Assurance chômage : le groupe LIOT inflige une défaite symbolique à la majorité en commission, avant un débat dans l'hémicycle le 13 juin

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Martine Froger à l'Assemblée nationale, le 5 juin 2024.
Martine Froger à l'Assemblée nationale, le 5 juin 2024. LCP
par Maxence Kagni, le Mercredi 5 juin 2024 à 19:46

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a approuvé, ce mercredi 5 juin, la proposition de loi "visant à protéger le modèle d'assurance-chômage et soutenir l'emploi des seniors". Le texte, présenté par le groupe LIOT dans le cadre sa journée d'initiative parlementaire, sera examiné dans l'hémicycle jeudi 13 juin. 

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a approuvé, ce mercredi 5 juin, la proposition de loi "visant à protéger le modèle d'assurance-chômage et soutenir l'emploi des seniors". Présenté par les députés Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), le texte sera examiné dans l'hémicycle jeudi 13 juin, à l'occasion de la journée d'initiative parlementaire du groupe présidé par Bertrand Pancher. Objectif : envoyer un "signal fort" à l'exécutif.

A travers ce texte, les députés LIOT souhaitent dénoncer la nouvelle réforme de l'assurance chômage, annoncée fin mai par le Premier ministre, Gabriel Attal. "La mise en place d'une troisième réforme en à peine quatre ans masque, sous couvert d'une volonté d'améliorer le fonctionnement du marché du travail, l'ambition de diminuer la dépense publique au détriment des plus précaires", a dénoncé mercredi la rapporteure Martine Froger (LIOT).

Notre modèle d’assurance chômage doit être conforté et protégé afin d’éviter un basculement dans la pauvreté, qui éloigne nécessairement du marché du travail, à rebours de l’objectif poursuivi. Extrait de la proposition de loi 

La réforme du gouvernement, qui se fera par décret doit, selon Les Echos, s'appliquer le 1er décembre prochain. Celle-ci prévoit d'augmenter la durée minimale de travail requise pour être indemnisé en cas de chômage. Les personnes de moins de 57 ans qui perdront leur emploi devront avoir travaillé au moins 8 mois lors des 20 derniers mois au lieu de 6 mois lors des 24 derniers mois. Les plus de 57 ans devront pour leur part avoir travaillé 8 mois dans les 30 derniers mois. Par ailleurs, "la durée d’indemnisation sera réduite à 15 mois, dans la conjoncture actuelle", a dit Martine Froger, critiquant l'esprit de la réforme.

"Les 3,6 milliards d'économies attendues grâce aux mesures annoncées par le Premier ministre s'ajoutent aux plus de 2 milliards d'euros de baisses de dépenses issues de la réforme 2021 et aux 4,5 milliards d'euros prévus pour celle de 2023" a-t-elle, en outre calculé. "Comment vous expliquez qu'à mesure que vous tutoyez 'le plein emploi', Marine Le Pen tutoie des sommets en termes d'intention de vote ?" a, quant à lui, demandé Benjamin Saint-Huile (LIOT).

"Affirmer les droits du Parlement"

La proposition de loi contient notamment un article qui vise à empêcher "qu’une nouvelle réforme unilatérale du Gouvernement par voie réglementaire ne puisse conduire à diminuer encore davantage la durée d’indemnisation" du chômage, tandis qu'un autre "prévoit que les règles en matière de durée d’affiliation ne puissent aller au-delà de ce qui existe aujourd’hui".

Les députés du groupe LIOT proposent également de supprimer le "principe de contracyclicité", qui permet de moduler la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi en fonction de la situation du marché du travail "Cette mesure s'est surtout traduite par un nouvel amoindrissement des droits des demandeurs d'emplois", a regretté Martine Froger. Selon Les Echos, la nouvelle réforme du gouvernement prévoit, par exemple, que la durée d'indemnisation des chômeurs baissera de 40% si le taux de chômage descend en dessous de 6,5% de la population active pendant deux semestres consécutifs. 

Le texte vise, par ailleurs, à "renouer avec le paritarisme" en "remplaçant le document de cadrage" des négociations "par un document d'orientation moins contraignant". "De l'avis des partenaires sociaux, ce document vise en réalité à faire échouer la négociation en imposant des conditions très difficiles, voire impossibles à remplir", a commenté Martine Froger. "Votre philosophie politique, c'est une philosophie hégélienne de destruction des corps intermédiaires" a renchéri Charles de Courson (LIOT) en s'adressant à ses collègues de la majorité présidentielle. Très remonté, le député a jugé nécessaire "d'affirmer les droits du Parlement" face à un gouvernement qui porte une réforme "par décret". Et de lancer : "Il y a des moments où il faut être révolutionnaire".

Enfin, le texte prévoit d'instituer une négociation obligatoire, tous les quatre ans, "sur le maintien en emploi des seniors pour toutes les entreprises de 300 salariés et plus". Une façon de limiter les "effets conjugués de la réforme des retraites et des annonces du gouvernement relative à l'assurance-chômage" qui touchent particulièrement les seniors, a expliqué Martine Froger.

2 millions d'emplois créés depuis 2017, selon la majorité

"Une nouvelle fois, vous utilisez votre ordre du jour réservé pour maintenir à tout prix le statu quo", a dénoncé Nicolas Turquois (Démocrate), opposé au texte comme son collègue Paul Christophe (Horizons). Très critique, Marc Ferracci (Renaissance) a fustigé une proposition de loi qui vise à "revenir sur la quasi totalité des réformes de l'assurance chômage qui sont intervenues ces dernières années et qui ont contribué à la création de 2 millions d'emplois depuis 2017". Il a également mis en cause un dispositif qui, selon lui, "contraint sévèrement la négociation sociale".

"Plus vous restez au chômage, plus vous dégradez votre employabilité, plus vous avez un trou sur votre CV que les employeurs vont percevoir comme quelque chose de négatif", a-t-il argumenté, défendant la politique menée en matière d'emploi depuis 2017. 

Inversement, le groupe Rassemblement national a "exprimé sa gratitude" envers le groupe LIOT pour son "engagement à protéger notre modèle social actuel et à aborder enfin la question de l'emploi des seniors". "La nouvelle réforme prévue par le Premier ministre vise encore à précariser les demandeurs d'emploi déjà bien violentés par les trois précédentes réformes", a dénoncé Victor Catteau (RN). Le texte a également été soutenu par La France insoumise, Louis Boyard (LFI) accusant le gouvernement "de taper sur les Français qui sont le moins en capacité de se défendre".

Les trois autres groupes de gauche - Socialistes Gauche démocrate et républicaine ; Écologiste - ont eux aussi défendu la proposition de loi, profitant de leurs prises de parole pour critiquer la politique du gouvernement. Enfin, Les Républicains se sont prononcés en faveur des mesures sur les seniors, mais se sont abstenus sur le texte. LR a "perdu sa boussole" sur l'assurance chômage, "en toute incohérence et irresponsabilité", a réagi Marc Ferracci (Renaissance), cité par l'AFP. "Nous ne sommes pas la béquille du gouvernement, a répliqué Stéphane Viry (LR).

Après son examen en commission, texte sera débattu jeudi 13 juin dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Ne s'agissant que d'une première lecture, son éventuelle adoption ne permettrait cependant pas de contrecarrer les projets du gouvernement. En outre, quel que soit son destin à l'Assemblée, l'avenir de la proposition de loi paraît pour le moins incertain au Sénat où la droite et le centre sont majoritaires.