Réforme des retraites : au terme d'une séance houleuse, l'Assemblée vote l'extinction des principaux régimes spéciaux

Actualité
par Raphaël Marchal, le Vendredi 10 février 2023 à 14:53, mis à jour le Lundi 13 février 2023 à 11:22

L'Assemblée nationale a adopté l'article premier de la réforme des retraites qui prévoit la suppression des principaux régimes spéciaux pour les nouveaux entrants. Le scrutin a eu lieu au terme d'une séance marquée par des échanges particulièrement tendus et de fréquents éclats de voix. 

Au quatrième jour d'examen de la réforme des retraites, les députés ont adopté par 181 voix contre 163, l'article premier du projet de loi. En l'occurrence, la suppression des régimes spéciaux qui s'appliquent pour les industries électriques et gazières, la RATP, les clercs et employés de notaire, la Banque de France et le Conseil économique, social et environnemental (Cese), à compter du 1er septembre 2023. Cette extinction concernera uniquement les nouveaux entrants, dans le respect de la "clause du grand père".

Au cours de la semaine, l'examen de cet article a donné lieu à de nombreux affrontements verbaux, surtout entre les élus de la Nupes et ceux de la coalition présidentielle. A l'image de la séance de ce vendredi 10 février, émaillée de nombreuses passes d'armes et de 15 rappels au règlement. Un petit quart d'heure après le début des débats, Hélène Laporte (Rassemblement national), qui présidait la séance, a procédé à un premier appel au calme, constatant le brouhaha qui régnait dans l'hémicycle à chaque fois qu'un orateur tentait de prendre la parole.

Elisabeth Borne qualifiée de "bourreau"

La tension est montée d'un cran dans l'hémicycle lorsque Sophia Chikirou (La France insoumise) a qualifié Élisabeth Borne de "bourreau". "La Première ministre n'a aucun état d'âme à infliger 2 ans de galère de plus aux travailleurs. Comment peut-elle s'exprimer de cette façon là ?", a lancé la députée LFI, en référence à une interview donnée par la cheffe de l'exécutif au Parisien.

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"C'est inacceptable. Cela embarrasse même des gens qui sont dans votre groupe !", a dénoncé Astrid Panosyan-Bouvier (Renaissance) en réaction. "Vous faites diversion en insultant la Première ministre", a renchéri Violette Spillebout (Renaissance).

Olivier Dussopt : "Vous voulez ma tête ?"

Hier après-midi, Thomas Portes (LFI) a publié une photo sur son compte Twitter, où on le voit poser le pied sur un ballon à l'effigie d'Olivier Dussopt. "Retirez votre réforme", intime le député dans la légende. Cet épisode, déjà dénoncé par de nombreux responsables politiques, a fait réagir le ministre du Travail au cours de la séance.

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"Vous voulez ma tête ? Vous aussi vous voulez poser avec ma tête coupée ?", a-t-il lancé à Matthias Tavel (LFI), qui l'invectivait. "Appuyer sur la tête d'un ministre, c'est totalement inqualifiable, c'est une honte !", a appuyé Nicolas Turquois (Démocrate) à sa suite.

Echange tendu autour des métiers pénibles

Un autre échange houleux a parcouru les travées de l'hémicycle. En fin de matinée, au lieu de débattre des heures des régimes spéciaux, Nadia Hai (Renaissance) a appelé à accélérer les débats afin de pouvoir évoquer la pénibilité de certains métiers (article 9 du projet de loi). "Vous n'avez pas le monopole de ces publics. Vous ne connaissez pas nos parcours", a-t-elle lancé aux élus de la Nupes. "Vous mentez. Vous ne savez pas ce que c'est de faire un métier pénible !", a répliqué Rachel Keke (LFI), gouvernante et figure de proue de la grève des femmes de chambre de l'hôtel Ibis Batignolles, avant d'être élue députée. 

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"Nous avons énormément de respect pour votre parcours. Par contre, vous, vous n'avez aucun respect pour nos parcours", lui a rétorqué l'ancienne ministre, originaire de Trappes, heurtée par ce procès en légitimité. Une assertion à laquelle a réagi, à son tour, Mathilde Panot (LFI) : "Vous dites : 'ayez du respect pour nos parcours'. On peut dire que c'est un parcours un peu différent, quand on a fait 13 ans à HSBC, ou à la banque Barclays", a-t-elle lancé en évoquant le parcours professionnel de Nadia Hai.

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Le débat a été conclu par Jean-Louis Thiériot, lors d'un rappel au règlement. "La bonne tenue des débats suppose que nous nous regardions tous comme représentants de la Nation", a clamé le député LR. "Il est intolérable d'assigner à résidence ceux qui ont eu un passé professionnel différent", a-t-il ajouté. "Tout le reste, c'est le retour des privilèges, même des privilèges inversés."

Obstruction ou accélération ? 

Une bataille de stratégie a, par ailleurs, eu lieu au cours de la séance de vendredi matin. Alors que les débats s'enlisent depuis le début de la semaine, plusieurs élus de la Nupes, comme Jérôme Guedj (PS), ont fait part de leur volonté d'accélérer. De fait, deux heures après le début de la séance, à de nombreuses reprises, des députés de gauche se sont contentés d'un simple "défendu !" lorsque leur amendement était appelé.

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À partir de ce moment-là, des parlementaires de la Nupes - Arthurd Delaporte (PS), Sébastien Jumel (PCF), Mathilde Panot (LFI) - se sont agacés de constater que la majorité présidentielle demandait souvent un scrutin public sur leurs amendements, y voyant là une manœuvre "d'obstruction parlementaire". L'accusation a fait s'étouffer d'incrédulité Fadila Khattabi (Renaissance). "Ce ne sont pas des couleuvres que vous voulez faire avaler aux Français, mais des anacondas !", a lancé la présidente de la commission des affaires sociales estimant que la lenteur des débats tient avant tout aux nombreux amendements identiques déposés par les députés de gauche.

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Vendredi après-midi, les débats ont repris sur l'article deux du projet de réforme du gouvernement qui porte sur la création d'un index destiné à faire en sorte que les entreprises emploient davantage de seniors.