René Dosière, missionné par Bayrou sur les avantages des politiques : "C'est moins une question d'économies que d'image"

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René Dosière.
René Dosière.
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mardi 26 août 2025 à 18:55, mis à jour le Mardi 26 août 2025 à 18:58

INTERVIEW - Spécialiste de la gestion des finances publiques et de la transparence du financement de la vie politique, l'ancien député socialiste René Dosière s'est vu confier une mission sur le sujet par François Bayrou. Sollicité par LCP, il en explique les contours et revient sur ses récents échanges avec l'actuel Premier ministre.

Dans sa 7e vidéo YouTube, publiée vendredi 22 août, François Bayrou indiquait avoir confié à l'ancien député socialiste René Dosière une mission sur le train de vie de l'Etat, et plus particulièrement sur les éventuels avantages indus dont bénéficieraient les responsables politiques. La raison ? En sondant les Français, le Premier ministre s'est rendu compte qu'ils étaient "très nombreux" à estimer qu'il fallait "toucher aux privilèges entre guillemets des responsables politiques, des parlementaires ou des membres du gouvernement". "Les Français, pour beaucoup d'entre eux, en sont venus à penser que les politiques s'en mettaient plein les poches (...) que c'était une gabegie d'argent public. Il faut éclaircir tout cela", affirmait alors le locataire de Matignon. 

René Dosière, qui a été député pendant près de 25 ans entre 1988 et 2017, a consacré une grande partie de sa vie politique à traquer les gaspillages d'argent public. Depuis 2018, il préside l'Observatoire de l'éthique publique qu'il a fondé. Pour LCP, il revient sur cette mission prévue pour durer trois mois et explique pourquoi l'avoir acceptée. Depuis, François Bayrou a annoncé qu'il soumettrait son gouvernement à un vote de confiance le 8 septembre. René Dosière a été reçu par le Premier ministre ce mardi 26 août à la mi-journée. 

L'annonce du vote de confiance du 8 septembre change-t-elle quelque chose à la mission que vous a confiée François Bayrou il y a quelques jours ?

Le Premier ministre est toujours en fonction. Ce midi (mardi 26 août, Ndlr), nous avons travaillé comme s'il devait le rester : nous avons convenu que la mission durerait trois mois et que le rapport serait à remettre le 1er décembre. François Bayrou a eu le comportement de quelqu'un qui était Premier ministre et qui pensait le rester. Il n'a pas du tout semblé dire "au revoir". Il a simplement déclaré que d'ici quinze jours, il pouvait encore se passer beaucoup de choses.

Concrètement, quel est le périmètre de votre mission ?

Il s'agit de faire un exercice de transparence sur les rémunérations des responsables politiques français, en les comparant avec ce qui se passe dans les pays étrangers équivalents. Et pour l'échelon décisionnel ministériel, de faire un rapprochement entre ces rémunérations et celles existant soit dans la fonction publique, soit dans le secteur privé, à niveau de responsabilité équivalent. Le deuxième aspect reviendra à mettre à jour les avantages annexes liés à ces fonctions, de manière à déceler les éventuelles anomalies. Le rapport s'intéressera aux ministères, aux Assemblées pour lesquelles nous n'avons pas de pouvoir décisionnel , ainsi qu'aux collectivités les plus importantes, à savoir les Régions, les départements et les villes de plus de 200 000 habitants. C'est une opération vérité. Cette analyse des rémunérations et des avantages fera apparaître des choses sans doute un peu curieuses : par exemple, des rémunérations trop élevées ou trop faibles, des avantages incompréhensibles ou qui n'ont pas de base légale. Dans le rapport, nous ferons apparaître tous les avantages avec, à chaque fois, une explication. L'explication montrera s'ils sont justifiés ou pas. 

François Bayrou m'a appelé vendredi. (...) Il m'a indiqué vouloir faire une mission sur le sujet et m'a demandé si j'étais d'accord pour la présider. 

Votre mission ne s'intéressera pas à l'Elysée ?

La présidence de la République sera exclue de la mission. Car il n'y a plus rien à faire, tout a déjà été fait. Dans le budget, la situation de l'Elysée est transparente et elle est contrôlée tous les ans par la Cour des comptes.

Connaissez-vous personnellement François Bayrou et quand vous a-t-il dit vouloir vous confier cette mission ?

