À Meaux, deux aspirantes députées RN et LFI veulent "changer le monde"

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Valérie Delage (LFi) et Béatrice Roullaud (RN) offrent un duel inédit en Seine-et-Marne
par Jason Wiels, le Mardi 14 juin 2022 à 18:04, mis à jour le Mercredi 15 juin 2022 à 13:44

Une avocate déjà élue locale côté RN, une ancienne salariée syndicaliste d'Air France côté LFI : l'affiche est inédite pour le second tour de la 6e circonscription de Seine-et-Marne, longtemps tenue par Jean-François Copé. Au coude-à-coude à l'issue du premier tour, les deux candidates rêvent de porter leurs idées au pouvoir.

"Ce n'est pas possible ça, ce n'est pas notre ville !" Abdel est sous le choc. Sur le marché de la sous-préfecture de Seine-et-Marne, ce Meldois a du mal à accepter la présence du Rassemblement national au second tour des élections législatives. Béatrice Roullaud, 62 ans, n'en est pourtant pas à son coup d'essai : "Je me présente à toutes les élections depuis dix ans", s'enorgueillit cette avocate au ton jovial. Accompagnée de sa chienne Pepsie et de quatre jeunes militants​​​​​​, la candidate RN a réussi le tour de force de terminer première dimanche dernier avec 26,97% des suffrages. À cinquante voix derrière elle, Valérie Delage pour la Nouvelle union populaire écologique et sociale, tendance La France insoumise, est aussi finaliste avec 26,8%. 

Déjà candidates en 2017, les deux femmes avaient terminé à la troisième et quatrième place, derrière les représentants de La République en marche et des Républicains. Cette fois, c'est l'inverse : la représentante de la coalition présidentielle, Fatna Mekidiche, a été largement battue (17,82%), tandis que la figure choisie par Les Républicains, Hamida Rezeg, a fini quatrième (14,74%).

Un coup de tonnerre dans cette circonscription du nord de la Seine-et-Marne, où Jean-François Copé, le toujours maire LR de Meaux, a été élu député pendant 19 ans. Son successeur, Jean-François Parigi a préféré prendre les rênes du département en juillet 2021, laissant vacant son siège de député. La place était donc à prendre et elle aura, quel que soit le résultat dimanche, une couleur inédite.

"Apporter ma pierre à l'édifice"

Béatrice Roullaud résume les raisons de son succès : "LR est en perte de vitesse et a laissé tombé les valeurs de la droite. J'en bénéficie en partie. De plus, je suis une personne de conviction, authentique et courageuse !" Sur son kakemono, la candidate affiche en grand son courriel et son numéro de portable, flanquée de Marine Le Pen, Jordan Bardella, et de la flamme tricolore et crépitante du Rassemblement national. Elle croit plus que jamais pouvoir occuper "le plus beau des mandats", dont elle dit rêver depuis toute petite.

"J'ai envie de changer le monde. Bien sûr, je sais que je ne vais pas y arriver mais j'espère apporter ma pierre à l'édifice." Fille d'un médecin et d'une infirmière, l'avocate vient d'une famille "qui a la main sur le coeur". "J'ai même défendu des personnes étrangères gratuitement", fait-elle savoir. Une passante, Chérifa, voile bien ajusté autour du visage, la prend par la main : "Bravo Madame, on y croit, on vous soutient", l'encourage-t-elle.

Béatrice Roullaud fait campagne sur le pouvoir d'achat, mais aussi la cause animale et les droits de l'enfance, avec déjà une idée de proposition de loi. Élue au conseil régional, elle estime y porter la voix des agriculteurs en défendant le localisme. L'aspirante députée a d'ailleurs fait ses meilleurs scores dans les villes et villages du nord de la circonscription : "À Marcilly, j'ai fait 50% ! Et je n'ai même pas eu le temps de m'y déplacer", souligne-t-elle. Elle pensait affronter la macroniste au deuxième tour, mais elle affrontera finalement sa rivale insoumise. "Est-ce que ça m'arrange ? Oui, trois fois oui !"

"Ras-le-bol des politiques de droite"

À quelques mètres de là, Valérie Delage arbore fièrement le logo de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale sur son t-shirt. L'ancienne agent de bord d'Air France mise sur la touche et, désormais en recherche d'emploi, se réjouit de son score historique à Meaux (32,95%) :

On est en tête dans tous les bureaux de vote [DE LA VILLE], même les quartiers riches ont voté pour nous. Valérie Delage (Nupes) à LCP

Comment expliquer cette performance dans un fief de la droite républicaine ? "Les gens en ont ras-le-bol des politiques de droite. Ici, vous avez de la mixité sociale et la partie écologique de notre programme sur la rénovation des logements plaît bien." Pendant l'entre-deux-tours, elle espère "convaincre les gens qu'on va changer le monde". "Un monde altermondialiste, où l'on vit mieux pour les classes populaires et moyennes, c'est possible."

Cette ancienne syndicaliste à la CGT-Transports veut aussi casser l'image "anti-flics" des insoumis. "Je suis allée à leur rencontre et leurs conditions de travail sont déplorables, pas étonnant qu'ils fassent des erreurs ensuite", constate-t-elle. Elle prône l'augmentation du point d'indice, la hausse des effectifs de la police proximité et le renforcement de la lutte contre les trafics de drogue et d'être humains.

Autre argument, Valérie Delage appelle au front républicain pour essayer de faire la différence dimanche 19 juin. Mais à l'annonce des résultats du premier tour, Jean-François Copé a déclaré qu'il s'abstiendrait, comme le rapporte Le Parisien : "Je ne choisirai pas entre l’extrême droite et l’extrême gauche." Une position qui ne surprend guère la candidate de gauche, qui formule une autre hypothèse pour expliquer son succès : "La gauche s'est décomposée plus vite que la droite, donc on a pu se recomposer plus tôt ! Eux, ils ne sont pas remis en question pendant cinq ans..." Pour sa fin de campagne, elle attend le renfort d'Olivier Faure, premier secrétaire du PS, et Julie Garnier, oratrice nationale de LFI, alors que les résultats s'annoncent très serrés.