Projet de loi d'orientation agricole : Que contient le texte définitivement adopté par le Parlement ?

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Champ blé agriculture Pixnio
Un champ de céréales (© Pixnio)
par Raphaël Marchal, le Vendredi 21 février 2025 à 17:31

Les députés et les sénateurs ont définitivement adopté, cette semaine, le projet de loi "d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture" en validant l'accord qui avait été élaboré entre les deux Chambres du Parlement en commission mixte paritaire. Cette loi, conçue pour répondre à une partie des revendications exprimées lors de la crise agricole de l'hiver 2024, confère notamment à l'agriculture le caractère d'"intérêt général majeur".

C'était l'objectif du gouvernement. Obtenir l'adoption définitive du projet de loi "d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture" avant l'ouverture du Salon de l'agriculture. C'est chose faite. Et c'est donc un soulagement pour l'exécutif.

Après une gestation compliquée, la colère agricole de l'hiver 2024 ayant obligé le gouvernement d'alors à revoir sa copie, puis un processus législatif retardé par la dissolution de l'Assemblée nationale et la chute du gouvernement Barnierle texte a été entériné par le Parlement cette semaine. Après une commission mixte conclusive en début de semaine, le compromis élaboré entre députés et sénateurs en CMP a été validé au Palais-Bourbon mercredi 19 février et au Palais du Luxembourg jeudi 20 février. Deux jours avant l'ouverture annuelle de la plus grande ferme de France, ce samedi 22 février, à Paris.

[Nous tournons] la page des années noires de notre agriculture, pour qu’un vent d’espoir et d’ambition souffle à nouveau dans les cours de la ferme France. Annie Genevard (ministre de l'Agriculture)

"La loi d'orientation agricole est définitivement adoptée, les engagements pris par l’Etat sont tous tenus !", s'est félicitée la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, ajoutant : "En votant ce texte, nous consacrons le caractère d’intérêt général majeur de notre agriculture, fondement de notre prospérité. Le cadre est désormais posé pour la reconquête de notre souveraineté alimentaire".

De nombreuses dispositions ajoutées au Sénat, où la droite et le centre sont majoritaires, ont été conservées dans le texte final, au grand dam des parlementaires de gauche qui ont déploré des reculs environnementaux. La député Aurélie Trouvé (La France insoumise) a fustigé une loi qui "propulse la France trente ans en arrière, au XXe siècle", qui "coupe à la tronçonneuse des protections environnementales durement acquises". Digne de la politique de "l’ultralibéral Javier Milei", le président argentin, en mettant la faute sur les normes, a-t-elle fustigé.

"Un produit de marketing législatif à vendre au Salon, pour rassurer les troupes", a cinglé Mélanie Thomin (Socialistes), tandis que sa collègue Marie Pochon (Ecologiste et social) brocardait un projet de loi "dangereux, à force de déployer tant d’énergie à poursuivre le détricotage entamé du droit de l’environnement".

Nous sommes dans un moment trumpien. [...] Cette loi s’inscrit dans la bataille de la droite contre les normes. Dominique Potier (Socialistes)

"Il est inexact d’affirmer que le Sénat a imposé ses vues. Cela n’intéresse d’ailleurs personne, ni les agriculteurs, ni les autres citoyens", leur a opposé le rapporteur du texte Pascal Lecamp (Les Démocrates), qui a souligné la réintroduction de l’objectif de consacrer 21 % de la surface agricole au bio en 2030. "Il n’était question en aucune manière d’écarter le droit de l’environnement, mais de lever des contraintes inutiles ou disproportionnées", a ajouté l'élu.

La ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, a également longuement salué les mesures contenues dans ce projet de loi "très attendu" par le milieu agricole : "Nous sèmerons les premières graines de la reconquête de notre souveraineté alimentaire. Les Français peuvent en être sûrs : elles germeront."

La "non-régression de la souveraineté alimentaire"

Le texte consacre ainsi le principe de "non‑régression de la souveraineté alimentaire", miroir de la "non-régression environnementale" déjà inscrite dans une loi précédente. Il préconise également de ne pas "interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne" en cas d'absence de solutions "économiquement viables". Les aménagements agricoles ne seront, par ailleurs, plus pris en compte dans l'objectif de "zéro artificialisation nette" (ZAN), tandis que les règles pour créer des stockage d'eau ont été assouplies.

Autre irritant pour la gauche : l'article 13, qui dépénalise les atteintes non intentionnelles à l’environnement, au profit d'un stage de sensibilisation ou d'une amende administrative de 450 euros maximum. "En aucune manière le texte n’accorde à nos agriculteurs je ne sais quel permis de détruire des espèces ou des espaces protégés. Le régime de protection reste plein et entier", s'est agacée la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, dénonçant des "contre-vérités parfaitement inacceptables". "Les industriels pourront émettre des rejets toxiques, les énergéticiens détruire une couleuvre d’Esculape, les chasseurs tirer un gypaète barbu plutôt qu’un sanglier, et tout cela ne sera pas grave", a grondé en réponse Marie Pochon (Ecologiste et social), qui a défendu, sans succès, une motion de rejet préalable.

Objectif 400 000 exploitations en 2035

En outre, la loi fixe un objectif de 400 000 exploitations en 2035, avec des mesures visant à favoriser l’installation des agriculteurs et les transmissions d’exploitation. Le texte prévoit notamment la création d'un "bachelor agro", diplôme de niveau bac + 3, ainsi que la mise en place d'un "guichet unique" au niveau des chambres d'agricultures pour gérer les installations et les transmissions d'exploitations.

Est également prévu un "diagnostic modulaire de l'exploitation agricole", censé accompagner les jeunes agriculteurs en leur fournissant des informations sur "la viabilité économique, environnementale et sociale" de leur projet. A compter de 2026, les agriculteurs d'au moins 59 ans qui cessent leur activité agricole pourront, par ailleurs, bénéficier, sous condition, d'une "aide au passage de relais" d'environ 1 000 euros par mois, jusqu'à la retraite.

De l'aveu même de nombre de ses défenseurs, la loi votée cette semaine n'a cependant pas vocation à répondre à l'ensemble des enjeux du monde agricole, notamment en matière de rémunération et de foncier. "Il s’agit d’une loi d’ajustement technique, et non d’une loi d’orientation agricole", a ainsi estimé Thierry Benoît (apparenté Horizons). D'autres textes, appelés à prospérer sur ce socle législatif, sont donc attendus à l'avenir.