Budget de l'État : face à l'impasse, vers une loi spéciale pour parer à l'urgence

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Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale, le 15 octobre 2025. (image LCP)
Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, à l'Assemblée nationale. (image LCP)
par LCP.fr, le Vendredi 19 décembre 2025 à 15:30, mis à jour le Vendredi 19 décembre 2025 à 16:23

Après l'échec, ce vendredi 19 décembre, de la commission mixte paritaire composée de députés et sénateurs à trouver un compromis pour adopter le budget de l'Etat avant la fin de l'année, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, va saisir le Conseil d'Etat d'un projet de loi spéciale. Un outil législatif qui permet de sortir temporairement de l'impasse budgétaire.

Une solution temporaire

Parmi les différentes options dont le gouvernement dispose pour parer à l'urgence faute de budget de l'Etat adopté en bonne et due forme avant le 31 décembre, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, va recourir à une loi spéciale, comme l'année dernière lorsque François Bayrou avait succédé à Michel Barnier à Matignon. Il s'agit d'un texte qui permet une sorte de reconduction a minima du projet de loi de finances (PLF) précédent, afin de pouvoir continuer à percevoir les impôts et ainsi assurer le fonctionnement du pays à partir du 1er janvier. Une solution temporaire en attendant le vote d'un PLF 2026 complet.  

Le Premier ministre va utiliser cette procédure exceptionnelle et le texte devra être examiné et voté par l'Assemblée nationale et par le Sénat la semaine prochaine. La commission des finances de l'Assemblée nationale "est prête à examiner la loi spéciale dès lundi avant d'être discutée en séance le jour même, sous réserve d'un Conseil des ministres avant", a indiqué le président de cette commission au Palais-Bourbon, Eric Coquerel (La France insoumise). 

Qu'est-ce qu'une loi spéciale ?

Cette loi spéciale permet d'assurer la continuité de l'Etat en l'absence de budget voté et promulgué avant d'ici au 31 décembre. Elle autorise le prélèvement des impôts existants, sans nouvelles mesures fiscales, et s'accompagne d'un décret limitant les dépenses aux services votés l'année précédente et jugés indispensables pour poursuivre l'exercice des services publics.

Une loi spéciale ne dispense pas d'adopter un projet de loi de finances en bonne et due forme. Les discussions budgétaires reprendront donc début 2026. Ce dispositif permet néanmoins d'éviter un "shutdown à l'américaine". Les fonctionnaires sont payés, les services publics fonctionnent, les retraites sont versées, les soins de santé remboursés...

Deuxième année consécutive

Le recours à une loi spéciale est rare mais cet outil législatif a déjà été utilisé sous la Ve République. Son adoption ne présente normalement pas de difficulté particulière, car il s'agit d'un moyen d'éviter la paralysie du pays sans choix politiques nouveaux. En décembre 2024, le Parlement avait voté une telle loi après la chute du gouvernement Barnier. Et un budget 2025 avait finalement été adopté mi-février.

Auparavant, le gouvernement Barre avait dû y recourir fin 1979, après censure du budget pour 1980 par le Conseil constitutionnel. Et, en 1962, des élections législatives anticipées en novembre avaient rendu impossible l'adoption d'un budget dans son intégralité avant la fin de l'année. Le nouveau gouvernement Pompidou avait alors procédé en deux temps: le vote sur la partie "recettes" fin décembre, puis sur la partie "dépenses" en février 1963.

Quel impact pour l'économie ? 

"La loi spéciale n'est pas un budget, c'est un service minimum qui ne peut pas durer sans conséquences lourdes sur la vie du pays et des Français", a récemment rappelé la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Dans une interview à La Montagne, elle précisait qu'avec un tel texte, le pays "n'investit plus", ne lance plus de projets, ne peut par exemple pas "engager un réarmement supplémentaire".

Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ce régime exceptionnel appliqué à l'ensemble de l'année 2026 ferait perdre 6,5 milliards d'euros de recettes à l'Etat. Tandis que les dépenses seraient réduites de trois milliards d'euros. Et que le déficit public pourrait atteindre 5,5% du PIB, alors que le gouvernement souhaite le réduire à 4,7% l'an prochain.

Une loi spéciale "nous conduirait à un déficit nettement supérieur à ce qui est souhaitable", notamment parce qu'elle ne comporte "pas de mesures d'économie", indique le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, estimant qu'"au-delà de 5% de déficit, la France se mettrait en danger".

(LCP.fr, avec AFP)