Après le vote du Congrès, la France devient le premier pays au monde à inscrire l'IVG dans sa Constitution

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Inscription du droit de recourir à l'IVG dans la Constitution : Yaël Braun-Pivet annonce l'approbation du texte par le Congrès
Inscription du droit de recourir à l'IVG dans la Constitution : Yaël Braun-Pivet annonce l'approbation du texte par le Congrès (© LCP)
par Maxence Kagni, le Lundi 4 mars 2024 à 20:45, mis à jour le Lundi 4 mars 2024 à 22:03

Les députés et les sénateurs qui étaient réunis en Congrès, ce lundi 4 mars à Versailles, ont très largement approuvé l'inscription dans la Constitution de "la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse". Le texte a été adopté par 780 voix "pour" et 72 voix "contre". Récit et détail du scrutin. 

"Pour l'adoption 780, contre 72." L'annonce du vote par la présidente du Congrès, Yaël Braun-Pivet, a été suivie par presque deux minutes d'applaudissements. Les députés et les sénateurs ont inscrit ce lundi 4 mars 2024 l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. Réunis en Congrès à Versailles, les députés et les sénateurs ont adopté le projet de loi constitutionnelle "relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse" en dépassant très largement les trois cinquièmes des suffrages exprimés nécessaires (780 voix "pour" sur les 512 requises, compte tenu du nombre de votants) à la révision de la Loi fondamentale de la République. Le détail du scrutin est à consulter ici.

La loi adoptée lundi inscrit à l'article 34 de la Constitution la phrase suivante : 

La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse.  

Les Républicains, le Rassemblement national et l'Union centriste divisés 

Les députés des groupe de la majorité présidentielle et des groupes de gauche ont soutenu le texte. Aucun député Renaissance (166 pour, 1 abstention), Démocrate (48 pour, 1 abstention) ou Horizons (28 pour) n'a voté contre le texte. Il en va de même pour La France insoumise (75 pour), pour les groupe Socialistes (31 pour) et Ecologiste (22 pour) et la Gauche démocrate et républicaine au sein de laquelle siègent notamment les députés communistes (22 pour). Les députés du groupe LIOT ont, quant à eux, largement voté en faveur du texte (21 pour, 1 contre). De la même façon, au Sénat, la plupart des groupes ont unanimement, ou à quelques rares exceptions près, voté en faveur de la révision constitutionnelle. 

Le vote a été plus partagé chez les parlementaires Les Républicains, aussi bien du côté des députés (43 pour, 12 contre, 4 abstentions) que des sénateurs (79 pour, 38 contre, 14 abstentions, 1 non-votant). Les députés du Rassemblement national ont également voté en ordre dispersé (46 pour, 11 contre, 20 abstentions). La présidente du groupe RN, Marine Le Pen, a voté pour le projet de loi, tout comme le président des députés LR, Olivier Marleix. Enfin, les sénateurs du groupe Union centriste se sont, eux aussi, partagés entre différents votes (42 pour, 6 contre, 8 abstentions).  

"La marche du progrès"

"La marche du progrès a fait son office", a salué Gabriel Attal, en ouverture des débats. "Le Premier ministre que je suis retiendra toute sa vie la fierté d'avoir été à cette tribune en ce jour", a-t-il affirmé. Gabriel Attal a également évoqué un texte qui fera office de "rempart aux faiseurs de malheur" et rendu hommage au "legs universel" de Simone Veil, mais aussi à Gisèle Halimi ou encore à "toutes ces femmes, qui ont souffert dans leur chair comme dans leur esprit, parfois jusqu'à en perdre la vie".

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La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, première femme à présider un Congrès, a elle aussi rendu hommage "à toutes celles qui ont écrit, qui ont agi, à celles qui se battent encore au quotidien, près d'ici ou loin de nous". 

