Pierre Moscovici : "Des baisses d'impôts qui ne sont pas financées, c'est une augmentation des déficits"

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par Soizic BONVARLET, le Mercredi 10 mai 2023 à 13:44, mis à jour le Mercredi 10 mai 2023 à 15:29

Alors que le débat d’orientation et de programmation des finances publiques aura lieu ce mercredi 10 mai, à partir de 15h, dans l'hémicycle, Pierre Moscovici était auditionné hier à l'Assemblée nationale en tant que président du Haut Conseil des finances publiques.

Ayant pour objectif d'exposer les prévisions de croissance et la trajectoire de finances publiques que le gouvernement s'est fixées à l'horizon 2027, le programme de stabilité fait chaque année l'objet d'une évaluation du Haut Conseil des finances publiques, présidé par Pierre Moscovici. Si ce dernier a relativisé la dégradation de la note de la dette souveraine de la France par l'agence Fitch, il a jugé le scénario du gouvernement quelque peu "optimiste" et alerté sur les conséquences de la politique de baisse des impôts menée depuis 2017.

Des prévisions de croissance optimistes et une inflation sous-estimée

Établie à 1,7% par an en moyenne, la prévision de croissance sur laquelle le gouvernement fonde le pacte de stabilité a été jugée "élevée" par Pierre Moscovici. Le président du Haut Conseil des finances publiques a évoqué un scénario qui reposerait sur des gains de productivité "sensiblement plus élevés que ce que laissent attendre les tendances récentes". Il a, par ailleurs, indiqué que cette fourchette haute supposerait que les effets des réformes du marché du travail, à savoir celles des retraites et de l'assurance chômage, compenseraient intégralement l'évolution de la population active projetée par l'INSEE, et jugé l'impact de ces réformes "surestimé" par le gouvernement.

Même s'il est très probable que l'inflation commencera à diminuer courant 2023, le reflux attendu par le gouvernement paraît rapide. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques

De même, sur les prévisions d'inflation, Pierre Moscovici a jugé que l'exécutif péchait par optimisme. Ce dernier se fondant sur un taux qui ralentirait à 4,9% en 2023, puis à 2,6% en 2024, le président du Haut Conseil a pour sa part estimé que "même s'il est très probable que l'inflation commencera à diminuer courant 2023, le reflux attendu par le gouvernement paraît rapide". "Si bien que l'inflation paraît un tantinet sous-estimée", en a aussi conclu l'ancien locataire de Bercy.

Une baisse de la pression fiscale trop peu compensée

Interrogé sur les effets de la dégradation de la note de la France de AA à AA- par l'agence Fitch le 28 avril dernier, Pierre Moscovici a estimé que cette note restait somme toute "convenable", mais qu'elle constituait une "alerte", ne devant pas rester sans conséquences sur les politiques publiques à mener. Préférant au terme d'"austérité" celui de "marges de manœuvre", il a évoqué de la part de la France une politique "moins volontariste" en termes de trajectoire de finances publiques que celles menées par la plupart de ses voisins européens.

Nous n'avons pas de marges de manœuvre (...) Des baisses d'impôt qui ne sont pas financées c'est une augmentation du déficit (...) Ce n'est pas un signal que l'on attend de l'économie française. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques

En outre, alors que l'exécutif revendique une politique de baisse de la fiscalité depuis 2017 en faveur des ménages et des entreprises, avec notamment la diminution de la taxe sur les sociétés et des impôts de production, Pierre Moscovici a considéré que cette baisse de la pression fiscale n'avait pas été suffisamment compensée. "Nous n'avons pas de marges de manœuvre" a-t-il aussi martelé. "Des baisses d'impôts qui ne sont pas financées c'est une augmentation des déficits. Et ce n'est pas le signal que l'on attend de l'économie française", a indiqué le président du Haut Conseil, avant de conclure devant les députés : "Cela n'interdit pas de faire des baisses d'impôt, mais il faut les financer, les compenser, par une baisse de la dépense concomitante, par une hausse d'autres impôts, à vous de le dire".