Protection des agents du service public : les députés valident la création d'un délit de séparatisme

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Une affiche rendant hommage à Samuel Paty, en novembre 2020 à Paris
Une affiche rendant hommage à Samuel Paty, en novembre 2020 à Paris
Thomas COEX / AFP
par Raphaël Marchal, le Jeudi 4 février 2021 à 23:17, mis à jour le Vendredi 5 février 2021 à 09:50

Les députés poursuivent l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Ils ont notamment adopté, à l'unanimité, jeudi soir, l'article 4 du texte, qui crée un délit de "séparatisme" à l'égard des personnes qui menacent ou violentent des agents du service public ou des élus dans le but de se soustraire aux règles du service public. Il s'agit de l'une des dispositions introduites à la suite de l'assassinat terroriste de Samuel Paty.

L'une des dispositions phares du projet de loi confortant le respect des principes de la République était soumise à l'examen des députés, dans la soirée du jeudi 4 février. L'article 4 du texte a été adopté à l'unanimité. Il crée un délit de "séparatisme", notion qui a longtemps été présente dans le titre de la loi avant que l'exécutif ne change d'avis.

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Ce délit, puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, est prévu à l'encontre de toute personne qui menace, violente ou intimide un agent dans le but de se soustraire aux règles des services publics. Il peut s'agir d'un homme qui refuserait de se faire ausculter par une médecin en raison de son sexe, par exemple. Ce nouveau délit a été ajouté au texte à la suite de l'assassinat terroriste de Samuel Paty, enseignant tué à Conflans-Sainte-Honorine en octobre 2020, quelques jours après avoir donné un cours sur la laïcité.

Dans l'hémicycle, les débats ont surtout porté sur une disposition ajoutée en commission, qui permet à la hiérarchie de la victime de déposer plainte lorsqu'elle est témoin de tels actes. Initialement optionnelle, cette faculté a été rendue obligatoire par les députés, à condition que l'administration obtienne le consentement de l'agent concerné.

Cette ultime condition, ajoutée via un sous-amendement de la rapporteure, a exaspéré bon nombre de députés de l'opposition, qui auraient souhaité que l'administration puisse avoir les coudées plus franches dans certaines situations. Laurence Vichnievsky (MoDem) s'en est défendu, arguant que le dépôt de plainte pour autrui était suffisamment rare dans la procédure, et que le faire contre la volonté de la victime serait contraire aux règles. Bien que représentant un service public, "la victime directe reste l'agent", a-t-elle ajouté.

"L'idée, c'est que l'administration vienne en soutien", a également plaidé le ministre de la Justice. "Est-ce que dans ce pays, il faut systématiquement judiciariser ?", s'est interrogé Éric Dupond-Moretti, jugeant qu'une telle procédure ne s'imposait pas lors de toutes les situation.

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La déchéance de nationalité

Le même article prévoit par ailleurs, à titre de peine complémentaire, que la justice puisse prononcer une interdiction de paraître sur le territoire à l'encontre des étrangers qui se seraient rendus coupables de ce délit de séparatisme. Plusieurs élus ont souhaité, sans succès, durcir cette sanction. L'élu Les Républicains, Éric Ciotti, a ainsi souhaité que cette peine complémentaire ne soit pas optionnelle, mais automatique.

Jean-Christophe Lagarde a pour sa part proposé de pouvoir déchoir les citoyens Français qui se rendraient coupables de tels actes de leur nationalité. Le président du groupe UDI et indépendants a estimé nécessaire de "relancer le débat" autour de cette disposition, qui avait fait débat à lors du quinquennat de François Hollande. Le ministre de la Justice s'est contenté de remarquer à quel point cette mesure était "exhorbitante" pour sanctionner des "menaces".

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Une protection spécifique pour les enseignants

Les députés ont, par ailleurs, adopté l'article 4 bis, qui crée un délit d'entrave spécifique à la profession d'enseignant, puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros
d’amende. Cette disposition avait été introduite par un amendement d'Annie Genevard (Les Républicains) en commission, malgré les doutes du gouvernement. Dans l'hémicycle, le garde des Sceaux a d'ailleurs réitéré ses doutes sur l'écriture de l'article et a regretté qu'il n'ait pas été possible de parvenir à un accord sur cette mesure.

L'article 5, qui prévoit d'étendre le dispositif de signalement à la disposition des agents du service public qui s’estimeraient victimes de violence, de discrimination ou de harcèlement, a pour sa part été adopté à l'unanimité.