Une proposition de loi constitutionnelle visant à garantir le droit à l’interruption volontaire de grossesse sera examinée, mercredi 9 novembre, en commission des lois. Portée par la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, elle vise à sanctuariser la possibilité de recourir à l’avortement, après l’émoi suscité en juin dernier par la décision américaine de suspendre l’arrêt Roe vs Wade. Une autre autre texte, présenté par La France insoumise, sera lui aussi examiné dans les prochains jours.
Graver dans le marbre de la Constitution le droit à l’IVG, tel est l’objet de trois propositions de loi discutées cet automne au Parlement. L'une a déjà été examinée et rejetée par le Sénat, tandis que deux autres vont être examinées dans les jours à venir à l'Assemblée nationale. Première a être débattue en commission mercredi 9 novembre : la proposition de loi présentée par le groupe Renaissance et sa présidente, Aurore Bergé.
Dans son exposé des motifs, le texte revient sur les situations américaine et polonaise, où les femmes ont vu leur droit à l’IVG restreint voire annihilé, évoquant un "retour en arrière insupportable". Pour se prémunir d’un tel risque en France, l’article unique de la proposition de loi prévoit d’ajouter à la Constitution que : "Nul ne peut être privé du droit à l’interruption volontaire de grossesse." Lors d'un point presse du groupe Renaissance le 18 octobre dernier, Aurore Bergé avait affirmé la "volonté farouche" de son groupe de faire de cet objectif une priorité de la 16ème législature, en l’inscrivant en haut de la liste de l'ordre du jour de sa première journée d'initiative parlementaire.
Le 19 octobre, le Sénat, dominé par Les Républicains, a rejeté par 172 voix contre, 139 pour, une proposition de loi portée par la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. Doté également d’un article unique, le texte prévoyait que dans la Constitution figure que "Nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception", mais aussi, que "La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits". Une troisième proposition de loi, qui est inscrite à l’ordre du jour de la journée d’initiative parlementaire réservée au groupe de La France insoumise le 24 novembre, reprend mot pour mot cette formulation.
Une notion d’"effectivité" sur laquelle les auteurs de la proposition de loi insistent. L’exposé des motifs du texte évoque un accès à l’avortement trop souvent "difficile", "comme l’attestent de nombreux témoignages et des rapports officiels : délai pour obtenir un premier rendez‑vous, fermeture de 130 centres pratiquant les interruptions volontaires de grossesse en dix ans lors de restructurations hospitalières, réseau insuffisamment structuré, pénurie de praticiens en ville et à l’hôpital, manque de moyens dans les centres de santé ou associations".
Est également dénoncé un "contexte d’offensive réactionnaire", dont la France ne pourrait se prémunir qu’en inscrivant le droit à l’IVG dans la Loi fondamentale. Ce qui a été jugé "inutile" voire "inefficace" par la majorité LR au Sénat.
Dépénalisé par la loi Veil en 1975, le droit à l’avortement est aujourd’hui inscrit dans le Code de la santé publique. Or, en l'état, il est juridiquement possible de modifier, et donc d’abroger ce droit par une simple loi. S’il était consacré par la Constitution, cela consoliderait le droit à l'IVG en le rendant inaliénable, sauf nouvelle révision constitutionnelle, ce qui nécessite la mise en oeuvre d'une procédure très encadrée.
S'agissant d'une proposition de loi constitutionnelle, comme c'est le cas des deux textes bientôt examinés à l'Assemblée, la modification de la Loi fondamentale doit être validée par référendum, après un vote en des termes identiques de chacune des deux Chambres. Une perspective qui, compte tenu du vote du Sénat, semble aujourd'hui très improbable. Certains parlementaires espèrent donc que si l'Assemblée vote ces propositions de loi et que le Sénat les bloque, l'exécutif reprendra l'initiative en proposant lui-même un texte, ce qui donnerait une autre ampleur au débat. L'été dernier, la Première ministre, Elisabeth Borne, et le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, ont soutenu l'idée d'inscrire l'IVG dans la Constitution, sans évoquer à ce stade une éventuelle reprise du sujet par le gouvernement.
Examinée en commission le 9 novembre, la proposition de loi portée par le groupe Renaissance sera débattue en séance le 28 novembre, soit quatre jours après celle de La France insoumise, qui sera examinée la semaine prochaine en commission. La proposition de loi du groupe LFI prévoit également de constitutionnaliser l'accès à la contraception. Durant la précédente législature, la majorité avait rejeté un amendement porté notamment par La France insoumise préconisant déjà l'inscription de l'IVG et de la contraception dans la Constitution. Depuis, le débat a évolué au regard des coups portés au droit à l'IVG dans certains pays et Aurore Bergé n'exclut pas de voter la proposition de loi de l'opposition, évoquant un "même objectif" poursuivi, et la nécessité d'un "consensus" sur le sujet.