L'Assemblée nationale a voté, en troisième lecture (293 voix "pour", 0 "contre"), la proposition de loi visant à "protéger le groupe EDF d'un démembrement", co-rapportée par les députés Philippe Brun (Socialistes) et Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine). Le texte - remanié après un accord avec le gouvernement et adopté dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Socialistes - repart désormais au Sénat en vue d'une adoption définitive.
Voilà un texte qui a évolué au fil des navettes parlementaires et des opportunités stratégiques : un an après le début de l'examen de la proposition de loi visant à "protéger le groupe EDF d'un démembrement", l'Assemblée nationale a adopté, en troisième lecture, un texte remanié, fruit d'un "équilibre" trouvé avec le gouvernement, selon les co-rapporteurs Philippe Brun (Socialistes) et Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine).
Le texte avait pour ambition initiale de nationaliser le groupe EDF pour contrer une éventuelle relance du projet de réorganisation de l'entreprise - le "projet Hercule", tandis que le gouvernement a toujours assuré que celui-ci n'était plus d'actualité. Par pragmatisme, cet objectif a progressivement été abandonné, afin de parvenir à un texte pouvant être voté par l'Assemblée nationale, ainsi que par le Sénat, et prévoyant notamment d'aider les artisans, commerçants, petites entreprises et collectivités touchés par la hausse des prix de l'électricité. Après une longue bataille parlementaire, parfois très tendue, sur cette proposition de loi, un compromis a finalement été trouvé avec le gouvernement, ce qui a permis son adoption à l'unanimité, jeudi 29 février, dans la cadre de la journée d'initiative du groupe Socialistes.
L'objectif initial des deux co-rapporteurs était, comme nous l'indiquions au sortir de son examen en commission mi-février, d'obtenir à l'Assemblée un vote conforme à la version du texte votée en deuxième lecture au Sénat, ce qui aurait permis son adoption définitive.
Mais avant la troisième lecture au Palais-Bourbon, Philippe Brun et Sébastien Jumel ont finalement opéré un changement de stratégie, annoncé lors d'une conférence de presse, jeudi matin, juste avant les débats dans l'hémicycle. Lors de cette conférence de presse à laquelle Alma Dufour (La France insoumise) et Christine Arrighi (Ecologiste) étaient également présentes, ils ont fait part d'un risque d'inconstitutionnalité, brandi par le gouvernement, concernant des dispositions relatives à l'actionnariat salarié et à la situation d'Enedis.
Indiquant avoir "entendu l'argument", Philippe Brun a expliqué que le texte allait évoluer sur deux aspects : d'abord, les dispositions relatives à l'actionnariat salarié dans le capital d'EDF - auxquelles le gouvernement et la majorité étaient hostiles - devenaient optionnelles. Ensuite, les dispositions relatives au capital d'Enedis, que le texte souhaitait sanctuariser au sein du groupe EDF pour éviter sa privatisation, ont été retirées.
En retour de ces "concessions", le gouvernement a indiqué qu'il soutiendrait le texte et qu'il l'inscrirait sur son ordre du jour, le 3 avril, au Sénat. "Nous nous réjouissons que le gouvernement plie le genou face au Parlement", s'est satisfait Philippe Brun, tandis que Sébastien Jumel a salué, lors de son intervention à la tribune, une "loi humble" et un "premier pas".
L'accord entre le gouvernement et les co-rapporteurs a été salué par les groupes de la majorité (Renaissance, Démocrate, Horizons), se décidant donc, eux aussi, à soutenir la proposition de loi après l'avoir rejetée en première et deuxième lecture. Emmanuel Lacresse (Renaissance) s'est ainsi félicité de "la façon dont nous avons défendu EDF, [qui] est un acquis du groupe Renaissance et de la majorité". Du côté du Rassemblement national, le député Alexandre Sabatou a, au contraire, critiqué un "petit arrangement" entre co-rapporteurs et gouvernement, sans que son groupe ne s'oppose toutefois à l'adoption du texte.
Mis aux voix, la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité (293 voix "pour", 0 voix "contre"). Cette adoption en troisième lecture à l'Assemblée nationale, dans une version modifiée, sera donc suivie d'une nouvelle lecture au Sénat qui devrait, cette fois, déboucher sur une adoption définitive de la proposition de loi. Si aucune modification n'est apportée par les sénateurs.