Superprofits : le Conseil constitutionnel juge la demande de référendum d'initiative partagée de la Nupes non conforme

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Boris Vallaud, président des députés socialistes, le 24 octobre 2022 à la tribune
par Hortense de Montalivet, le Mercredi 26 octobre 2022 à 11:37, mis à jour le Jeudi 27 octobre 2022 à 12:04

Les Sages ont indiqué, mardi 25 octobre, que la proposition de loi par laquelle les députés et sénateurs de groupes parlementaires de la Nupes voulaient obtenir un référendum d'initiative partagée sur les superprofits ne remplissait pas les conditions fixées par la Constitution. La procédure engagée fin septembre est donc stoppée. 

Le Conseil constitutionnel a statué : il n'y aura pas de référendum sur les superprofits. Dans un communiqué publié mardi en fin de journée, les Sages indiquent que la proposition de loi visant à ouvrir la possibilité de consulter les Français sur la création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises "ne remplit pas les conditions constitutionnelles et organiques d'ouverture de la phase de recueil des soutiens des électeurs au titre de la procédure dite du référendum d'initiative partagée".

Signé par 242 députés et sénateurs des groupes de la Nouvelle union populaire écologique et sociale, le texte qui prévoyait la mise en place d'une taxation temporaire sur les superprofits avait été soumis à la validation du Conseil constitutionnel dans le cadre de la procédure engagée par les parlementaires qui voulaient aboutir à un référendum sur le sujet. 

Le référendum d'initiative partagée est une procédure créée par la réforme constitutionnelle de 2008 et entrée en vigueur en 2015. Pour être engagée, une telle initiative doit être soutenue par un cinquième des élus du Parlement et recueillir la signature d'un dixième des Français inscrits sur les listes électorales. Si ces conditions sont remplies, la procédure peut déclencher un examen parlementaire de la proposition ou, à défaut, un référendum. Mais pour que la collecte des signatures soit enclenchée, la demande doit être jugée conforme à la Constitution et à son article 11 qui prévoit notamment les sujets sur lesquels un référendum d'initiative partagée peut être organisé. En l'occurrence, les Sages ont donc jugé que tel n'était pas le cas. 

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Une proposition à la portée trop limitée 

Selon cet article, le président de la République peut notamment soumettre à référendum un sujet portant "sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation".

"Cette mesure a pour seul effet d'abonder le budget de l'État jusqu'au 31 décembre 2025." 

Or, le Conseil constitutionnel relève que la proposition de la Nupes "se borne à augmenter le niveau de l’imposition existante des bénéfices de certaines sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros" jusqu’au 31 décembre 2025. Soulignant que cette mesure aurait "pour seul effet d'abonder le budget de l'État" de façon temporaire, les Sages jugent qu’elle ne porte pas, au sens de l’article 11, sur une réforme relative à la politique économique de la nation. Autrement dit, que sa portée est trop limitée pour entrer dans ce cadre. 

Incompréhension et regret au sein de la Nupes

Sur Twitter, Eric Coquerel (La France insoumise) a fait part de son incompréhension. "Je ne comprends pas", a-t-il réagi. "Entre l’empêchement du RIP et le 49-3 qui nous prive de la mettre au vote, la rente capitaliste est bien protégée", estime le président de la commission des finances de l'Assemblée. 

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"C'est moche", regrette quant à lui le président du groupe Socialistes, Boris Vallaud. "On avait pourtant construit notre proposition et notre mémoire sur le sujet dans le champ du RIP", déclare-t-il à LCP. "Mais on savait qu'il y avait un risque parce que le Conseil constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur cette question du point de vue économique. Donc en quelque sorte, il doit construire sa jurisprudence", indique cependant le député des Landes. 

Le mécanisme du RIP n’a été enclenché qu’une fois depuis 2015 sans aboutir. En 2019, une proposition contre la privatisation des Aéroports de Paris avait recueilli 1,1 million de signatures citoyennes. Insuffisant pour aller au bout de la procédure. La privatisation du groupe ADP a cependant été repoussée à une date indéterminée en raison des difficultés du secteur aérien liées à la crise du Covid.

Malgré ce revers, la gauche reste convaincue que les Français sont majoritairement favorables à cette taxation des "superprofits" qui a largement été débattue autour du projet de loi de finances pour l'année 2023. "Là tout de suite, les sénateurs socialistes vont prendre le relais dans les discussions budgétaires et formuler une nouvelle proposition", assure Boris Vallaud. Et le groupe Socialistes de l'Assemblée prévoit déjà de profiter de sa journée d'initiative parlementaire, prévue le 9 février, pour remettre le sujet à l'ordre du jour.