Yvan Colonna : le directeur de l'administration pénitentiaire précise le déroulé des faits

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Assemblée nationale, le 16 mars 2022.
par Maxence Kagni, le Mercredi 16 mars 2022 à 12:46, mis à jour le Vendredi 2 juin 2023 à 15:43

Auditionné par la commission des lois de l'Assemblée nationale, Laurent Ridel a répondu aux questions des députés et expliqué le fonctionnement de la maison centrale d'Arles, dans lequelle Yvan Colonna a été victime d'une tentative d'assassinat le 2 mars dernier.  

Le directeur de l'administration pénitentiaire l'a expliqué devant les députés : dans une prison, "il n'y a pas de surveillance absolument constante" de tous les détenus. Auditionné mercredi 16 mars par les députés de la commission des lois, Laurent Ridel a été interrogé sur les conditions dans lesquelles Yvan Colonna a été victime d'une tentative d'assassinat le 2 mars, à la maison centrale d'Arles. Le haut fonctionnaire a renvoyé sur la direction de la prison la responsabilité de déterminer si la durée pendant laquelle le militant indépendantiste, emprisonné pour l'assassinat du préfet Erignac, et son agresseur, condamné pour faits de djihadisme, ont été laissés sans surveillance était, ou non, "normale".

Laurent Ridel s'est borné à décrire le déroulement des faits : "Ce matin-là, aux alentours de 10h30, Yvan Colonna est en salle de sport où il fait un certain nombre d'exercices, des pompes, des abdos, etc." La salle est fermée à clef. Plus tard, "un personnel de surveillance ouvre la porte pour permettre au détenu Franck Elong Abé de nettoyer la salle de sport, puisque c'était son activité", explique Laurent Ridel. Le surveillant, "qui est seul", laisse la porte ouverte, le temps du nettoyage. Il va "mettre en place un certain nombre d'activités ailleurs" : "C'est là qu'Elong Abé commet les actes que vous connaissez."

Au bout de "neuf à dix minutes, le surveillant revient pour chercher Yvan Colonna et c'est là qu'Elong Abé semble lui dire qu'Yvan Colonna a eu un malaise". Le militant indépendantiste est placé en position latérale de sécurité par le surveillant. "Il commence à lui prodiguer les premiers soins, appelle immédiatement les médecins de l'unité sanitaire, qui arrivent extrêmement vite et permettent au pouls de repartir."

Pas de surveillance constante

La prison hébergeait, le jour de l'agression, 130 détenus, "pour un effectif possible de 150". Le "taux de couverture des personnels" était "de 97 à 98%" si bien que "l'établissement présentait une situation plutôt satisfaisante". Yvan Colonna et son agresseur étaient détenus dans le même bâtiment, mais pas dans la même aile. Ils "pratiquaient parfois le sport ensemble", précise Laurent Ridel : l'accès aux salles d'activité ou de sport pouvait, de manière encadrée et "à des horaires très précis", permettre une "circulation autonome".

Pourquoi les surveillants n'ont pas réagi à temps alors que deux caméras sont présentes dans la salle de sport ? Il n'est "pas possible de surveiller 24 heures sur 24, de façon constante, l'ensemble" des 54 caméras présentes sur le bâtiment dans lequel étaient détenus Franck Elong Abé et Yvan Colonna, a répondu Laurent Ridel. Le directeur de l'administration pénitentiaire ne peut pas "garantir qu'il y a une surveillance constante, en permanence, de tous les détenus".

Car l'agent qui gère la vidéosurveillance est également responsable "des accès et des mouvements" : pour faciliter sa tâche, des "scénarios" sont définis, qui ne lui montrent que certaines caméras en fonction des moments de la journée. "Le scénario qui avait été mis en place ce matin-là n'était pas celui de la surveillance des salles d'activité parce que l'évaluation qui avait été faite était qu'il y avait assez peu de monde, que les détenus se connaissaient, etc." Le poste de "sécurité central" de la prison, quant à lui, surveille les 300 caméras de l'ensemble des bâtiments de la maison centrale : "Là aussi, il y a des scénarios qui peuvent être mis en œuvre."

Laurent Ridel n'a pas voulu dire s'il considérait normale la durée pendant laquelle Yvan Colonna et Franck Elong Abé sont restés sans surveillance : "Les directeurs [de la maison centrale] d'Arles vous le diront." La commission des lois doit en effet auditionner Marc Ollier, le chef d'établissement de la maison centrale, et sa prédécesseure, Corinne Puglierini, mercredi 23 mars. 

Activité rémunérée

Le directeur de l'administration pénitentiaire a également donné des détails sur le parcours de l'agresseur présumé d'Yvan Colonna, le djihadiste Franck Elong Abé. Celui-ci, après un parcours carcéral "chaotique en début d'incarcération", "s'était stabilisé" à la maison centrale d'Arles, qu'il a intégrée en 2019, a expliqué Laurent Ridel. "Il était passé par un quartier spécifique d'intégration pour détenus au comportement perturbé, où il est resté neuf mois avec des évaluations régulières", a ajouté le directeur de l'administration pénitentiaire. Il a ensuite intégré la détention classique en avril 2021 : "Depuis il avait un comportement relativement correct." L'agresseur présumé avait "été classé" à "l"entretien des salles d'activité de sport du bâtiment" en septembre 2021. 

Le député nationaliste corse, Jean-Félix Acquaviva, s'est interrogé sur le "régime de faveur incontestable" dont aurait bénéficié Franck Elong Abé : "Il a eu un contrat de travail rémunéré, ce qui n'était pas le cas d'Yvan Colonna, qui était auxiliaire non rémunéré, bénévole", a déclaré l'élu de Haute-Corse. "Comment se fait-il, qu'après ce parcours chaotique, djihadiste, il ait pu avoir un contrat rémunéré ?", a encore souligné Jean-Félix Acquaviva. 

Des interrogations partagées par Eric Diard (Les Républicains) : "Il me paraît incroyable qu'un détenu pour terrorisme islamiste puisse bénéficier d'un statut d'auxiliaire en prison !" "La réglementation nous interdit de motiver un refus de classement à une activité ou à un travail au seul motif qu'un détenu est un terroriste islamiste radical", leur a répondu Laurent Ridel. Le sport semblait d'ailleurs "plutôt stabiliser" Franck Elong Abé. Le directeur de l'administration pénitentiaire reconnaît toutefois qu'il "restait une inquiétude" concernant les "conditions de la sortie" du détenu, prévue en 2023 : "Il nous semblait important de la préparer au mieux parce qu'effectivement son parcours en détention, même s'il s'était amélioré, son comportement, qui restait celui d'une personne qui n'était pas d'une stabilité totale d'un point de vue psychologique, nécessitait un suivi particulièrement adapté."