IVG dans la Constitution : le Congrès, ultime étape d'une saga législative

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Illustration IVG - 26/10/2023
par Soizic BONVARLET, le Lundi 4 mars 2024 à 06:05, mis à jour le Lundi 4 mars 2024 à 10:32

Députés et sénateurs se réunissent, ce lundi 4 mars, en Congrès pour entériner le projet de loi constitutionnelle relatif à "la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse". Après le vote du texte par l'Assemblée nationale et le Sénat, la réunion du Parlement en Congrès est l'ultime étape d'une saga législative qui a commencé à l'automne 2022. Récit. 

C'était au lendemain de la décision de la Cour suprême américaine, le 24 juin 2022, de revenir sur le fameux arrêt "Roe versus Wade". Promulgué en 1973, il garantissait depuis lors par sa jurisprudence le droit à l’avortement à l'échelle fédérale. Sa remise en cause avait suscité un émoi international, et inspiré immédiatement à des parlementaires françaises plusieurs initiatives visant à graver dans le marbre de la Constitution le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). En quelques semaines, trois propositions de loi avaient été déposées, initiées par la sénatrice Mélanie Vogel (Ecologiste), la députée Mathilde Panot (présidente du groupe La France insoumise), et la députée Aurore Bergé (alors présidente du groupe Renaissance). 

D'initiatives parlementaires à un compromis transpartisan

Au Sénat, la proposition de loi de Mélanie Vogel est rejetée, tandis qu'à l'Assemblée nationale, la proposition de loi constitutionnelle "visant à garantir le droit à l'interruption volontaire de grossesse"présentée par le groupe Renaissance, est adoptée en commission. Mais Aurore Bergé décide finalement de retirer le texte au profit de celui de Mathilde Panot, lui aussi voté en commission et qui arrive à l'ordre du jour de l'hémicycle le premier dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire de La France insoumise. Un élan transpartisan destiné à montrer que le sujet mérite de dépasser les clivages habituels. La proposition de loi constitutionnelle "visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse" (et initialement "à la contraception", mention finalement retirée par souci de compromis), est ainsi adoptée à l'Assemblée, en première lecture, le 24 novembre 2022.

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Transmis au Sénat, le texte y est adopté le 1er février 2023, avec une formulation indiquant que "la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse", là ou l'Assemblée avait préféré les termes d'"effectivité et [d']égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse". C'est cet infléchissement, porté par un amendement de Philippe Bas (Les Républicains), qui avait permis à la proposition de loi d'être votée au Palais du Luxembourg, malgré l'opposition d'une grande partie de la majorité sénatoriale issue de la droite et du centre. 

Le vote d'un texte par les deux Chambres, même en des termes différents, laisse alors entrevoir la possibilité d'aboutir à un consensus suffisamment large pour permettre de réviser la Constitution en réunissant le Parlement en Congrès, ce qui nécessite la présentation d'un projet de loi par le gouvernement, tandis que la proposition de loi en cours d'examen aurait forcément nécessité un référendum pour faire entrer l'IVG dans la Loi fondamentale de la République. La voie du Congrès ayant la préférence aussi bien de de l'exécutif que des parlementaires à l'initiative de la révision de la Constitution, c'est la solution qui est finalement choisie. 

8 mars 2023 : Emmanuel Macron annonce un projet de loi

Le 8 mars 2023, lors de la journée dédiée aux droits des femmes et à l'occasion d'un hommage rendu à Gisèle Halimi, le président de la République, Emmanuel Macron, annonce souhaiter qu'un projet de loi soumis aux parlementaires puisse "changer notre Constitution afin d'y graver la liberté des femmes à recourir à l'interruption volontaire de grossesse".

Les avancées issues des débats parlementaires à l'initiative de l'Assemblée nationale, puis éclairés par le Sénat, permettront, je le souhaite, d'inscrire dans notre texte fondamental cette liberté. Emmanuel Macron 

De nature constitutionnelle, le projet de loi "relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse" est adopté par l'Assemblée le 30 janvier dernier, avant que le Sénat ne fasse de même le 28 février. Un vote conforme qui était loin d'être acquis, un amendement déposé par Philippe Bas (Les Républicains) ayant été déposé pour revenir à la version que les sénateurs avaient adoptée un an auparavant en supprimant la notion de liberté "garantie" introduite dans le projet de loi. Mais l'amendement est finalement rejeté et le texte adopté dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée nationale. Immédiatement, Emmanuel Macron annonce la convocation du Parlement en Congrès, ce lundi 4 mars, afin d'entériner l'inscription de l'IVG dans la Constitution. 

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Pour cela, il faudra que la révision constitutionnelle soit approuvée à une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par les 577 députés et les 348 sénateurs réunis à Versailles. Compte tenu des votes qui ont eu lieu précédemment à l'Assemblée nationale (493 "pour") et au Sénat (267 "pour"), cette majorité sera largement atteinte et la liberté de recourir à l'IVG gravée dans le marbre de la Constitution.