peu plus loin de son propre horizon politique. Cela met du temps, c’est compliqué. En Allemagne il y a quelques années, ça a mis 6 mois alors que pourtant le pays est habitué aux négociations et aux compromis. Mais l’intérêt national du pays l’exige.

Qui est responsable du blocage ?

Au fond on prend acte du résultat des élections législatives. Les Français ont décidé de ne donner la victoire à personne. Je constate qu’une force politique, le NFP et en particulier la France Insoumise, tente un coup de force en voulant imposer un gouvernement qui n’est absolument pas majoritaire et qui est rejeté par la majorité absolue des parlementaires. Maintenant ils parlent de prendre la rue, de manifester pour s’imposer.

Comment sortir de l’impasse ?

Il va falloir se mettre autour de la table, négocier. Nous sommes prêts à le faire, à travailler avec le centre gauche, le centre droit et évidemment à faire des compromis pour faire avancer le pays. On a fait des propositions avec Gabriel Attal (président du groupe Ensemble Pour la République et Premier ministre démissionnaire) sur la transition écologique, sur la revalorisation du travail, sur le fonctionnement des services publics, sur l’Europe..

Évidemment, ce n’est pas à prendre ou à laisser. On sent qu’à gauche il y a un désir de justice sociale, d’investissements plus forts dans la transition écologique, de revalorisation des salaires qui est parfaitement légitime. On entend aussi à travers le pays une demande d’autorité et de fermeté sur les questions régaliennes et l’immigration. Sur tous ces sujets il faut qu’on puisse se mettre autour de la table et travailler avec les socialistes, avec les républicains, au-delà des questions de castings et de personnes.

Quelle personnalité pour Matignon ?

Je crois qu’il faut une personnalité qui soit respectée des Français. Qu’elle vienne de la gauche ou de la droite au fond n’est pas vraiment le sujet, il faut pouvoir parler à tous les Français au-delà des logiques partisanes. Le plus important ce sera le fond, obtenir rapidement des résultats et monter que nous sommes capables d’avancer sans faire de la politique politicienne.

Anne-Laure Blin (Droite républicaine) : "Tout est suspendu, on ne peut pas attendre plus longtemps, il y a des urgences"

Anne-Laure Blin est députée "Droite Républicaine" du Maine-et-Loire, porte-parole du groupe.

Comment décrire le moment politique ?

C’est le grand flou, la grande incertitude. Le fait qu’il n’y ait pas de gouvernement fait que beaucoup de dossiers sont suspendus. On le voit sur le terrain ; tout est à l’arrêt, les forces économiques sont pétrifiées. Les entrepreneurs, les investisseurs ont besoin de savoir de quoi demain sera fait sinon ils ne peuvent pas faire de projet. Tout est suspendu, on ne peut pas attendre plus longtemps, il y a des urgences.

Qui est responsable du blocage ?

Emmanuel Macron, sans aucun doute ! Il a pris la décision de dissoudre seul, on aurait pu imaginer qu’il avait une stratégie et manifestement il n’en a pas. Il place nos institutions dans une forte instabilité, ce qui est particulièrement dangereux. Les Français sont dans l’attente et Emmanuel Macron n’a manifestement pas compris qu’ils attendaient des changements. Nous sommes dans l’impasse. Il manque un cap, une vision. Quelle est la vision d’Emmanuel Macron pour les prochaines semaines, les prochains mois, les prochaines années ?

Comment sortir de l’impasse ?

Il faut que le président de la République détermine des priorités. Nous la "Droite républicaine", avons mis sur la table dès début juillet nos propositions issues des préoccupations entendues pendant la campagne. Il y a deux priorités : le travail et la sécurité. Il faut revaloriser le travail face à l’assistanat grandissant. Les Français ont l’impression de travailler sans percevoir le fruit de leurs efforts, il faut redonner un sens au travail. Et puis nous avons vu un pays qui est face à une grande insécurité, un manque d’autorité. Nous lui avons donné un cap, à lui de trancher.

Quelle personnalité pour Matignon ?

Aucune ! Ce n’est pas à nous de choisir, c’est au président de la République. Au-delà du casting c’est le fond qui compte. Dans mon territoire on ne me dit pas "il faut absolument que X, Y ou Z soit Premier ministre", on veut du changement.

Hadrien Clouet (LFI) : "Une série de coups de force successifs"

Hadrien Clouet est député "La France insoumise" de Haute-Garonne.

Comment définir le moment politique ?

C’est un coup de force ! En 1964, François Mitterrand écrivait « Le Coup d’état permanent », nous y sommes. Monsieur Macron utilise tout ce qui est à la discrétion du président de la République dans la Constitution pour aller jusqu’à refuser le résultat d’une élection, ce qui est nouveau. Ses prédécesseurs n’avaient jamais osé le faire.

Qui est responsable du blocage ?

Un responsable : Emmanuel Macron. Il a organisé une dissolution surprise qui avait pour but de mettre l’extrême droite au pouvoir. L’idée, c’était de nommer Jordan Bardella à Matignon pour l’user, mais il y a eu une mobilisation populaire générale. L’extrême droite a été balayée, le NFP a remporté les élections, mais dès le lendemain, les macronistes ont expliqué que personne n’avait gagné. Ils sont dans les magouilles pour rester au pouvoir alors qu’ils ont perdu. C’est une série de coups de force successifs.

Comment sortir de cette impasse ?

Il y a trois options : Castets, censure ou destitution.

  • Option numéro 1 : Monsieur Macron, frappé par la grâce, revient à des dispositions républicaines et décide de nommer Lucie Castets à Matignon.
  • Option numéro 2 : Monsieur Macron se connecte sur LinkedIn. Il fait tourner tous les macronistes du pays à Matignon. Ils tomberont les uns après les autres car l’Assemblée votera la censure. Retour à l’option une. 
  • Troisième et dernière option : Nous engageons une procédure de destitution contre le président de la République. Il a le droit de dissoudre l’Assemblée. En retour, le Parlement a le droit de destituer Emmanuel Macron.

Quelle personnalité pour Matignon ?

Lucie Castets. En tout cas, nous souhaitons une personne qui a gagné les élections. De fait, ça élimine tous les amis de Monsieur Macron.

Avec Elsa Mondin-Gava et Marco Paumier.