Je le connais depuis longtemps, parce qu'on a été tous les deux parlementaires. Je le connais également parce que nous avons un point commun, qui est une référence littéraire : toute l'œuvre de l'écrivain Charles Péguy. Nous sommes tous les deux membres d'honneur de l'association L'Amitié Charles Péguy ; nous avons eu l'occasion de nous rencontrer à ce titre. Et puis, en 2017, j'ai eu l'occasion de lui préparer, avec les services de l'Assemblée, un ensemble de propositions de moralisation de la vie politique, qui ont inspiré la loi qu'il a ensuite présentée (en tant que ministre de la Justice, Ndlr). Pour cette mission, François Bayrou m'a appelé vendredi. J'ai vu son nom s'inscrire sur mon téléphone. Il m'a indiqué vouloir faire une mission sur le sujet et m'a demandé si j'étais d'accord pour la présider. 

Pourquoi avoir accepté ?

Parce que cela correspond exactement au travail que j'ai fait quand j'étais parlementaire et que je continue de faire dans le cadre de l'Observatoire de l'éthique publique, avec des universitaires qui vont d'ailleurs participer à la rédaction de ce rapport. Il y a une prise de conscience. Tout le travail fait par le passé, je l'ai fait personnellement en bousculant un peu les institutions et certains parlementaires. On ne peut pas dire que ce travail de transparence a suscité partout l'enthousiasme. Qu'aujourd'hui, officiellement, le Premier ministre se dise que c'est un sujet qui mérite d'être retenu, je trouve que c'est plutôt intéressant comme démarche.

On ne peut pas demander des efforts aux Français si ceux qui demandent des efforts n'en font pas eux-mêmes. 

Dans le rapport, vous établirez un constat. Mais ferez-vous aussi des propositions d'économies ?

Oui, même si dans cette mission, il est bien admis que ce n'est pas fondamentalement un problème financier. C'est un problème d'exemplarité, de confiance entre les responsables politiques et les citoyens. Cette confiance est essentielle au bon fonctionnement d'une société démcoratique. C'est moins une question d'économies que d'image. L'esprit général de la mission et la réflexion du Premier ministre, à laquelle j'adhère totalement, est de dire qu'on ne peut pas demander des efforts aux Français si ceux qui demandent des efforts n'en font pas eux-mêmes. Il sera utile d'avoir un document auquel tout le monde pourra se référer, puisqu'on entend régulièrement des observations erronées ou des idées reçues sur tel ou tel train de vie. Le rapport sera un document officiel précis qui fera foi. Il y a également l'idée que ce document puisse être remis à jour régulièrement. Cette transparence peut contribuer à rétablir une partie de la relation avec les Français, même si malgré tous les efforts faits ces dernières années, en particulier sous le quinquennat de François Hollande, on a le sentiment que la confiance est toujours aussi distendue. 

Justement, les choses ont-elles évoluées sur ces dernières décennies ?

Oui, elles ont beaucoup évolué, et dans le bon sens. Malheureusement, on ne s'en rend pas toujours compte, car les intéressés ou les institutions n'ont pas toujours communiqué de manière suffisante sur le sujet. Par exemple, grâce à la loi de 2013 et la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), on ne peut pas s'enrichir indûment quand on fait de la politique. Cette autorité contrôle les déclarations d'origine et de sortie. Dans les Républiques passées, ce n'était pas le cas. Après, il reste toujours des réticences. On ne change pas une lourde machine comme ça facilement. Mais la transparence contribue naturellement à faire bouger les choses. 

François Bayrou s'est-il engagé à reprendre des propositions de votre mission ?

Il l'a dit, s'il est toujours Premier ministre, bien entendu. S'il ne l'est plus, on verra si son successeur maintient la mission. Après tout, ce n'est pas quelque chose de partisan. 

Lorsqu'il vous a proposé cette mission, y avez-vous vu un gage donné au Parti socialiste dont l'attitude ces prochaines semaines sera scrutée et décisive ?

Non, pas du tout. D'abord parce que je ne suis plus membre du PS depuis longtemps, même si je reste naturellement un homme de gauche socialiste. Ensuite, parce que je ne représente pas le PS. D'ailleurs, lors de mes précédents travaux, j'avais aussi un certain nombre d'adversaires au sein du PS. Si François Bayrou m'a proposé cette mission, c'est par référence au travail fait par le passé.