Budget 2022 : Éric Dupond-Moretti salue les "efforts sans précédent" pour la justice

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Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, en octobre 2021
Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, en octobre 2021 (JEAN-FRANCOIS MONIER / POOL / AFP)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 13 octobre 2021 à 15:05, mis à jour le Mercredi 13 octobre 2021 à 20:32

Le ministre de la Justice s'est félicité mercredi 13 octobre de la deuxième hausse consécutive du budget de la justice, saluant les efforts financiers faits en la matière durant le quinquennat. Places de prison, justice de proximité, numérisation de la justice... Éric Dupond-Moretti a détaillé devant les députés les points saillants de l'année à venir.

"La justice a désormais les moyens de travailler." C'est par cette sentence que le ministre de la Justice a présenté ce mercredi aux députés de la commission des lois les priorités et les spécificités du budget de la justice pour 2022. L'ancien avocat a mis en avant lors de sa plaidoirie les "efforts sans précédent" entrepris durant le quinquennat.

1,3 milliard d'euros supplémentaires en deux ans, 8 % d'augmentation des crédits pour la deuxième année consécutive, 7 400 emplois créés depuis le début du quinquennat, portant à plus de 90 000 le nombre de personnels travaillant pour la place Vendôme — "du jamais vu"... C'est une longue série de chiffres et de hausses qu'Éric Dupond-Moretti a déroulée devant les élus.

Ces derniers ont d'ailleurs globalement salué cette hausse. "Nous commençons à marquer l'histoire de la justice", a ainsi déclaré Antoine Savignat (LR). Qui a tout de même tempéré son enthousiasme en appelant à mieux œuvrer pour le bon fonctionnement de l'institution. Un constat partagé par Cécile Untermaier (PS) et Marie-George Buffet (PCF). Parmi les voix discordantes, Ugo Bernalicis (LFI) a dénoncé une augmentation servant quasi-uniquement la justice répressive, au détriment de la justice civile, par exemple.

Défenseur de la justice de proximité

Le budget de 2022 doit permettre de poursuivre les avancées déjà obtenues. Parmi les nombreux sujets mis en avant par le garde des Sceaux, figure la pérennisation de la justice de proximité, censée être plus proche des justiciables et qui doit permettre de juger plus vite certaines infractions. Quelque 252 millions d'euros sont provisionnés.

Même évolution positive concernant la hausse de l'aide juridictionnelle, qui va bénéficier de 150 millions d'euros sur deux ans, dont 95 millions d'euros en 2022. "Le plancher pour bénéficier de cette aide est néanmoins très bas", a remarqué Cécile Untermaier.

Enfin, l'un des grands chantiers entrepris depuis quelques années concerne la modernisation de l'institution judiciaire, et nécessairement, sa numérisation. En tout, 205 millions d'euros sont prévus pour l'investissement informatique place Vendôme. Il s'agit notamment de faire aboutir la procédure pénale numérique, arlésienne souhaitée de longue date par les services et qui poursuit son lent déploiement. Laetitia Avia (LaREM) a également "solennellement demandé" au ministre de poursuivre les efforts entrepris pour assurer la mise en place de la plainte en ligne. "Nous serons au rendez-vous fin 2023", a répondu le garde des Sceaux.

Le retour des "sucres rapides"

Le ministre de la Justice est par ailleurs revenu sur l'un de ses choix : celui de privilégier le recrutement de 2 100 contractuels en un an. "Des sucres rapides", préférés aux "sucres lents" que sont les magistrats et greffiers, plus longs à former. "Ils se sont tous rendus indispensables", s'est félicité le garde des Sceaux, plaidant, à terme, pour la pérennisation de ces emplois. "Ces sucres rapides se sont parfaitement intégrés."

Choqué que le ministre puisse dire "de manière aussi péremptoire que la justice a les moyens pour fonctionner", Ugo Bernalicis n'a guère goûté la métaphore, aussi sucrée soit-elle. Selon l'élu insoumis, bon nombre de magistrats sont très critiques du recrutement de ces contractuels plutôt qu'à l'ouverture de davantage de postes de magistrats, dont le nombre trop limité se fait cruellement ressentir. "Finalement je préférais Nicole Belloubet [l'ancienne garde des Sceaux], qui assumait de dire 'l'effectif cible' ne correspond pas aux besoins", a-t-il conclu. "Vous avez eu un moment de faiblesse ; vous avez dit du bien de l'un des ministres d'Emmanuel Macron. Ce n'est pas moi, mais Madame Belloubet appréciera", a ironisé Dupond-Moretti en réponse.

400 bracelets anti-rapprochement actifs

Cécile Untermaier a pour sa part attiré l'attention du ministre sur la lutte contre les violences intrafamiliales. "Nous avons encore beaucoup à faire niveau répartition des crédits", a estimé l'élue socialiste". Faisant le point sur ce sujet, Éric Dupond-Moretti a notamment évoqué les bracelets anti-rapprochement. Il s'est targué d'avoir publié une ordonnance sur leur utilisation, afin d'éviter que ces dispositifs ne "restent dans les tiroirs".

Selon lui, plus de 400 d'entre eux sont actifs à l'heure actuelle, pour un budget d'environ 9,2 millions d'euros entre 2020 et 2022. "Toutes les juridictions sont désormais pourvues", s'est il félicité. Il a par ailleurs mis en avant l'expérimentation de la réalité virtuelle, qui place les auteurs de violence dans la situation de la victime par le biais d'un casque. Sans tirer de conclusion sur leur efficacité, car l'évaluation scientifique de ce dispositif n'est pas achevée. "C'est en revanche extrêmement impressionnant", a-t-il précisé.

Sangliers contre prison

Le débat est éternel, ou presque, mais il s'est à nouveau matérialisé en commission des lois. Faut-il construire davantage de places de prison ? En l'état, le ministre de la Justice a rappelé la construction de 7 000 d'entre elles (ou en voie de l'être) sur le quinquennat, l'objectif étant toujours d'atteindre les 15 000 places supplémentaires en 2027.

Cet objectif, bien moins ambitieux qu'initialement prévu, a été brocardé par plusieurs députés, Yves Hemedinger (LR) et Nicole Dubré-Chirat (LaREM) en tête. Outre les retards expliqués par la crise sanitaire, le garde des Sceaux a critiqué les élus qui réclament à cor et à cris la construction de nouveaux établissements pénitentiaires... Tout en refusant d'en accueillir un sur leur territoire. Parfois même, pour des raisons "abracadabrantesques", a-t-il pesté. Ainsi de cet édile qui a écarté la proposition du ministère, sous prétexte qu'il s'agissait d'un coin de battue à sangliers. "Je lui ai répondu qu'il y aurait des miradors", a ironisé Éric Dupond-Moretti.

Il a par ailleurs détaillé le volet du plan pénitentiaire prévu pour l'année prochaine, doté à hauteur de 100 millions d'euros. Il s'agit surtout de sécuriser les établissements existants, mais aussi de poursuivre la numérisation des équipements des agents et de financer le statut de détenu travailleur, prévu par le projet de loi "pour la confiance dans l’institution judiciaire".