Les députés ont adopté en première lecture, ce mardi 27 mai, la proposition de loi sur l'aide à mourir, ainsi que celle sur les soins palliatifs, lors de deux votes successifs dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. La ministre de la Santé, Catherine Vautrin a salué la "très belle unanimité" sur le premier texte, tandis que le rapporteur du second texte, Olivier Falorni (Les Démocrates) a fait part de son émotion et évoqué "un beau débat parlementaire" après le vote qui a eu lieu sur l'aide à mourir. Les deux propositions de loi vont maintenant devoir poursuivre leur parcours législatif au Sénat.
"Il est des jours dont on sait qu'on ne les oubliera jamais". C'est avec une émotion non dissimulée qu'Olivier Falorni (Les Démocrates) a salué l'adoption des deux propositions de loi sur la fin de vie, ce mardi 27 mai. Rapporteur général du texte visant à instaurer un "droit à l'aide à mourir", il a remercié ses collègues "d'avoir fait de ce débat parlementaire un beau débat parlementaire", avant d'avoir une pensée pour "tous les malades, tous leurs proches, rencontrés depuis plus d'une décennie, [qui pour] beaucoup ne sont plus là".
Une émotion partagée par Sandrine Rousseau (Ecologiste et social) qui, s'exprimant un peu plus tôt à la tribune, la voix tremblante, avait évoqué "toutes celles et ceux qui n'ont pas eu accès à cette aide", et enjoint ses collègues à dire "oui aux soins palliatifs, oui à l'aide à mourir".
Elise Leboucher (La France insoumise) a de son côté salué "deux lois humanistes, républicaines, laïques (...) deux lois de liberté, celle de disposer de soi-même et de sa propre fin". Même tonalité du côté des Stéphane Delautrette (Socialistes) évoquant au travers du texte instaurant une aide à mourir "une nouvelle marche humaniste s'inscrivant dans les pas des grandes avancées sociétales", tout en regrettant des "reculs" par rapport au texte issu de la commission des affaires sociales, "notamment le retour en arrière opéré sur le libre choix par la personne du mode d'administration". En séance, les députés sont revenus au principe de l'auto-administration de la substance létale par le patient, alors que le principe de libre choix entre cette option et celle de l'administration par un médecin ou un infirmier avait été voté en commission.
Lors des explications de vote, Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine) a indiqué que ses collègues de groupe se prononceraient en grande majorité en faveur de la proposition de loi instaurant un droit à l'aide à mourir. L'orateur communiste a cependant dit la nécessité de "réinvestir une politique de santé publique en partant des besoins des patients et des soignants".
Vantant un texte "conforme aux valeurs de la République", Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la République) a fait valoir que l'accès à l'aide à mourir constituait "une liberté" sans "rien enlever à personne". Traversé par des nuances, voire des divergences, comme de nombreux groupes, sur ce sujet qui touche aux convictions et à l'intime, le groupe du parti présidentiel a largement soutenu le texte.
"Un droit en plus, pas un droit en moins", a aussi martelé Philippe Vigier (Les Démocrates), rappelant que la possibilité d'avoir accès à l'aide à mourir était régie par des critères stricts, dont celui du "discernement" jusqu'au terme de la procédure et donc jusqu'à l'administration de la substance létale. Partagé entre différentes positions, le groupe émanant du MoDem, le parti du Premier ministre François Bayrou, a majoritairement voté la proposition de loi.
"Un chemin balisé, exigeant, réfléchi" : c'est ainsi qu'Agnès Firmin Le Bodo (Horizons) a qualifié la voie tracée par la proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir, indiquant qu'elle voterait "à titre personnel" en sa faveur. Beaucoup plus réservée sur le texte, sa collègue de groupe Nathalie Colin-Oesterlé a estimé qu'il restait "beaucoup à faire pour éviter toutes les dérives et protéger les personnes les plus vulnérables", faisant part de sa décision de s'abstenir. Le groupe du parti d'Edouard Philippe est celui qui est apparu le plus divisé sur le texte au sein de la coalition présidentielle.
"Nous avons collectivement un combat à mener afin que l'esprit de soin l'emporte, et ne pouvons pas nous résoudre à ce que des concitoyens demandent un suicide assisté parce qu'ils n’auraient pas eu accès aux soins palliatifs", a estimé Patrick Hetzel (Droite républicaine). Hostile au principe d'une aide à mourir, le député a considéré que la question de l'ouverture de ce droit n'aurait pas dû se poser avant que le déploiement généralisé des soins palliatifs ne soit concrétisé, redoutant le risque d'un choix "par défaut". Quelques-uns de ses collègues de groupe, issus comme lui des Républicains, ont cependant voté en faveur du texte.
"Notre devoir est de protéger la fragilité humaine, plutôt que de l'effacer ou de l'abandonner", a pour sa part affirmé Christophe Bentz (Rassemblement national). "Si vous entrouvrez la porte de l'abandon, elle ne se refermera jamais" a-t-il poursuivi, voyant dans la proposition de loi sur l'aide à mourir la marque du "désespoir de l'échec" incarné par "le suicide encadré".
Il a, en outre, estimé qu'un référendum aurait dû précéder le débat législatif sur la fin de vie, une position largement partagée dans les rangs du Rassemblement national, y compris chez les partisans de l'ouverture d'un droit à l'aide à mourir. Parmi ces derniers, très minoritaires au sein du groupe présidé par Marine Le Pen, Théo Bernhardt, s'exprimant également à la tribune, a décrit un texte qui "ne fait pas l'apologie de la mort", mais "consacre un droit ultime, encadré, balisé, entouré de garanties".
"Le droit que nous créons aujourd'hui est très encadré", a également estimé Laurent Panifous (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires), évoquant des "critères stricts" et battant en brèche l'argument selon lequel l'aide à mourir serait synonyme d'abandon des malades. Et d'ajouter : "C'est un engagement, l'engagement de la société à ne pas abandonner à la douleur et à la solitude celles et ceux qui souffrent trop sans espoir de guérison".
Appartenant au seul groupe ayant fait part de son intention de voter unanimement contre la proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir, Hanane Mansouri (Union des droites pour la République) a jugé qu'"en séance comme en commission, l'accès à la mort n'a[vait] cessé d'être élargi", et fustigé un texte de "renoncement" et de "cynisme". Son collègue de groupe Vincent Trébuchet avait dénoncé un peu plus tôt la "rupture à tous niveaux" constituée par "l'accès à la mort choisie et provoquée".
La proposition de loi visant "à garantir l’égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs" a été adoptée à l'unanimité (détail du scrutin à consulter ici), tandis que la proposition de loi visant à instaurer un "droit à l'aide à mourir" a été adoptée par 305 voix contre 199 (détail du scrutin à consulter ici). Les deux textes vont désormais poursuivre leur parcours législatif au Sénat qui devrait les examiner à l'automne.