Pauvreté, précarité étudiante... La déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté auditionnée à l'Assemblée

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Capture d'écran LCP
par Ariel Guez, le Mardi 2 février 2021 à 18:01, mis à jour le Vendredi 12 février 2021 à 13:40

Au-delà des conséquences sanitaires, l'épidémie de Covid-19 a aussi des conséquences en matière économique et sociale notamment pour les Français les plus fragiles. C'est dans ce contexte que la déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté,  Marine Jeantet, a été auditionnée par les députés. Au cours de cette audition, elle s'est notamment montrée défavorable à l'ouverture du RSA aux jeunes de moins de 25 ans. 

Une file interminable d'étudiants qui attendent pour recevoir une aide alimentaire. C'est l'image, captée à Paris par le média en ligne Brut, le 28 janvier 2021. Alors qu'au-delà des conséquences sanitaires, l'épidémie de Covid-19 a aussi des conséquences économiques et sociales, la précarité étudiante s'est invitée dans le débat public ces dernières semaines. Au point que l'exécutif a annoncé de nouvelles mesures, dont la mise à disposition de repas à un euro dans les restaurants universitaires pour tous les étudiants. Pas suffisant pour de nombreux syndicats étudiants, associations, collectifs et responsables politiques qui plaident pour des mesures plus fortes. Au premier rang de leurs revendications : l'ouverture du RSA aux jeunes de moins de 25 ans. 

Les jeunes qui ont "vraiment besoin d'un soutien monétaire" sont une "petite minorité"

Mi-janvier, sur le plateau de BFM TV, le ministre de l'Économie disait "non." Pour Bruno Le Maire, quand on a "18 ans, ce qu'on veut, c'est un travail. On veut une rémunération de son travail, on ne veut pas une allocation". Deux semaines plus tard, devant les députés de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, la déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté, Marine Jeantet, s'est elle aussi montrée défavorable à une telle mesure. Selon elle, une "allocation de soutien monétaire à tous les jeunes n'est pas forcément justifiée.

Nommée en mars 2020, quelques jours avant le premier confinement, Marine Jeantet a été chargée de poursuivre la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Aujourd'hui, pour elle, cette stratégie ne nécessite pas une allocation pour tous les jeunes. 

Une allocation de soutien monétaire à tous les jeunes n'est pas forcément justifiée

Répondant à plusieurs députés dont Adrien Quatennens (La France insoumise), la déléguée interministérielle explique qu'il ne faut pas voir les 18-25 ans comme un bloc homogène. "Il faut les segmenter selon leurs typologies", assure Marine Jeantet. La médecin spécialiste en santé publique veut se faire la porte-parole "des jeunes très précaires, qui n'ont pas de syndicats étudiants pour se faire entendre dans les journaux".

Selon elle, ces jeunes très précaires ne sont pas si nombreux. "Je pense qu'il y a une proportion de jeunes qui ont vraiment besoin de ce soutien monétaire et qui sont une petite minorité", dit-elle devant les députés. Son principal argument ? Les soutiens et transferts intra-familiaux, "dans tous les milieux." En moyenne, les jeunes bénéficient de 250 € par mois de leurs parents, assure la déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté. 

"Il y a beaucoup de jeunes qui ont des moyens de transfert et il faut faire attention que ce soit acceptable par l'ensemble de la population. Quand vous discutez autour de vous, ça ne fait pas l'unanimité", reconnaît immédiatement Marine Jeantet. "On a tous connu des gens qui bénéficiaient des APL alors qu'ils avaient des parents qui auraient très bien pu payer leur loyer. Tandis qu'il était essentiel pour d'autres d'avoir des APL", donne comme exemple la déléguée interministérielle à lutte contre la pauvreté.

"Le diable se cache dans les détails", résume Marine Jeantet, qui indique aussi que le financement d'un RSA jeune pourrait se chiffrer à environ 14 milliards d'euros. 

Vers un rapport en 2021 sur le revenu universel d'activité (RUA) ?

En revanche, Marine Jeantet a laissé ouverte la porte à une avancée concernant le revenu universel d'activité (RUA). Ce dispositif "devra être un filet de sécurité adapté aux réalités des citoyens en situation de vulnérabilité. Il devra leur apporter un soutien financier, être lisible pour tous, être incitatif et accompagner la reprise d'une activité. Enfin, il devra permettre de lutter contre le non-recours aux aides sociales", explique le site à ce sujet du gouvernement. 

Les travaux ont été interrompus lors du confinement, mais ils ont repris à l'automne, explique la déléguée interministérielle. "On va essayer de produire un rapport qui va capitaliser sur tout ce qui a été fait depuis 18 mois", révèle Marine Jeantet, qui plaide pour que ce travail, "qui dressera les différentes options possibles afin d'alimenter le débat", soit rendu public. "Je pense qu'il faut absolument lever des regards dogmatiques d'un côté comme de l'autre", justifie-t-elle.

Combien de pauvres en France ? Marine Jeantet conteste le chiffre de dix millions

Dans les médias, lorsque le sujet de la précarité ou de la pauvreté est évoqué, le nombre de dix millions de pauvres en France est régulièrement avancé. Il s'agit d'une estimation réalisé en novembre 2020 par le Secours catholique, une association reconnue d'utilité publique. Mais "le chiffre de dix millions de pauvres n'est absolument pas validé", assure Marine Jeantet. Selon la déléguée interministérielle à la lutte contre la pauvreté, qui cite Le Monde et non le Secours catholique, ce chiffre "a été sorti un peu comme ça, sans que ce soit étayé."

Marine Jeantet ne conteste pas une hausse de la pauvreté en 2020, y compris chez les jeunes. Au contraire, dans son propos liminaire, elle a longuement détaillé l'impact de la crise sur de nombreux secteurs. La déléguée interministérielle estime cependant qu'il "faut être prudent dans les chiffres qui sont cités. Pour l'instant, ce chiffre là n'est pas étayé.

Des propos qui ont suscité quelques réactions dans la salle de la commission des affaires sociales (voir vidéo ci-dessous). "Quand une association comme le Secours Catholique dit qu'on franchit la barre des dix millions, j'ai plutôt tendance à la croire", a notamment répondu Guillaume Chiche, député LaREM. Surtout, l'élu des Deux-Sèvres a rappelé "qu'aucun chiffre objectif nous permet d'annoncer une baisse de la pauvreté" après bientôt un an de crise sanitaire.