La France est à l'avant-garde. Yaël Braun-Pivet

Une "magnifique leçon"

Le vote de ce lundi est l'aboutissement d'un long processus politique et parlementaire, débuté au lendemain de la décision de la Cour suprême américaine, le 24 juin 2022, de revenir sur le fameux arrêt "Roe versus Wade". Face à l'émoi provoqué par ce "retour de bâton", trois parlementaires avaient décidé de déposer une proposition de loi visant inscrire dans le marbre de la Constitution française le droit à l'IVG : la sénatrice Mélanie Vogel (Ecologiste), la députée Mathilde Panot (présidente du groupe La France insoumise), et la députée Aurore Bergé (alors présidente du groupe Renaissance). 

A l'issue de plusieurs compromis politiques (résumés dans cet article de LCP), le président de la République, Emmanuel Macron, avait annoncé, le 8 mars 2023, qu'il souhaitait "changer notre Constitution afin d'y graver la liberté des femmes à recourir à l'interruption volontaire de grossesse". Le chef de l'Etat a alors demandé au gouvernement de présenter un projet de loi sur le sujet. Une démarche soutenue par les parlementaires qui avaient été à l'initiative de l'inscription de l'IVG dans la Loi fondamentale de la République. C'est ce texte que l'Assemblée nationale et le Sénat ont voté dans les mêmes termes ces dernières semaines, ouvrant ainsi la voie au Congrès qui a eu lieu ce lundi. "La France renoue avec sa vocation de phare des droits humains", s'est félicitée lundi Mathilde Panot. "C'est une magnifique leçon que nous nous donnons à nous-mêmes (...) si on ne lâche rien, à la fin, on gagne", a pour sa part déclaré Mélanie Vogel.

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Aurore Bergé n'a pas eu l'occasion de s'exprimer à la tribune du Congrès puisqu'elle est désormais ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les Discriminations. Quelques minutes avant le début de l'examen du texte, elle avait salué au micro de LCP et de Public Sénat un moment "historique", un "pas majeur, décisif". La ministre a également souligné qu'il fallait que "ce droit soit effectif partout en France, partout dans le territoire, dans les mêmes délais".

Le témoignage de Claude Malhuret

Le Congrès a notamment été marqué par la poignante intervention du sénateur Les Indépendants - République et Territoires Claude Malhuret qui a raconté à la tribune son expérience de médecin dans un "pays du sud", alors qu'il avait 25 ans. Après la découverte par des chiens d'un nourrisson mort, les gendarmes du pays lui avait demandé d'ausculter une jeune femme terrorisée, afin de déterminer si elle était, ou non, la mère de l'enfant. "Je repense souvent à elle, et à ses yeux d'animal traqué", a témoigné Claude Malhuret, dont l'intervention a été longuement applaudie par ses collègues parlementaires. 

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Au cours des explications de vote la députée Rassemblement national Hélène Laporte a, quant à elle, affirmé qu'"en réalité, au lendemain de ce Congrès, rien n'aura changé pour les femmes" puisque "personne ne menaçait" le droit à l'IVG en France. Evoquant "l'islamisme", mais aussi la mémoire de Simone Veil, la députée RN a parfois déclenché des huées au sein de l'hémicycle de Versailles

Le président des députés Les Républicains, Olivier Marleix, a de son côté questionné l'utilité du texte : "L'IVG était-il en danger aujourd'hui dans notre pays au point qu'il faille l'inscrire dans la Constitution ? On pouvait en débattre". "Quoi qu'il en soit, ce vote, nous le devons à la liberté des femmes", a-t-il ajouté. 

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A l'issue du scrutin, la présidente du Congrès, Yaël Braun-Pivet, a apposé sa signature sur le texte, qui a ensuite été frappé du Sceau du Congrès. Ultime étape, une cérémonie de Scellement sera présidée, vendredi 8 mars, par Emmanuel Macron, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes. Organisée à midi, place Vendôme à Paris, il s'agira de la "première cérémonie ouverte au public", a précisé le président de la République sur X (ex-Twitter), qui salué une "fierté française" et un "message universel".

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