Pierre Moscovici : "Se désendetter, ce n'est pas de gauche, ce n'est pas de droite : c'est dans l'intérêt général"

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Pierre Moscovici LCP 15/07/2024
Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, sur LCP, le 16 juillet 2024 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mardi 16 juillet 2024 à 13:45, mis à jour le Mardi 16 juillet 2024 à 13:50

Invité de LCP ce lundi 15 juillet, le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a dressé un bilan préoccupant des finances publiques, appelant l'ensemble des forces politiques susceptibles de gouverner à faire de l'objectif de réduction de la dette une priorité.

Réduire la dette, un "impératif" qui s'impose à tous. Donc au prochain gouvernement. Tel est le message qu'est venu porter Pierre Moscovici, lundi 15 juillet, sur LCP. Invité de "Ça vous regarde", le premier président de la Cour des comptes l'a dit et répété dans plusieurs médias hier : sans être catastrophique, la situation des finances publiques s'avère préoccupante. Invité à évaluer l'inquiétude à avoir à propos des finances publiques françaises sur une échelle de 1 à 10, Pierre Moscovici a répondu "7 ou 8".

La dette publique atteint désormais 3 100 milliards d'euros, établit la Cour des comptes dans un rapport publié ce même lundi 15 juillet. Soit 700 milliards d'euros de plus qu'en 2019, c'est-à-dire avant l'épidémie de Covid et la guerre en Ukraine, pour atteindre 110% du PIB, ce qui fait de la France le troisième pays le plus endetté de la zone euro. La charge de la dette - les efforts consentis pour rembourser les intérêts de la dette publique chaque année - atteint désormais 53 milliards et pourrait dépasser les 100 milliards d'euros à moyen terme. "C'est-à-dire que pour la première fois dans notre histoire, cela pourrait devenir le premier budget de notre pays", a alerté Pierre Moscovici.

"Ni de gauche, ni de droite"

Le haut fonctionnaire a donc appelé l'ensemble des forces politiques susceptibles de gouverner à s'emparer de l'objectif de réduction de la dette. "Que le gouvernement soit de droite, de gauche, de coalition entre les uns et les autres, il ne peut pas ignorer la question des finances publiques", a-t-il déclaré, ajoutant : "Se désendetter, ce n'est pas de gauche, ce n'est pas de droite : c'est dans l'intérêt général."

Et d'illustrer son message par ce raisonnement : "Si on est autant endetté que ça, on ne peut rien faire. Pas de sécurité si on est de droite, d'éducation ou de justice sociale. C'est l'étranglement." Le prochain gouvernement devra en tout cas établir une nouvelle trajectoire de désendettement à transmettre à la Commission européenne, puisque 2023 ayant été "une très mauvaise année en matière de finances publiques" avec un déficit public qui s’est établi à 5,5 points de PIB, la précédente trajectoire est devenue caduque. 

"Jouer sur différents leviers"

Comment répondre à cette problématique sans tomber dans une politique d'austérité qui minerait les perspectives de croissance ? La Cour des comptes délivre quelques pistes de réflexion, tout en rappelant que ce sera au Parlement et à l'exécutif de trancher.

"Il y a trois façons de réduire un déficit : la croissance - et on ne peut pas y toucher -, les impôts et les dépenses", a rappelé Pierre Moscovici. En matière fiscale, il a estimé qu'on pouvait "jouer sur plusieurs leviers". "Je pense qu'on ne peut pas augmenter considérablement le taux de prélèvement obligatoire, car les classes moyennes ne s'attendent pas à ce qu'on les matraque fiscalement", a-t-il cependant estimé.

Quid des dépenses publiques, qui représentent 56% de notre PIB, soit le "taux le plus élevé du monde" ? Loin du "coup de rabot", le premier président de la Cour des comptes appelle à "jouer sur la qualité de la dépense publique". "Quand on soulève le capot, on se rend compte que certaines politiques publiques sont efficaces, d'autres qui ne le sont pas, certaines qui sont justes et d'autres qui ne le sont pas." Un travail de "marqueterie", qu'il convient de mener en "tapant en premier lieu sur les dépenses inefficaces". "Et il y en a", a conclu Pierre Moscovici, appelant à un "effort partagé" entre l'Etat, la Sécurité sociale et les collectivités territoriales.