Le ministre de l'Intérieur a indiqué lundi 2 novembre devant les députés sa volonté de donner de nouvelles compétences aux policiers municipaux, comme la constatation de certains délits mineurs. Il ne souhaite pas en revanche rendre obligatoire l'armement de ces agents.
"Jusqu'à présent, peut-être, les polices municipales n'ont-elles pas été respectées comme elles devaient l'être." Auditionné lundi par la commission des lois de l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a apporté son soutien à la proposition de loi "relative à la sécurité globale".
Ce texte, rédigé par les députés La République en marche Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, vise notamment à renforcer les pouvoirs des polices municipales. "Elles ont toute leur place dans le continuum de sécurité", a affirmé Gérald Darmanin.
La proposition de loi crée en effet une expérimentation de trois ans pour les communes dotées d'une police municipale de plus de 20 agents et dont le directeur ou le chef de service a été "dûment habilité par le Procureur général" : celles-ci pourront voir le domaine d'intervention de leurs agents sur la voie publique "élargi".
La liste limitative des infractions qu’ils sont habilités à constater sera étendue. Exposé des motifs du texte
Les policiers municipaux pourront notamment constater directement certains délits qui ne nécessitent pas d'actes d'enquête (port d'arme ou consommation de drogue), mais aussi effectuer des contrôles d'identité ou encore avoir accès au fichier des véhicules volés.
Le texte prévoit également que le directeur de la police municipale pourra faire procéder à "l'immobilisation et à la mise en fourrière" de véhicules "en cas de constatation d'un délit ou d'une contravention de cinquième classe prévus par le code de la route ou le code pénal". Cette disposition pourrait notamment permettre aux policiers municipaux de lutter plus efficacement contre "les rodéos motorisés".
La proposition de loi permet aussi "la participation des polices municipales à la sécurisation de manifestations sportives, récréatives ou culturelles, sans critère de seuil".
Elle fixe par ailleurs le cadre légal qui permettra de créer une police municipale à Paris.
Plusieurs députés, comme Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine) et Ugo Bernalicis (La France insoumise) ont mis en garde contre une "confusion des genres" : "La frontière entre police municipale et police nationale doit demeurer claire", a ainsi affirmé Cécile Untermaier (Socialistes).
"La police municipale ne doit pas être la police nationale", a prévenu Gérald Darmanin, qui estime que cette dernière n'a pas vocation à se "décharger" sur les policiers municipaux. La police nationale conservera donc ses prérogatives en matière d'enquête, de rétention, de lutte antiterroriste ou encore de lutte contre la grande criminalité.
Pas question non plus d'obliger les communes à armer leurs polices municipales : le ministre s'en remet aux maires et défend la "libre administration des collectivités locales".
Ces précisions n'ont pas totalement convaincu le député Eric Diard (Les Républicains) : "Que se serait-il passé à Nice si les policiers municipaux n'étaient pas armés ?", a demandé l'élu, qui a promis d'évoquer une nouvelle fois la question lors de l'examen du texte, qui doit débuter mercredi matin.
Autre mesure de la loi : la diffusion "malveillante", notamment sur les réseaux sociaux, de l’image des policiers nationaux et militaires de la gendarmerie en intervention sera punie d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende.
Pour le ministre, il s'agit de ne pas "jeter en pâture des fonctionnaires qui font un travail extrêmement difficile".
Vous connaissez tous des policiers ou des gendarmes qui sont insultés quand ils sont au supermarché avec leurs enfants ou leurs femmes. Gérald Darmanin
Un dispositif qui n'est "pas acceptable dans une démocratie" selon Ugo Bernalicis (La France insoumise), qui craint notamment pour la liberté de la presse. L'élu estime que cet article pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel.
Son intervention lui a valu une vive réaction du ministre, qui a critiqué sa "démagogie anti-flics".
Le texte réglemente également l'utilisation des images de vidéosurveillance, des images de drone ou encore celles des "caméras-piétons".
"La police utilise déjà des drones [mais] dans un cadre légal qui n'est pas stabilisé", a expliqué Gérald Darmanin, ajoutant que la Cnil et le Conseil d'Etat demandent une clarification législative.
La proposition de loi permettra aussi aux enquêteurs de visualiser en direct les images filmées par les "caméras-piétons" dont sont équipées les forces de l'ordre.
Le texte punit, par ailleurs, de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende le fait de "mettre à disposition (...) des articles pyrotechniques à des personnes physiques ne possédant pas les connaissances techniques particulières (...) pour les acquérir, les détenir, les manipuler ou les utiliser".
Il s'agit en fait d'interdire la vente des "mortiers" : détournés de leur utilisation normale, ces feux d'artifices servent parfois de projectile contre les forces de l'ordre. La détention ou l'utilisation de ces mortiers "sans posséder les connaissances techniques particulières exigées par la réglementation" sera punie de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros. La sanction sera doublée si l'infraction est commise via Internet.